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La culture PME face au changement

07/10/2016

Sujet vieux comme le monde, la culture d’entreprise est en passe de devenir la conquête des années à venir. Mieux, le défi identitaire par excellence pour conquérir parts de marché et légitimité sociale.

par Didier Pitelet,
Président fondateur de Moon’sFactory (Onthemoon, Moonpress, E-Walking et Dreamsearch)

De quelle entreprise peut-on affirmer qu’elle n’est pas aujourd’hui confrontée à des mutations profondes de modèles économiques, d’organisation ? à l’énorme point d’interrogation que représente la génération Z – les mutants ? à la redéfinition des sphères privées et professionnelles ? Hier critiquée, la PME est aujourd’hui encensée par les jeunes, qui la plébiscitent dans leur recherche d’emploi, l’estimant plus humaine, plus reconnaissante et surtout davantage source d’épanouissement. Vrai ou faux, une chose est sûre : l’effet de taille dimensionne le rapport à l’autre. Pas une startup – les PME d’après-demain – qui ne mette en avant sa culture, son identité, ses valeurs… Dans le tourbillon du monde, elles clament l’axe de leurs croyances comme carte de visite ! Si on accepte que la culture rassemble tous les comportements, les valeurs, les rites, les codes linguistiques qui unissent une communauté humaine rassemblée pour une finalité économique/ sociétale, celle-ci rend le concept même du vivre ensemble intemporel et intergénérationnel. À force de clamer un peu partout que le monde change, on ne mesure pas qu’il s’est déjà transformé définitivement et que la période dans laquelle nous entrons est une période d’adaptation. Malheureusement, la plupart des organisations ont eu du mal à anticiper les évolutions nécessaires pour vivre et progresser dans un monde ouvert, horizontal, décomplexé et bien évidemment totalement connecté ! La peur d’être « ubérisé » devient le cauchemar des dirigeants.

Se repenser pour survivre en restant soi-même

Tel est l’un des objectifs de la conceptualisation d’une culture d’entreprise. La pression économique du court terme a pris le pas sur la quête de sens et sur les réponses à apporter aux « nouveaux humains » sur le « bien-vivreensemble » ! Les PME – souvent à capitaux familiaux – s’inscrivent, elles, dans la durée et ont fait de l’adaptabilité permanente un postulat de leur succès.

Mais force est de constater que le prêt-à-penser corporate sévit comme toujours, privant l’entreprise d’un salutaire travail sur soi prospectif : qui sommes-nous ? que représentons- nous ? où allons-nous ? Comme toujours, le marketing croit avoir réponse à tout, mais cette fois la machine est enrayée par une quête de vrai inédite : « parler vrai », « agir vrai », « être vrai ». Il n’y a qu’à lire les poncifs sur le management déboussolé face aux jeunes, caricaturés par des égéries générationnelles, qui avant même d’avoir bâti leur vie, aiment à dicter LA vie à leur futur employeur…

Certains concepts formidables, comme l’entreprise libérée, deviennent des clichés de mastodontes, qui donnent l’illusion du changement alors même que le véritable défi est de s’approprier une philosophie et non un dogme. Les entreprises, fragiles en leur for intérieur, s’inventent des postures substituées : elles oublient leur personnalité pour adopter l’air du temps ! Mauvais calcul, qui finit par les banaliser et les rendre anonymes.

La PME, un tout culturel

Certes, le big-bang est là ! Big data, mise à plat des organisations, fin des process de recrutement traditionnels, voire fin du salariat… les règles d’un équilibre désuet ont volé en éclats. Ordo ab chaos ! 1 Ce big-bang milite pour le retour prégnant et urgent d’un bon sens pragmatique qui, plutôt que de faire croire à un changement collaboratif piloté par des injonctions top-down, ferait de la considération d’autrui le postulat de ce changement. En ce sens, l’univers des PME fait référence, même s’il faut veiller à ne pas opposer les modèles des grands groupes à ceux des PME, chacun ayant son propre intérêt. La PME, reconnaissons-le, qu’elle ait 50, 100, 250 salariés ou plus, se vit presque toujours comme un tout culturel. Le vivreensemble, qu’il soit formalisé ou non, repose sur des rites de vie partagés ; le rôle de chacun est clair. À quelques rares exceptions près, la culture guide l’action collective et unit les équipes. La considération des individus en est le pilier : bien souvent, qu’importent les statuts et les grades, chaque individu est un maillon à part entière de la chaîne de valeur de l’entreprise. Le résultat est la plupart du temps édifiant : une philosophie connue et reconnue, une ambition comprise et partagée, une responsabilité assumée par tous. Ne nous laissons pas abuser pour autant par ces constats flatteurs, car la réalité est aussi économique : la conscience de l’humain, y compris son coût, est par essence plus aiguisée chez un patron de PME qu’une simple lecture de pourcentage de masse salariale sur un chiffre d’affaires. La moindre défaillance a un impact immédiat en terme de performance et/ou de livrable de services et/ou de production. Subi ou volontaire, le changement est pour autant toujours un voyage pour le collectif : sa raison se doit d’être explicite pour chacun, en cohérence avec l’ADN de l’entreprise et sa culture. L’équipe dirigeante – et en particulier le dirigeant – doit incarner le sens culturel de toutes les évolutions, au risque de perdre ses troupes. Prendre le temps du sens est un gain ultérieur sur l’adaptation au changement, et ce temps est bien évidemment un temps humain de proximité. Évoluer impose de « mouiller sa chemise » et non de se reposer sur un plan de communication ! La souplesse portée par le sens de l’action des PME est un atout considérable pour fédérer et mobiliser les équipes. Il semble évident que la culture d’entreprise, lorsqu’elle est vécue comme un art de vivre collectif, joue un rôle prépondérant dans l’accompagnement du changement.

Penser l’humain avec un grand H

La culture d’entreprise, si souvent malmenée par les écarts entre les paroles et les actes, s’impose comme l’élément-clé de toutes les mutations ! Elle est le ciment identitaire qui dépasse les contingences du changement au profit de l’aventure humaine qu’il incarne ; aventure qui peut être périlleuse – une réorganisation, un plan de départ volontaire… –, heureuse – un rachat, une diversification… –, matérielle – un déménagement – ou encore managériale – un changement de directeur ou de dirigeant… Elle est le langage formel et informel qui fédère et permet à des humains différents de se ressembler pour mieux se rassembler. La dimension culturelle est presque toujours sous-estimée dans les stratégies d’accompagnement du changement, de par la volonté d’aller vite au but (les équipes suivront ! ), alors même qu’elle est le meilleur catalyseur d’adhésion possible. La culture, c’est comme le management : « un tiers de tripes, un tiers de coeur et un tiers de cerveau » ! Dans les PME, ce raccourci est visible, car ni les process ni les organisations n’ont pris le pas sur l’efficacité. Le bon sens est encore de mise. Dans les grandes entreprises, on estime souvent à tort que le sujet ne se pose pas dans les mêmes termes en raison des différences de taille, d’effectif, d’organisation matricielle… Tous ces arguments sont des paravents pour masquer lâcheté et hypocrisie de fonctionnels qui doivent justifier le statu quo, car penser l’humain avec un grand H n’est pas une question arithmétique, mais de vocation : penser le macro par le micro n’affaiblit pas, bien au contraire. Ce qu’ont bien compris nombre de PME…

Notes
(1) L’ordre naît du chaos

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