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L’autodiscipline au nom de l’intérêt public

12/01/2017

Privi­lé­gier l’au­to­ré­gu­la­tion pour limi­ter l’im­mix­tion des pouvoirs publics dans la lutte contre les mauvais compor­te­ments alimen­taires, telle est la mission de l’ARPP.

par Stéphane Martin,
Directeur général de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).

Si les pouvoirs publics sont éminem­ment légi­times en matière de poli­tique de santé publique, et ont d’ailleurs, en Europe, une réelle souve­rai­neté natio­nale sur ce sujet, les profes­sion­nels peuvent réso­lu­ment reven­di­quer une action propre dans le domaine des compor­te­ments alimen­taires, singu­liè­re­ment en publi­cité. Proba­ble­ment parce que leur prise de conscience précède celle des pouvoirs publics, par l’adop­tion, dès 2003, des premières règles rela­tives aux compor­te­ments alimen­taires des enfants, bien avant les décrets et arrê­tés fixant les condi­tions d’ap­pli­ca­tion des mentions sani­taires obli­ga­toires devant accom­pa­gner les messages publi­ci­taires en faveur de certains aliments et bois­sons (27 février 2007). En ce domaine où se mêlent culture et tradi­tions, première indus­trie en termes d’em­plois et de chiffre d’af­faires, troi­sième excé­dent secto­riel en 2015 (1), les profes­sion­nels fran­çais ont adopté les premiers une voie origi­nale d’au­to­ré­gu­la­tion par rapport aux autres orga­nismes d’au­to­dis­ci­pline publi­ci­taire (2). La réflexion initiale a inté­gré les parties prenantes – person­na­li­tés, experts, asso­cia­tions – en amont de l’adop­tion des règles, au moyen de trois avis rendus publics par les instances asso­ciées à l’ARPP, le conseil de l’éthique publi­ci­taire et le conseil pari­taire de la publi­cité. Ce qui a conduit, en 2009, à l’élar­gis­se­ment des règles à l’en­semble des publics, prenant en compte le carac­tère d’exem­pla­rité que peut avoir, pour des enfants, le compor­te­ment alimen­taire des adultes.

Partage des tâches privé / public

Le travail conjoint pour les messages sani­taires est assez exem­plaire d’un consen­sus privé/​public qui devrait être systé­ma­tique. L’éla­bo­ra­tion d’un texte régle­men­taire est par nature poli­tique, mais intègre de nombreuses consul­ta­tions des acteurs du privé et renvoie, pour les moda­li­tés d’ap­pli­ca­tion, à l’au­to­dis­ci­pline de toute une profes­sion, qui s’en­gage par une charte publique non seule­ment à l’ap­pli­quer, mais aussi à mettre en place des moda­li­tés de contrôle. Cette orga­ni­sa­tion éthique a, depuis, ample­ment montré son effec­ti­vité, de la mise en appli­ca­tion à l’en­semble des commu­ni­ca­tions des produits alimen­taires, en moins d’un mois, à la créa­tion en concer­ta­tion avec l’en­semble des profes­sion­nels (annon­ceurs, agences et médias) d’une doctrine d’ap­pli­ca­tion, jusqu’aux bilans publiés rendant compte de l’ap­pli­ca­tion des messages sani­taires. Sur une quin­zaine d’an­nées main­te­nant, le recul est suffi­sant pour démon­trer l’in­ter­ac­ti­vité des chartes d’en­ga­ge­ments des profes­sion­nels auprès des pouvoirs publics avec les règles déon­to­lo­giques. Ainsi, une troi­sième version de la recom­man­da­tion ARPP « Compor­te­ments alimen­taires » a été adop­tée en 2014, préci­sant la vigi­lance de tous sur le grigno­tage, le gaspillage alimen­taire (avant les lois récentes), l’ac­ti­vité physique et/​ou spor­tive et la cohé­rence avec les recom­man­da­tions et les repères du Programme natio­nal nutri­tion santé (PNNS) public. L’ARPP applique et contrôle l’ap­pli­ca­tion de ces règles en en rendant compte chaque année au Conseil supé­rieur de l’au­dio­vi­suel, confor­mé­ment à la charte quin­quen­nale élar­gie en 2013.

La plas­ti­cité de l’au­to­dis­ci­pline

Les contrôles d’ap­pli­ca­tion de l’ARPP montrent un pour­cen­tage de manque­ments insi­gni­fiant, ce qui ne doit surprendre personne recon­nais­sant, honnê­te­ment, le souci de respon­sa­bi­lité des profes­sion­nels. Mais la démarche de progrès doit rester conti­nue au vu des enjeux parta­gés de santé de tous les publics. L’au­to­dis­ci­pline, d’abord informe, puis contrôle. Dans un premier temps, une action péda­go­gique est menée vers de nouveaux inter­lo­cu­teurs, dans les entre­prises. Puis le contrôle est adapté, incluant la commu­ni­ca­tion sur les nouveaux supports publi­ci­taires, notam­ment les réseaux sociaux. À l’oc­ca­sion de cas rele­vés, sont iden­ti­fiées les spéci­fi­ci­tés de cette commu­ni­ca­tion devant amener les profes­sion­nels, au sein de l’ARPP, à revoir les règles exis­tantes pour qu’elles s’adaptent à ces supports de commu­ni­ca­tion en faisant évoluer la règle d’éthique. C’est le rôle de la régu­la­tion profes­sion­nelle concer­tée de la publi­cité que d’être à l’écoute des consom­ma­teurs et du marke­ting des marques, dans sa pleine accep­tion du terme, pour une meilleure et plus économe poli­tique publique, libé­rée de missions prises en charge par les entre­prises, avec toutes les garan­ties de bonnes pratiques éprou­vées.

Notes
(1) Source : Association nationale des industries alimentaires – Note de conjoncture n° 76 d’octobre 2016.
(2) Réunis au sein de l’Alliance européenne pour l’éthique en publicité, cofondée par l’ARPP en 1992 (www.easa-alliance.org).

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