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Eco-Emballages, une marque au service des entreprises

12/01/2017

Eco-Embal­lages, ou la preuve qu’une initia­tive privée – lancée il y a 25 ans – peut déve­lop­per une mission d’in­té­rêt géné­ral et la confor­ter dans un univers plus concur­ren­tiel.

propos recueillis par Jean Watin-Augouard
Entretien avec Jean Hornain
,
Directeur général d’Eco-Emballages.

La créa­tion d’Eco-Embal­lages, par décret en 1992, par certaines grandes marques témoigne de leur enga­ge­ment d’alors dans la sphère publique 1. Elle instaure le prin­cipe de la respon­sa­bi­lité élar­gie du produc­teur (REP). Comment cet enga­ge­ment s’est-il concré­tisé au fil du temps ?

Jean Hornain : Eco-Embal­lages est une entre­prise unique, entre­prise privée à but non lucra­tif qui agit au nom de ses clients et dans l’in­té­rêt géné­ral. Lancée à partir de l’ini­tia­tive d’An­toine Riboud, au moment où la ques­tion des déchets d’em­bal­lage est arri­vée sur le devant de la scène, elle répon­dait au souhait d’évi­ter la mise en place d’une taxe et de lais­ser les entre­prises être respon­sables de gérer libre­ment la fin de vie de leurs embal­lages. Ce modèle très origi­nal a permis de passer d’un taux de recy­clage des embal­lages ména­gers de 18 % en 1992 à plus de 67 % aujour­d’hui. Ce système a montré ses perfor­mances et prouve qu’une entre­prise privée peut assu­rer une mission d’in­té­rêt géné­ral.

Les missions d’Eco-Embal­lages 2 ont-elles été éten­dues ? La respon­sa­bi­lité du produc­teur davan­tage élar­gie ?

J. H. : Les missions couvrent toute la chaîne, puisque nous déve­lop­pons dès l’amont, avec les entre­prises, des programmes d’éco-concep­tion desti­nés à allé­ger leurs embal­lages et amélio­rer la recy­cla­bi­lité des maté­riaux utili­sés. Eco-Embal­lages inter­vient ensuite auprès des citoyens-consom­ma­teurs pour les sensi­bi­li­ser à l’ac­tion quoti­dienne du geste de tri, et rendre ce geste de plus en plus facile. La troi­sième action porte sur le dispo­si­tif de collecte et de tri ; nous soute­nons tech­ni­que­ment et finan­ciè­re­ment l’en­semble des collec­ti­vi­tés locales fran­çaises pour instal­ler des bacs de tri en plus grand nombre et avoir des centres de tri modernes et produc­tifs. Enfin, nous inter­ve­nons pour accom­pa­gner les filières de recy­clage, trou­ver des débou­chés pour les maté­riaux recy­clés. Notre travail est d’ap­por­ter des solu­tions à toutes les étapes du recy­clage en fédé­rant toutes les éner­gies – citoyens, entre­prises, collec­ti­vi­tés locales, asso­cia­tions, filières maté­riaux et État – pour faire progres­ser l’éco­no­mie circu­laire.

Combien compte-t-on actuel­le­ment d’en­tre­prises membres d’Eco-Embal­lages ? Certaines échap­pe­raient-elles aujour­d’hui au tri de leurs propres embal­lages ?

J. H. : 50 000 entre­prises sont aujour­d’hui clientes de notre société. Ces dernières années, nous avons réalisé un travail consi­dé­rable pour mobi­li­ser les entre­prises. Eco-Embal­lages a mis en place des tarifs inci­ta­tifs pour une meilleure éco-concep­tion. Nous regrou­pons aussi bien les très grandes entre­prises que les PME et ETI. Actuel­le­ment, la part des embal­lages non couverte est évaluée à 5 % du gise­ment.

Les entre­prises membres d’Eco-Embal­lages commu­niquent- elles suffi­sam­ment sur leurs actions ?

J. H. : Des initia­tives sont menées avec Eco-Embal­lages, comme par exemple, récem­ment, une campagne de sensi­bi­li­sa­tion en parte­na­riat avec la FEBEA sur le tri des embal­lages dans la salle de bain. Nous avons égale­ment lancé une campagne avec la Chambre syndi­cale des eaux miné­rales (CSEM), Bois­sons rafraî­chis­santes de France (BRF) et le Syndi­cat des eaux de sources (SES) sur le tri des bouteilles en plas­tique. Unile­ver a égale­ment très bien commu­ni­qué sur ses déodo­rants, désor­mais deux fois plus petits – 50 % de gaz et 25 % d’alu­mi­nium en moins –, mais avec la même effi­ca­cité. Les entre­prises commu­ni­que­ront de plus en plus, car les consom­ma­teurs sont de plus en plus sensibles à l’éco-concep­tion. Une récente étude pour la fonda­tion Jean Jaurès cite le tri comme l’ac­tion citoyenne la plus impor­tante après le vote pour 81 % des Fran­çais. La conscience de la recy­cla­bi­lité et de la néces­sité de déve­lop­per une écono­mie circu­laire monte auprès des Fran­çais. Les parte­na­riats avec les marques sont un axe qu’Eco-Embal­lages va renfor­cer dans les années qui viennent pour sensi­bi­li­ser les consom­ma­teurs et déve­lop­per le réflexe du tri chez le citoyen.

Quelles sont les initia­tives récentes enga­gées par les marques qui vous semblent perti­nentes ?

J. H. : On peut citer Fleury Michon et la barquette de jambon 100 % PET déve­lop­pée avec nous, mais aussi le groupe Bel, qui, après avoir réduit le poids de ses barquettes de fromage Leer­dam­mer de 20 % , travaille à la mise en marché de barquettes en PET ; Bledina et la réduc­tion de chaque élément des embal­lages Blédi­chef, dimi­nuant de 15 % leur poids total ; Heine­ken avec des étiquettes plus recy­clables et une bouteille de verre plus légère, plus compacte, soit une écono­mie de 7 000 tonnes de verre chaque année ; ou encore Monde­lez et les embal­lages de biscuits Prince de LU, dont les couches d’alu­mi­nium ont été suppri­mées, soit 100 tonnes d’alu­mi­nium écono­mi­sées chaque année.

Quels sont les secteurs en retard sur le plan de l’éco­con­cep­tion ?

J. H. : Le secteur du luxe doit progres­ser. Mais les bonnes pratiques émergent : Chanel a, par exemple, déve­loppé un outil d’ana­lyse du cycle de vie (ACV) embal­lage et l’a mis en open source ; Kering et LVMH ont déve­loppé des stan­dards de sour­cing respon­sable et de comp­ta­bi­lité carbone.

Grâce à vos actions, les Fran­çais sont-ils deve­nus des écolo- conscients, des « trieurs d’élites » ou les « occa­sion­nels » sont-ils encore trop nombreux ?

J. H. : Oui, les Fran­çais trient, ils sont huit sur dix à le faire. Mais ils ne sont plus qu’un sur deux à le faire de manière systé­ma­tique. Dans les prochaines années, nous éten­dons les consignes de tri à tous les embal­lages ména­gers, ce qui va simpli­fier le geste et éviter le petit stress entre la poubelle jaune ou verte pour l’em­bal­lage de jambon, par exemple. Pour l’heure, le bon trieur, c’est celui qui habite en zone rurale, dans une maison, et qui a plus de 50 ans. En revanche, les jeunes urbains de 15 à 30 ans habi­tant dans des immeubles trient bien moins. Une de nos actions prio­ri­taires est de les sensi­bi­li­ser au geste du tri. Sur le plan géogra­phique, l’Ouest, le Nord et l’Est de la France sont cham­pions du tri quand des marges de progres­sion existent dans le Sud-Est et en Île-de-France.

Où en est le projet Trilib’ à Paris ? Les reverse vending machines (RVM) se sont-elles déve­lop­pées ?

J. H. : Entre aujour­d’hui et le début de l’an­née prochaine, nous allons instal­ler 40 stations Trilib’ dans diffé­rents arron­dis­se­ments, en colla­bo­ra­tion avec la ville de Paris. Ce qui pose problème dans l’ha­bi­tat verti­cal, c’est le manque de place dans les locaux desti­nés aux bacs de tri. L’en­jeu est donc de faire sortir la collecte des immeubles sur l’es­pace public, comme ce qui est fait dans beau­coup de grandes capi­tales. Pour les RVM, l’ex­pé­ri­men­ta­tion lancée en 2015 est prolon­gée en 2017, on en compte aujour­d’hui une centaine et l’on constate que ces machines sont inté­res­santes quand elles sont placées dans des zones où la perfor­mance de recy­clage est faible.

L’ob­jec­tif de San Fran­cisco d’at­teindre 100 % de recy­clage de ses déchets est-il attei­gnable en France ?

J. H. : Oui, bien sûr ! Nous devons, en France, être ambi­tieux. Ce qui compte, ce sont surtout les actions concrètes et effi­caces que l’on doit mener pour y arri­ver. Pour se faire, nous allons moder­ni­ser les centres de tri afin qu’ils puissent accueillir des tonnages supplé­men­taires, avec des systèmes plus auto­ma­ti­sés. Nous souhai­tons égale­ment déve­lop­per un nombre plus impor­tant de points de collecte des embal­lages ména­gers. Enfin, multi­plier les actions de sensi­bi­li­sa­tion du public et orga­ni­ser les filières de recy­clage écono­mi­que­ment viables afin de trou­ver des débou­chés pour les matières recy­clées. Il faut, bien sûr, être conscient du coût pour les entre­prises adhé­rentes et conju­guer effi­ca­cité écono­mique et perfor­mance du recy­clage en mettant en oeuvre des actions prag­ma­tiques, de façon concer­tée et compé­ti­tive.

Avec l’ou­ver­ture à la concur­rence, Eco-Embal­lages perd son mono­pole instauré depuis 25 ans. Comment prépa­rez­vous cette muta­tion ?

J. H. : Je rappelle que pendant dix ans, Eco-Embal­lages et Adelphe ont été concur­rents, avant qu’Adelphe nous rejoigne. Nous serons désor­mais davan­tage tour­nés vers nos clients pour leur appor­ter les meilleures solu­tions au meilleur coût, tout en contri­buant à l’ef­fi­ca­cité et à l’in­té­rêt géné­ral du dispo­si­tif.

Comment voyez-vous cette concur­rence ? Quels avan­tages concur­ren­tiels allez-vous mettre en avant pour éviter l’ef­fet d’évic­tion des entre­prises vers vos concur­rents ? Quelle préfé­rence de marque ?

J. H. : La concur­rence est une bonne chose. C’est un défi qui peut nous rendre meilleurs. À ce jour, seule la société Leko s’est décla­rée 3. Nos action­naires vivent en perma­nence dans le système concur­ren­tiel. En termes de préfé­rence de marque, nous souhai­tons faire valoir auprès de nos clients notre savoir­faire, notre exper­tise, notre expé­rience du terrain. Nous savons mobi­li­ser les citoyens, orga­ni­ser des systèmes de collecte et de tri effi­caces avec les collec­ti­vi­tés locales ainsi que les opéra­teurs et des filières maté­riaux viables écono­mi­que­ment. Nous sommes très bien placés pour faire progres­ser l’en­semble du système aussi bien sur le plan envi­ron­ne­men­tal et écono­mique. Nous voulons offrir une rela­tion très suivie et simple avec nos clients et des solu­tions aussi bien sur l’éco­con­cep­tion que sur la manière de commu­ni­quer ou mener des opéra­tions avec les collec­ti­vi­tés locales, trou­ver des systèmes inno­vants de recy­clage des packa­gings. Simpli­fier la rela­tion et appor­ter des solu­tions concrètes à nos clients pour un prix compé­ti­tif, tel est notre axe majeur de travail.

Eco-Embal­lages sera-t-elle toujours gérée comme une marque d’in­té­rêt public ?

J. H. : Nous sommes une marque au service des entreprises pour minimiser leur impact environnemental et maximiser leur impact social. Nos actions vont dans le sens de l’in­té­rêt géné­ral avec une double exigence : envi­ron­ne­men­tale et écono­mique.

 

Eco-Embal­lages en chiffre 1992-2016

  • 50 000 entre­prises clientes
  • 99,8 % de la popu­la­tion fran­çaise a accès à la collecte sélec­tive
  • Le geste de tri est devenu le 1er geste citoyen des Fran­çais après le vote
  • 28 000 emplois créés sur la collecte et le tri
  • 46,5 kilos d’em­bal­lages ména­gers triés chaque année par habi­tant
  • 67 % de taux de recy­clage.

 

Notes
(1) 27 juin 1991, Antoine Riboud remet au Ministère de l’environnement son rapport « Emballages et environnement ». Il sera, avec Jean-Louis Beffa, pdg de Saint- Gobain, à l’origine d’Eco-Emballages.
(2) Promouvoir la prévention par l’éco-conception, pérenniser le geste de tri à domicile, optimiser la collecte sélective et étendre le geste de tri en dehors du domicile.
(3) ERP, autre possible concurrent, ne s’est pas encore manifesté.

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