Articles

Tabasco, originale à plusieurs titres

07/10/2016

Tabasco repose sur un modèle unique. Toujours détenue par une PME familiale et disposant de racines profondes, la marque américaine est diffusée dans le monde entier grâce à des contrats de distribution. En France, celui-ci est, de plus, assuré par un grand groupe, Unilever.

par Benoit Jullien, ICAAL

Tabasco, distribuée en France par Unilever, est une exception pour le groupe, qui n’est pas propriétaire de la marque. Il a récupéré sa distribution avec la reprise d’Amora Maille en 2000, cette dernière ayant gagné ce contrat durant l’ère BSN. Autre surprise, cette marque de notoriété mondiale est toujours détenue par la famille fondatrice, aux commandes de McIlhenny Co depuis cinq générations.

Parfois surnommée « ketchup cajun », la sauce a été créée en 1868 par Edmund McIlhenny à partir d’un seul plant de piment rouge, planté sur l’île d’Avery dans les bayous de Louisiane, sur les côtes du golfe du Mexique.

Ce piment est broyé en une purée (mash) qui, après avoir été mélangée à du vinaigre et à du sel pendant 28 jours, est vieillie durant trois ans en fûts de chêne. Pour cela, l’entreprise – qui n’hésite pas à comparer son procédé à celui du vin – dispose d’un stock de 60 000 anciennes barriques à whisky. Désormais, les piments peuvent également être cultivés en Amérique latine, mais toujours à partir de graines produites à Avery. C’est pourquoi la famille lutte pour préserver ces bayous, situés dans une région d’ouragans : « je sais que c’est trendy maintenant, s’amuse Anthony Avery Simmons, son actuel président, mais notre attachement au terroir remonte à loin ».

Aujourd’hui, l’entreprise familiale emploie 200 salariés pour sa production. Si elle ne divulgue pas ses résultats économiques, elle laisse d’autres évoquer 200 millions de dollars de chiffre d’affaires et une valorisation de l’entreprise à un milliard. Et ce dans un marché mondial des sauces piquantes évalué également à un milliard de dollars, avec une concurrence en plein essor, et où la marque est présente dans près de 180 pays, toujours avec des contrats de distribution à l’image de celui qui la lie à Unilever.

Devenir un ingrédient culinaire

En France, où l’épicé ne participe pas encore vraiment de la tradition culinaire, le marché est beaucoup plus réduit, puisqu’il ne représente que sept millions d’euros en grande distribution, dans un univers condimentaire (sauces, moutardes, ketchups…) pesant plus de 800 millions. « C’est un petit marché, confi rme Sophie Souied, vice-présidente marketing d’Unilever France, mais sa pénétration a doublé en trois ans pour atteindre 12 % , ce qui montre un véritable potentiel pour cette catégorie méconnue en France ».

Longtemps cantonnée à sa référence historique, la rouge Original, qui détient à elle seule plus de 70 % de part de marché en valeur, la gamme a été diversifi ée avec une recette Green, plus douce et acidulée, adaptée aux salades par exemple (7 % du marché gagné depuis fin 2014) et la Chipotle au goût fumé, pour les volailles ou les marinades (3 % depuis 2015). Cette diversifi cation sert de base aux deux axes de réactivation de la marque, choisis en 2014 : développement des usages culinaires et rajeunissement des cibles. " Historiquement, Tabasco est une marque de quinquas, consommée surtout à domicile, très essentiellement pour le tartare, le jus de tomate ou le Bloody Mary, raconte Sophie Souied. Elle peut devenir l’ingrédient sain permettant de « twister » un plat, d’autant qu’elle s’inscrit parfaitement dans la tendance street food qui, par exemple, a permis au burger de revenir sur le devant de la scène ".

La restauration comme vitrine

Un premier enjeu a été de renforcer la visibilité en magasin. À ce titre, le produit peut parfois souffrir de son facing étroit mais « la marque dispose d’un pack et d’un logo très emblématiques », tempère Laura Cesselin, chef de produit Tabasco chez Unilever France. Et des occasions de sortir du rayon épicerie ont été saisies, avec des opérations de cross merchandising pertinentes comme des mises en avant au rayon des pizzas surgelées ou un partenariat, somme toute assez logique, avec la marque de viande Charal.

Toutefois, le repositionnement de la marque – cible et usages – encourage à des actions plus originales, avec une attention particulière portée à la restauration, qui ne représente que 15 à 20 % des ventes alors que « Tabasco est historiquement une marque de restauration, l’ingrédient secret des chefs », rappelle Sophie Souied. « Aujourd’hui, le hors-domicile est devenu une formidable vitrine, ajoute Laura Cesselin, et c’est le meilleur moyen de faire tester nos recettes ».

Outre des clients emblématiques – voire naturels – comme Hippopotamus ou, plus récemment, Memphis Coffee, la chaîne de diners à l’américaine qui monte, un partenariat a été développé avec Pizza Hut en 2015, puis en 2016 avec Big Fernand, qui élabore des recettes exclusives de « hamburgés les plus hot de l’année ». La marque collabore également avec deux chefs étoilés.

Objectifs jeunes !

Enfin, elle poursuit un long travail d’image pour se rapprocher de la cible des 18-35 ans, les fameux « millenials », en amplifiant ses investissements dans les nouveaux médias autour de son slogan Spice up your life! (« Mets du piment dans ta vie ! »). En 2015, un partenariat a été initié avec MinuteBuzz pour diffuser des vidéos « funs et déjantées », démontrant que Tabasco « est toujours là pour épicer ses plats, mais aussi pimenter sa vie ». Parmi elles, celle diffusée pour l’ouverture de l’Euro 2016 – Le Penalty manqué – a été vue par plus d’un million d’internautes.

Des vidéos de recettes sont également mises en ligne pour encourager la diversification des usages. Et à la fin de cette année, un partenariat sera développé avec munchies.vice.com, un média efficace sur cette cible. Si les moyens de communication sont adaptés à cette dernière, le fond du message veille cependant à conserver l’authenticité des racines de la marque. Avec une recette venue de Louisiane et inchangée depuis un siècle et demi, Tabasco a tous les atouts pour profiter de l’engouement en faveur de la gastronomie « made in USA ».

Pour accéder à l'article complet, cliquez sur Article au format PDF

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à l'utiliser, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.