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Havana Club, Miroir et acteur de la culture cubaine

07/10/2016

Cinquième marque du top 14 de Pernod Ricard, Havana Club est un cas d’école, non seulement par son ancrage territorial, mais aussi par son management singulier. Elle donne enfin ses lettres de noblesse au rhum.

par Jean Watin-Augouard

Connaissez-vous l’art du ron cubano ? C’est, littéralement, le processus de distillation, de vieillissement et d’assemblage des rhums Havana Club. Plus de 15 ans sont nécessaires pour maîtriser cet art. Le batición ? C’est la première étape, quand le mélange initial de mélasses – ou mieles (miels) – issues de la canne à sucre – ou or blanc –, de levures et d’eau de source fermente durant plusieurs jours avant d’entrer dans des colonnes de distillation. Les aguardientes ? C’est l’« âme » du rhum Havana Club, des eaux-de-vie claires, vieillies, assemblées et sélectionnées pour produire la madre : la « mère » ou base du rhum. Cette base est ensuite mélangée à un distillat de canne à sucre – Cuba, l’« île du rhum », se singularise par ses riches plantations 1 – pour obtenir le ron fresco (rhum frais), vieilli et assemblé par le maestro ronero (maître rhumier). Le dernier assemblage est le toque, la touche finale.

La qualité de l’écrin dans lequel est vieilli le rhum est déterminante, car c’est le bois – des fûts de chêne blanc ramenés d’Écosse et d’Irlande, et ayant déjà servi deux, trois fois ou plus, au vieillissement de whiskies exclusifs – qui donne au rhum sa couleur, son arôme et sa complexité 2. Inutile de préciser que la méthode d’élaboration de chaque rhum n’est connue que des sept maîtres rhumiers de l’île. « Ingénieurs chimistes ou docteurs en chimie, ils supervisent tout le processus de fabrication. À la fois maîtres distillateurs et maîtres assembleurs, ils élaborent les dessins techniques des colonnes de distillation, et sont capables de définir une rhumerie sur le plan technique », explique Jérôme Cottin-Bizonne, directeur général Havana Club International. Depuis 2016, ce savoir-faire est reconnu comme patrimoine culturel de Cuba.

 

Un mariage de passion

1878. José Arechabala, arrivé à Cuba en 1862 à l’âge de 15 ans 3, commence à produire du rhum à Cardenas. Devenu un magnat cubain de l’industrie sucrière 4, il lance, en 1934, la marque de rhum Havana Club, en référence à La Havane, capitale de Cuba, qui accueille ses bureaux sur la place de la cathédrale. Il l’exporte aux États-Unis et en Espagne et dépose la marque dans une demi-douzaine de pays, dont les États-Unis, la même année. Proche du dépôt de bilan en 1955, la société ne paye plus les taxes pour le renouvellement des droits de propriété industrielle, ni aux États-Unis ni dans les six autres pays où la marque est protégée par un titre de propriété industrielle ! Conséquence de la révolution cubaine en 1959, la société est nationalisée 5. En 1966, le gouvernement Castro décide de créer une nouvelle structure, baptisée Cubaexport, qui, au fil des années, déposera la marque Havana Club dans 80 pays, notamment les États-Unis 6, malgré l’embargo qui touche alors Cuba. Durant les années 1970, Cubaexport redonne vie à Havana Club et la commercialise, non seulement à Cuba, mais aussi dans les pays communistes ou pays amis – comme l’URSS, l’Allemagne de l’Est, la Bolivie, l’Équateur… L’effondrement de l’URSS et la fin de l’aide du bloc soviétique conduira à un changement de stratégie : Cuba, à la recherche d’un nouveau modèle économique, souhaite alors favoriser l’investissement étranger. Pernod Ricard sera l’une des premières sociétés étrangères à y créer une jointventure : en 1993, naît Havana Club International SA, jointventure à 50-50, fruit d’un accord entre Pernod Ricard et l’entreprise d’État Cuba Ron SA, dont le convenio asociativo est signé le 22 novembre 1993, en présence de Fidel Castro, avec Thierry Jacquillat, alors directeur général du groupe. Le choix de Pernod Ricard fut motivé par ses valeurs d’entreprise familiale, son esprit entrepreneurial et son respect des traditions 7. « Pernod Ricard, défricheur de nouveaux marchés, est une entreprise familiale qui pense sur le long terme, comme l’entreprise d’État, qui a aussi une vision à long terme », analyse Jérôme Cottin- Bizonne. François Renié, directeur de la communication ajoute : « À l’époque, Pernod Ricard n’avait pas de marque de rhum internationale, aussi cet accord lui a-t-il permis d’élargir son portefeuille de marques de spiritueux. »

Troisième marque de rhum

La joint-venture a initialement pour mission d’exporter Havana Club dans le monde entier à travers les filiales Pernod Ricard, de construire la marque et de la faire connaître. 10 ans plus tard, Pernod Ricard reprend la distribution à Cuba. En 2007, pour répondre à une demande croissante, est inaugurée une nouvelle rhumerie à San José de las Lajas. Installée sur 17 hectares, à 30 kilomètres de La Havane, elle reste une des plus grandes distilleries de rhums âgés à ce jour. Entrée en 1998 dans le top 100 des marques de spiritueux (classement de la revue américaine Impact), puis dans le top 50 en 2003, Havana Club est vingt-deuxième aujourd’hui. Commercialisée dans 120 pays, ses ventes mondiales sont passées depuis 1993 de cinq à 50 millions de bouteilles 8. Selon l’institut britannique Intangible Business, elle est aujourd’hui la troisième marque de rhum la plus connue au monde après Bacardi et Captain Morgan (Groupe Diageo), « sans pour autant avoir accès au marché américain, qui représente 40 % du marché mondial, c’est donc une très belle performance. Nous sommes une passerelle entre Cuba et le monde », indique Jérôme Cottin-Bizonne. Ces quatre dernières années, Havana Club a remporté 55 médailles, dont 32 d’or, dans des concours de dégustation à travers le monde, ainsi que le Craftsmanship Trophy en 2012 (International Spirits Challenge, Londres) pour son rhum Havana Club 15 ans. Elle s’est par ailleurs placée en première position du top 10 des marques préférées des bartenders (enquête « 50 World Best Bars », revue Drinks International). « Le rhum est une catégorie d’alcool encore peu connue du grand public par rapport à d’autres. Son image est souvent associée aux pirates, aux marins qui se contentaient d’un alcool de piètre qualité.

Il souffre également de ne pas avoir d’appellation contrôlée », analyse Jérôme Cottin-Bizonne. Pour autant, son image change grâce à la « premiumisation » engagée par Havana Club. Leader des rhums bruns âgés avec le sept ans d’âge, Havana Club est « la première marque qui a réussi à positionner sur le marché international le rhum brun comme alcool de qualité, que l’on peut boire pur ou en cocktail », précise-t-il. En 2005, avec Máximo Extra Añejo, Havana Club inaugure une nouvelle catégorie de rhum, ultra-prestige, le top de la Collection Iconica Havana Club, qui compte aujourd’hui quatre rhums. « La premiumisation du rhum nous ouvre un énorme potentiel depuis 15 ans. » Sur le plan des attentes des consommateurs, qui diffèrent selon les pays, Havana Club se révèle capable de répondre aux demandes variées, présente pour tous les moments festifs, intimes, entre amis, que ce soit en cocktails, long drinks ou sec. « Havana Club est consommé en apéritif ou en digestif selon les gammes et les pays. La majorité des consommateurs le boivent en cocktail, notamment en mojito, ou le mélangent avec du Coca-Cola, le fameux Cuba Libre ou rhum-Coca 9. Il y a aussi un nombre croissant qui le préfèrent nature, car ils ont découvert qu’un rhum peut être aussi fin et agréable que les meilleurs whiskies ou cognacs », résume François Renié, directeur de la communication. Comment Havana Club recrute-t-elle de nouveaux consommateurs ? « Nous proposons des moments de consommation en créant une expérience immersive unique, en cohérence avec chaque gamme, et toujours empreinte de la qualité, de l’ambiance et de la culture cubaine ». Comme à Paris, par exemple, où depuis deux ans et pendant tout l’été, Havana Club a « havanisé » le Café A (Cf. Revue des Marques n° 95), aménagé dans l’ancien couvent des Récollets, à l’architecture caractéristique des XVIIe et XVIIIe siècles, à proximité de la gare de l’Est.

Les visiteurs s’y trouvaient plongés dans un lieu conçu comme la réplique d’un quartier de la Havane. Y étaient proposés des concerts de musique cubaine, une programmation électro-latino, une chorale amateur, des DJ sets, ainsi qu’un atelier de création de mojitos : « Une immersion dans l’expérience », résume François Renié. Créateur de convivialité, Pernod Ricard entend responsabiliser les consommateurs, surtout les jeunes. Havana Club International a lancé, en 2012, un programme de consommation responsable – Tù Decides, « tu décides » – destiné aux jeunes cubains de 12 à 15 ans. L’initiative implique lycées et facultés de l’université des sciences médicales de La Havane. En plus de fournir des informations sur les dommages causés par la consommation d’alcool, le projet vise à encourager les adolescents à l’abstinence complète, à travers des pratiques de loisirs saines et la consommation de cocktails sans alcool.

Havana Club ou Cuba en bouteille

Singularité culturelle de la marque, son osmose avec la cuban cultural exceptionalism : l’« exception culturelle cubaine ». « Havana Club, c’est plus qu’un rhum, c’est Cuba en bouteille, l’énergie, la passion, l’histoire cubaine, à la confluence de plusieurs cultures : africaine, espagnole, asiatique, chinoise… c’est un symbole national, une marque iconique, aspirationnelle, la seule marque vraiment visible dans l’île, une marque dans laquelle se retrouve le peuple cubain », souligne Jérôme Cottin-Bizonne. « C’est en invitant des clients à la Havane que nous avons créé une clientèle devenue ambassadrice de la marque dans le monde, fan de Cuba, de sa culture, sa musique, son histoire », précise François Renié. Cette singularité se lit d’abord sur l’étiquette de la bouteille, où trône La Giraldilla, statue de bronze édifiée au sommet de la tour de guet du Castillo de la Real Fuerza (château de la force royale) de La Havane, créée par le sculpteur Jerónimo Martín Pinzón. Symbole de la capitale, elle figure au haut d’un cercle rouge représentant le soleil couchant vu du Malecón, une promenade de front de mer de huit kilomètres de long, située au nord de La Havane.

En 1998 a été ajouté le sceau de garantie República de Cuba, qui certifie l’origine 100 % cubaine du rhum Havana Club.

Cette singularité s’exprime ensuite en 1996, quand Havana Club International S.A. crée le Grand Prix Havana Club Cocktail, prix de mixologie destiné à honorer une fois tous les deux ans le meilleur barman au monde et à redonner vie au Club de Cantineros, l’association des barmen professionnels cubains, créée en 1924 10. La Havane n’est-elle pas réputée pour ses cocktails : mojitos, daiquiris, cuba libre, mary pickford, hemingway special, el presidente, mulatas, saocos ? « Ce championnat du monde est devenu au fil des ans la compétition la plus attendue avec, tous les deux ans, 45 pays s’affrontant pendant quatre jours », précise François Renié. Après la distinction, la formation : le Havana Club Master Class, créé en 2005, enseigne chaque année l’art du cocktail à quelque 3 000 barmen dans le monde. Au reste, Havana Club est la marque de rhum préférée des barmen et leur deuxième marque de spiritueux préférée.

 

En 1999, un film va permettre à la culture cubaine d’envahir l’Europe, et à Havana Club International d’accompagner ce mouvement culturel. Il s’agit du film documentaire sur la musique cubaine de Wim Wenders, Buena Vista Social Club, accompagné de l’album musical éponyme 11. « Cuba devient une destination touristique à la mode, on assiste alors à une accélération de nos ventes en Allemagne, Italie, Espagne et France, où la marque est présente depuis 1995 », précise François Renié. Étape importante dans l’identification de Havana Club International à la culture cubaine, la création en 2007 de Havana Cultura, destinée à promouvoir la créativité cubaine sous toutes ses formes – musique, littérature, cinéma, arts visuels 12 – à travers la documentation vidéo à destination du Web et l’organisation d’événements culturels, à Cuba comme dans le reste du monde. « Havana Cultura existe pour permettre aux artistes de La Havane de montrer au monde ce qu’ils font, et pour permettre au monde de voir et entendre ce qu’ils ont à dire sur leurs travaux, leurs vies et leur ville », explique Jérôme Cottin- Bizonne. « Havana Cultura permet de formaliser et rendre plus stratégique notre approche de la culture.

Le site offre aux artistes une exposition de leur création et une visibilité dans le monde entier. C’est une sorte de Web magazine qui réunit 150 interviews vidéos d’artistes. Souvenons-nous qu’en 2007, l’accès à Internet était très limité à Cuba. Havana Cultura a ainsi longtemps été la seule vitrine sur la culture contemporaine cubaine », ajoute François Renié. 

Au nombre des actions entreprises sur le plan musical, citons, en 2002, la création des bandas Havana Club, qui jouaient dans les bars et discothèques du monde entier. La coproduction, en 2009, de l’album Havana Cultura : New Cuba Sound, début d’une riche collaboration avec le DJ londonien Gilles Peterson, dont le fruit le plus récent est l’album de Daymé Arocena, nouveau talent à l’avenir brillant : The Havana Cultura sessions. Sur le plan cinématographique, Havana Cultura a coproduit en 2011 un long métrage sur la vie cubaine, véritable mosaïque conçue par sept réalisateurs à réputation internationale comme Laurent Cantet, Benicio del Toro ou Gaspard Noé : 7 Days in Havana, en partenariat avec Full House and Morena Films, présenté au festival de Cannes dans la catégorie « Un certain regard ». Le film a été distribué dans 25 pays.

Havana Club International promeut les arts visuels cubains à travers sa participation à la biennale de La Havane, un événement artistique majeur qui attire dans la capitale cubaine des artistes du monde entier, venus en particulier des pays du Sud. La photographie n’est pas en reste, comme l’atteste, en janvier 2016, le coup d’envoi de la bourse Elliott Erwitt Havana Club 7 Fellowship, qui a permis au légendaire photographe de l’agence Magnum, Elliott Erwitt, de retourner à Cuba 51 ans après son dernier voyage dans ce pays et ses prises de vue iconiques de Fidel Castro et Che Guevara. Objectif : constituer au travers des regards croisés de jeunes photographes un héritage documentaire de Cuba, ayant vocation à perdurer dans le temps. Le principe retenu consiste à sélectionner sept images parmi les instantanés d’Elliott Erwitt, dont la vente permettra de financer le voyage sur l’île d’un nouveau photographe, dont sept photos serviront à leur tour à financer le voyage de son successeur…

La culture cubaine est également mise à l’honneur sur le plan publicitaire 13. La première campagne internationale El Culto a la Vida ou « Culte pour la vie », lancée en 2006 pour promouvoir l’Añejo 7 Años, entend illustrer la soif de vie des Cubains. En 2010, Nothing Compares to Havana met en avant, dans 25 pays, la convivialité des habitants de la capitale et la qualité des relations humaines qui y règnent : simples, spontanées et authentiques 14. Et, plus récemment, une nouvelle campagne, From the heart, illustre ces mêmes traits de caractère tout en soulignant l’authenticité cubaine. « À chaque fois que nous le pouvons, nous travaillons avec des artistes cubains, par exemple pour le Grand Prix Havana Club ou tout l’univers graphique de Havana Club 3 ans et Especial », précise François Renié.

Enfin, toujours sur le plan culturel, il revient à Havana Club International d’ouvrir en 2000 le musée du rhum à… La Havane ! Grand succès touristique, il a reçu plus de deux millions de visiteurs à ce jour.

Cuba… libre ?

Depuis janvier 2016, sur fond d’un rapprochement engagé fin 2014 avec le régime castriste, les États-Unis ont, via l’Office américain des brevets et des marques (USPTO), autorisé le renouvellement du dépôt de marque Havana Club au profit de Cuba Export jusqu’en 2026. Cette décision marque une nouvelle étape dans la longue bataille juridique qui oppose Havana Club International à Bacardi, même si cette dernière entend la contester. L’enjeu est de taille, puisque les États-Unis représentent 40 % des ventes de rhum dans le monde 15. Cuba évalue à plus de 100 millions de dollars le manque à gagner dû à l’impossibilité de vendre son rhum aux Etats-Unis. Pour l’heure, rien n’est tranché en faveur de Pernod Ricard, car il revient à un tribunal du district de Columbia (Est des États- Unis) de se prononcer sur le fond de l’affaire, c’est-à-dire de déterminer qui est le propriétaire légitime de la marque…

 

 

LA GAMME

Les rhums de la gamme Havana Club, des rhums blancs aux rhums bruns (vieux et extra-vieux), sont tous issus d’un processus de vieillissement, d’où leur appellation Añejo (vieux) depuis 1997. On distingue quatre univers différents principaux :

  • Le Havana Club 3 ans d’âge (Añejo 3 Años), rhum premium pour les cocktails cubains (mojitos, daïquiris ou collins), représente 50 % des ventes. C’est le rhum blanc de référence utilisé par tous les bars de la Havane.
  • Le Havana Club Añejo Especial est un rhum ambré, parfait en cuba libre.
  • Le Havana Club 7 ans (Añejo 7 Años) est le leader des rhums bruns super-premiums, à consommer sec ou en short drink.
  • La collection Iconica recense quatre rhums très haut de gamme :
    • Havana Club Seleccion de Maestros, lancé en 2010 (45 €).
    • Havana Club Gran Anejo 15 años (150 €).
    • Havana Club Union co-brandé avec le cigare Cohiba, en 2015 (350 €).
    • Havana Club Máximo Extra Añejo, lancé en 2005 (1 500 à 2 000 €).

 

CUBAEXPORT CONTRE BACARDI, UNE ÉPOPÉE JURIDIQUE

La marque Havana Club, tombée dans le domaine public après la révolution cubaine, fut déposée aux États-Unis par Cuba Export en 1976, mais n’eut pas l’autorisation de renouveler ses droits en 2006. En janvier 2016, Cubaexport a cependant obtenu une licence spécifi que auprès de l’Office of Foreign Assets Control, lui permettant de renouveler l’enregistrement de sa marque aux États-Unis.

Le différend commercial remonte à la loi américaine Helms-Burton sur le blocus de Cuba, édictée par Washington en 1996, qui menace de sanctions les entreprises étrangères investissant à Cuba, et à la section 211 de cette même loi, élaborée par les avocats de Bacardi, qui interdit aux États-Unis la protection des marques ayant appartenu à des Cubains avant leur exil et ce, même lorsque ces marques ont été volontairement abandonnées et qu’elles sont tombées dans le domaine public. Loi grâce à laquelle Bacardi a pu utiliser la marque de rhum Havana Club. Selon Pernod Ricard, le caractère rétroactif de cette loi, conçue sur mesure contre Havana Club et que des juristes ont baptisée « Bacardi bill », est contraire à la constitution américaine.

En 2002, suite à une plainte déposée par l’Union européenne selon laquelle des tribunaux américains ne peuvent dicter leur loi à des sociétés étrangères, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) déclara cette loi non conforme aux accords TRIPS sur la propriété intellectuelle. Depuis 1993, Bacardi, qui n’est pas vendue à Cuba (même au bar de l’Edificio Bacardi, la boisson phare est Havana Club), n’a de cesse de freiner le développement du partenariat industriel entre Cubains et Français. En 1996, le groupe décide d’importer des caisses de rhum en provenance des Bahamas, qu’il commercialise sous le nom de Havana Club. En 1997, Bacardi aurait racheté aux héritiers de José Arechabala des titres de propriété de la marque Havana Club, ainsi que la recette originale. Depuis, Bacardi a déposé Havana Club dans quatre pays oubliés par Cuba – Croatie, Kirghizstan, Nicaragua et Tadjikistan –, sans pour autant l’exploiter, ce qui a permis à Pernod Ricard de la récupérer en justice au début des années 2010. En Espagne, toutes les tentatives de Bacardi de déchoir Havana Club de ses droits ont échoué, puisque la Cour suprême espagnole a permis, en 2011, au groupe français de continuer à vendre Havana Club sur son territoire, un de ses principaux marchés.

Le 11 mars 2016, Bacardi modifiait sa plainte auprès des tribunaux américains (US Federal District Court for the District of Columbia), plainte visant à faire annuler l’enregistrement par Cubaexport de la marque Havana Club. En 2004, le Trademark Trial and Appeal Board a en effet statué en faveur de Cubaexport, la déclarant propriétaire de Havana Club et condamnant Bacardi pour usurpation de marque. Bacardi ayant fait appel de cette décision devant les tribunaux, le litige fut suspendu dans l’attente du renouvellement de l’enregistrement de la marque. En février 2016, Cubaexport a renouvelé l’enregistrement de la marque aux États-Unis auprès de l’USPTO jusqu’au 27 janvier 2026. Aussi le litige peut-il dorénavant être jugé sur le fond par les tribunaux américains.

Notes
(1) La canne à sucre est arrivée sur l’île en 1493 grâce à Christophe Colomb. C’est Pedro Diago qui introduira au début du XIXe siècle l’alambic en cuivre et le vieillissement en jarres. En 1860, on comptait plus de 1 000 distilleries à Cuba.
(2 ) Le rhum léger (mélasse et distillerie continue, qui donne un alcool moins lourd en ester et qui peut vieillir longtemps) est né à Cuba.
(3) Facundo Bacardi fondera sa société la même année.
(4) Il distribuait Chivas et Dubonnet, deux marques aujourd’hui propriété de Pernod Ricard.
(5) Comme les Bacardi, exilés aux Bermudes, les Arechabala quittent Cuba.
(6) Où Bacardi commercialise discrètement, en Floride, un rhum également appelé Havana Club, mais produit à Porto Rico.
(7) La société comptait six personnes en 1993 : un expatrié et cinq Cubains ; 50 employés en 2003, 550 aujourd’hui. Source : Havana Club International S.A., Havanizing the world, the history of Havana Club International S.A., 2013.
(8) En nombre de caisses : de 400 000 caisses à 4 millions de caisses de 9 litres par an. Cuba est n° 1 avec près de 30 % des ventes, suivi de l’Europe (Allemagne, France, Espagne, Italie, Royaume-Uni), de l’Amérique (Canada, Mexique, Chili) et de la Chine.
(9) Cocktail lancé vers 1900, au moment de la perte de Cuba par les Espagnols.
(10) En 2012, la France remporte le Grand Prix avec Julien Escot.
(11) Le Buena Vista Social Club était un club nocturne, aujourd’hui disparu, situé dans le quartier de Buena Vista, à La Havane.
(12) www.havana-cultura.com
(13) Le premier film publicitaire de la marque, El Alma de Cuba, fut lancé en 1998 sur la télévision italienne.
(14) Cette campagne a reçu le Grand Prix Euro Effie en 2012.
(15) Une deuxième marque, Havanista, fut déposée en 2011 par sécurité : même rhum, même bouteille, même packaging.

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