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La marque, empreinte du savoir-faire

07/10/2016

Dans le concert des marques, les marques de PME ont longtemps joué une partition congrue. Les temps changent, sur fond de mutation des attentes des consommateurs en quête d’authenticité, de proximité, de vérité. Autant de caractéristiques qui leur sont propres.

Entretien avec Dominique Amirault,
Président de la FEEF (Fédération des Entreprises et Entrepreneurs de France)
propos recueillis par Jean Watin-Augouard

 

Quels sont les éléments fédérateurs qui réunissent vos adhérents ?

Dominique Amirault : Notre mot d’ordre implicite est que la réalité prime sur les idées. Le pragmatisme prévaut. La vie opérationnelle et l’action sont au coeur de nos préoccupations. Nous avons deux principes fédérateurs : l’esprit entrepreneurial doit s’exprimer dans l’indépendance ; la logique humaine prime sur la logique financière ; sur le plan comportemental, l’initiative, le risque et l’expérimentation sont des valeurs clés. Deuxième principe : la relation commerciale et le respect du client. Si l’entreprise produit de la valeur, celle-ci ne peut être valorisée que par les clients. En effet, ce sont eux qui nous permettent de vivre et nous donnent de la visibilité par le carnet de commandes.

Combien d’entreprises vous quittent chaque année parce qu’elles ne sont plus familiales et indépendantes ?

D. A. : Chaque année, nous gagnons environ 150 entreprises et en perdons une trentaine. Au nombre des raisons, les entreprises sont cédées, certaines sont en difficulté, et d’autres ne respectent pas notre déontologie. L’affectio societatis est très fort à la FEEF, une association où le respect du « vivre ensemble » est déterminant.

Quels sont les objectifs prioritaires de vos adhérents ?

D. A. : Le premier objectif est de grandir en passant progressivement de l’adolescence à la maturité, en développant aussi bien les aspects commercial et humain que financier. L’humain a une place privilégiée, car « il n’est de richesses que d’hommes » : l’entreprise est le lieu de création de richesse et ce, grâce aux hommes. La finance est bien sûr importante, mais ce n’est qu’un moyen. Pour autant, nous n’ignorons pas les questions essentielles de trésorerie, de fonds propres et de transmission...

Comment vous positionnez-vous par rapport aux marques ?

D. A. : Les marques sont essentielles. Les marques de PME – ou plutôt les « marques entrepreneurs » – sont l’empreinte de notre action, elles sont notre priorité, même si nos moyens de communication sont plus faibles, ainsi que la notoriété de nos marques. Tels des artisans, nous produisons nous-mêmes des marques qui protègent notre valeur créée. Pour autant, n’oublions pas que ce ne sont pas les marques qui créent de la valeur, mais les hommes ! En revanche, la force des grandes marques provient davantage de leur puissance financière.

Les marques sont-elles plus importantes pour vos adhérents que pour les grands groupes ?

D. A : Elles sont effectivement plus importantes pour nous ! Nous devons conquérir notre territoire pour construire la différenciation de nos marques, sinon nous demeurerons toujours des sous-traitants… Un grand groupe, lui, a déjà acquis cette situation, il a déjà son (ou ses) territoire(s) de marque.

La marque est-elle un gage de pérennité pour vos adhérents ?

D. A. : Oui, absolument, tout ce que l’on crée dans l’entreprise doit être signé, protégé. C’est encore plus nécessaire pour les jeunes entreprises…

La force d’une marque de PME ne réside-t-elle pas, en particulier, dans l’incarnation du dirigeant qui garantit la stratégie de l’entreprise ? Est-ce encore plus corrélé dans le cas d’une PME familiale ?

D. A. : Oui, nos marques sont incarnées par leurs entrepreneurs dirigeants, familiaux ou non. La marque d’une PME est enracinée dans sa communauté humaine qu’est l’entreprise et dans son territoire. L’ensemble est consubstantiel et constitue une sorte d’écosystème. La marque de PME n’est pas « hors sol » !

Cet enracinement constitue-t-il une force ou une faiblesse ?

D. A. : Parce qu’elle est enracinée dans son entreprise et dans son territoire, la marque y est partie prenante, solidaire, elle y « fait société ». À titre d’exemple, il n’est pas dans sa nature de délocaliser. C’est même sa force du point de vue des consommateurs.

Avez-vous une commission spécialisée sur les marques ? Si oui, quel est son domaine de compétence ? Si non, quelles en sont les raisons ?

D. A. : Nous n’avons pas de commission spécialisée sur les marques, mais nous organisons tous les ans un séminaire sur les marques de PME. Les dirigeants ont parfois du mal à parler de leur propre marque, comme si c’était en quelque sorte une affaire intimement personnelle, et on peut en effet pressentir que leur marque est issue du plus profond de leurs âmes d’entrepreneurs...

Doit-on distinguer la marque de PME de la marque globale par son adaptabilité, sa réactivité à la demande des consommateurs, sa plus grande proximité auprès de ces mêmes consommateurs, un management plus proche des salariés ?

D. A : En effet, la marque de PME exprime le savoir-faire des hommes. La grande marque est impériale et jacobine, elle est gérée par de grands spécialistes. Ce qui la caractérise, c’est la puissance et la domination. La grande marque est perçue comme un monstre froid géré de manière très professionnelle. La marque de PME, elle, est rebelle, plus authentique, plus sincère, plus spontanée, plus pragmatique. Elle vit sur le terrain et pratique une forme de guérilla commerciale et marketing pour s’y adapter. Pour elle, le réel prime, l’imaginaire est secondaire. N’oublions pas que le temps du price premium semble révolu pour les grandes marques. Ce qui faisait leur force est remis en cause, notamment du fait de la guerre des prix. Tout change… En revanche, les marques de PME ont un vrai price premium justifié par le fait que c’est la demande du consommateur qui tire les ventes.

Incluez-vous les marques dans vos accords avec les enseignes ?

D. A. : Dans nos accords, nous avons trois parties : les pratiques générales dans les relations commerciales différenciées et collaboratives, responsables et équilibrées, puis les marques de PME, et enfin, les MDD que nous co-construisons avec nos partenaires distributeurs avec lesquels nous sommes intimement liés.

Quel avenir pour les marques de PME face à la mondialisation et au renforcement des marques globales ?

D. A. : Nous devons nous appuyer sur notre reconnaissance nationale pour mieux signer nos produits et services à l’international. Si les marques globales ont leur place en répondant à certains besoins des consommateurs, les marques de PME leur sont complémentaires. Mais ces deux types de marques « ne boxent manifestement pas dans les mêmes catégories »…

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