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La marque publique, une marque d’intérêt général

12/01/2017

La marque publique est-elle une marque comme les autres ? Oui dans la mesure où elle doit créer de la valeur, mais pas unique­ment, car elle assure aussi une mission de moder­ni­sa­tion de l’ac­tion publique.

par Caroline Rogliano, 
Chef de projet marketing, spécialiste des marques, APIE (Agence du patrimoine immatériel de l’État),
et Camille Buisson,
Responsable juridique du pôle marques, APIE

Lorsque l’on parle de marques publiques, beau­coup pensent immé­dia­te­ment – et avec raison – aux grandes entre­prises publiques et à leurs marques insti­tu­tion­nelles (SNCF, EDF) ou de produits et services (TGV, IDTGV). Mais la notion est en fait bien plus large, et peut renvoyer à des réali­tés beau­coup plus diverses qu’il n’y paraît : elle peut ainsi regrou­per marques insti­tu­tion­nelles – marques d’éta­blis­se­ments publics (Météo France, le Louvre, Poly­tech­nique) ou d’ins­ti­tu­tions (l’As­sem­blée natio­nale) –, labels (AB, Label Rouge), marques de produits, services ou événe­ments (Bison Futé, Améli, Jour­nal offi­ciel, Fête de la musique), marques de terri­toire (Only Lyon, Auvergne Nouveau Monde), ou encore de poli­tiques publiques (Manger Bouger, La French Tech, Sam celui qui conduit c’est celui qui ne boit pas). Certaines sont très récentes, d’autres pluri­cen­te­naires, telles Saint-Cyr ou le Louvre… La sphère publique, à elle seule, compte près de 15 000 marques dépo­sées ! Pour une grande partie d’entre elles, le terme de marque ne fait abso­lu­ment pas débat. Parce qu’elles corres­pondent parfai­te­ment à ce qu’on entend commu­né­ment par marque, à savoir un « un repère mental sur un marché » (Georges Lewi) et qu’elles agissent plei­ne­ment dans le champ concur­ren­tiel. C’est le cas des marques de musées, d’uni­ver­si­tés, de terri­toires, voire d’hô­pi­taux, dont l’en­jeu est bel et bien celui de l’at­trac­ti­vité (qu’il s’agisse, selon les diffé­rents types de marques cités, d’at­ti­rer des patients, des étudiants, des méde­cins, des profes­seurs, des parte­naires, des mécènes, de nouveaux habi­tants, des touristes, des entre­prises…). Pour autant, les marques publiques sont-elles des marques comme les autres ? Même enga­gées dans le jeu concur­ren­tiel et la sphère marchande, les marques publiques ont des spéci­fi­ci­tés essen­tielles : elles reposent sur un fonde­ment iden­tique – l’in­té­rêt géné­ral –, répondent à une même mission de service public, et partagent un objec­tif commun – la qualité de service et la satis­fac­tion du public-cible. Le simple fait d’être publique dote de facto une marque d’un certain nombre de valeurs trans­ver­sales comme l’im­par­tia­lité, la soli­da­rité, la conti­nuité, la neutra­lité… et en font des gages de confiance majeurs. Preuve en est le nombre de cas de para­si­tisme, notam­ment sur Inter­net où certains sites cherchent à se donner l’ap­pa­rence de sites publics pour induire le consom­ma­teur en erreur, avec un risque accru dans le cadre de la déma­té­ria­li­sa­tion des procé­dures admi­nis­tra­tives. La fonc­tion première des marques est l’iden­ti­fi­ca­tion de l’émet­teur et la garan­tie quant à l’ori­gine, la qualité et l’au­then­ti­cité des produits et services. Cette fonc­tion, on le voit, s’exerce avec une acuité toute parti­cu­lière s’agis­sant des marques publiques.

La marque desti­née à la moder­ni­sa­tion de l’ac­tion publique

Mais pour certaines insti­tu­tions, parfois réga­liennes et consub­stan­tielles au fonc­tion­ne­ment de notre démo­cra­tie, parler de marque peut davan­tage poser ques­tion. D’abord parce que le terme pour­rait évoquer une marchan­di­sa­tion de la sphère publique, mais aussi parce que la marque est liée à la notion de marché. Or certaines « marques publiques » sont par défi­ni­tion en situa­tion mono­po­lis­tique et n’ont rien à vendre ! Mais au-delà du débat d’ex­perts pour savoir si une insti­tu­tion peut, stricto sensu, être consi­dé­rée comme une marque, ce qui est inté­res­sant, c’est d’uti­li­ser ce concept comme un formi­dable outil de mana­ge­ment des orga­ni­sa­tions au service de la moder­ni­sa­tion de l’ac­tion publique. Les nombreux travaux menés actuel­le­ment sur les parcours d’usa­gers, l’at­ten­tion gran­dis­sante portée par les établis­se­ments publics à leur image, les réflexions autour des modes de diffu­sion des conte­nus ou encore le renou­vè­le­ment de la commu­ni­ca­tion et des modes de rela­tion permis notam­ment par les réseaux sociaux, sont autant de signes de cette nouvelle orien­ta­tion. La marque permet en effet de s’in­ter­ro­ger, sous un angle nouveau, sur son iden­tité, ses missions, sa promesse, ses valeurs, de ne pas se conten­ter d’ap­pré­hen­der sa mission à l’aune d’un décret, mais de penser en termes de public-cible, d’en­ga­ge­ment, de promesse, de diffé­rence. Cette démarche est donc très struc­tu­rante pour toute entité publique, toute insti­tu­tion. Elle permet de se doter d’un socle iden­ti­taire consti­tuant un guide pour l’ac­tion. Outil de pilo­tage, la plate­forme de marque permet, en outre, de fédé­rer les agents autour d’une vision commune, ce qui est essen­tiel dans des struc­tures souvent en forte muta­tion et dont l’en­ga­ge­ment des person­nels est essen­tiel. Confron­tées à la néces­sité de recru­ter, les enti­tés publiques déve­loppent parfois de véri­tables stra­té­gies de marques-employeurs, comme c’est le cas, par exemple, dans les diffé­rentes armées (avec des sites dédiés, tel etre­ma­rin.fr). La marque permet à une entité de proje­ter une iden­tité visible et lisible, et par là-même de remplir avec plus d’ef­fi­cience sa mission de service public. Cette réflexion sur les marques publiques rappelle ainsi que la marque n’a pas pour seul objec­tif la créa­tion de valeur au sens finan­cier du terme, mais qu’elle consti­tue avant tout un fil conduc­teur stra­té­gique permet­tant de se déve­lop­per avec cohé­rence. Au centre de la rela­tion avec ses diffé­rents publics, la marque crée un contrat de confiance impli­cite. Une marque n’est donc pas unique­ment à comprendre dans un sens commer­cial, mais a sa place dans toute orga­ni­sa­tion s’en­ga­geant vis-à-vis de ses publics. Et aujour­d’hui, la sphère publique l’a bien compris.

 

Les labels publics, des marques de confiance

Label Rouge, Qualité Tourisme, HVE (haute valeur envi­ron­ne­men­tale), Tourisme & Handi­cap, EPV (entre­prise du patri­moine vivant)… autant de marques portées par l’État dans une double optique : soute­nir des poli­tiques publiques et garan­tir au consom­ma­teur un certain niveau de qualité, tout en offrant aux acteurs écono­miques la recon­nais­sance de leur enga­ge­ment et la valo­ri­sa­tion de leur acti­vité.

 

Marques publiques, des droits parti­cu­liers ?

Au plan juri­dique, la marque publique est bien une marque comme les autres : pour être proté­gée, elle doit être dépo­sée et son titu­laire doit la défendre pour préser­ver ses droits. Toute­fois, la stra­té­gie de protec­tion et de défense des marques de l’État est néces­sai­re­ment adap­tée à son rôle et ses missions. En effet, la fina­lité des dépôts et des actions menées ne va pas dans le sens de la défense à tout prix d’un mono­pole d’ex­ploi­ta­tion, mais s’ins­crit dans la volonté d’as­su­rer aux citoyens et usagers qu’ils ne sont pas induits en erreur. Le droit des marques est vrai­ment utilisé comme un outil de garan­tie des produits et services. Ainsi, paral­lè­le­ment à d’autres fonde­ments juri­diques, l’État peut invo­quer ses marques pour agir contre des cas de fraudes ou de pratiques commer­ciales douteuses. À titre d’exemple, l’APIE inter­vient régu­liè­re­ment contre des usages illé­gi­times du logo de la Marianne, lequel, en tant que symbole d’iden­ti­fi­ca­tion fort des services publics, est réservé aux admi­nis­tra­tions.

 

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