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La promotion comme création de valeur

15/07/2018

Contrairement aux idées reçues, la promotion n’est pas toujours synonyme de destruction de valeur quand la visibilité de la marque est démultipliée par les points de contacts. Panorama des méthodes valorisantes et de celles qu’il faut éviter.

par Philippe Ingold,
Fondateur de PromoResearch, expert en promotion des ventes.

Voici un titre qui apparaîtra paradoxal à beaucoup. La doxa dominante est en effet que la promotion détruit de la valeur ! Les marques ne feraient de la promotion que contraintes par les enseignes et malheureusement au détriment d’investissements marketing supposés plus stratégiques : innovation et publicité notamment. Cette critique tient, selon nous, à la méconnaissance des fonctions des différentes techniques et à leur manque d’adaptation aux situations stratégiques de marques. Il convient donc préalablement de distinguer les différentes fonctions de la promotion. Nos recherches nous ont amenés à en distinguer quatre :  marchande, stratégique, expérientielle et relationnelle.

Création de valeur et fonction marchande de la promotion 

C’est de cette fonction qu’il est principalement question quand on parle d’efficacité de la promotion. Les techniques utilisées sont les réductions de prix, les produits en plus, les lots physiques et virtuels, les bons d’achat et bons d’achat cagnotte (sur carte de fidélité). Ces effets sont mesurés de façon assez précise par les panels distributeurs (IRI et Nielsen) en termes de ventes incrémentales. Ceux-ci constatent un poids d’environ 20 % des ventes sous promotion dans l’univers PGC, d’environ 25 % sur les grandes marques, et sensiblement plus dans certaines catégories comme l’entretien ou l’hygiène-beauté. Ces chiffres doivent être réévalués si on prend en compte les volumes et non le chiffre d’affaires. Certaines catégories sont donc en situation de promotion permanente, ce qui dévalorise bien sûr l’idée du caractère exceptionnel et temporaire de la promotion pour n’en faire qu’une simple modalité de réduction de prix.

Avec l’importance croissante des promotions du type « trois pour deux », le consommateur ne peut que s’interroger sur la réalité du prix juste

Un autre facteur de dévalorisation de ce type de promotion est l’importance croissante du taux de générosité – 27,7 % en moyenne – constaté par IRI en 2016 sur les opérations prospectus, c’est-à-dire celles qui construisent l’image prix des marques. Le shopper, confronté à des « bogof » (buy one get one free), des « trois pour deux » ou des « deuxième à 70 % » ne peut que s’interroger sur la réalité du prix juste, ce qui affecte d’autant la confiance en les marques porteuses.

Face à ce constat plutôt négatif, comment, pourtant, créer de la valeur ? Il faut tout d’abord exploiter les points positifs de ces techniques. Rappelons que les mises en avant et les prospectus qui les soutiennent sont des médias extrêmement puissants qui donnent une très grande visibilité aux marques. Celles-ci ne doivent donc pas subir les effets négatifs de cette forme de promotion, mais au contraire valoriser cette visibilité tout autant que les actions menées, en utilisant des outils de communication spécifiques.

La première étape de cette démarche porte sur l’organisation de l’entreprise. La promotion ne doit pas seulement être négociée en centrale, mais démultipliée sur le terrain avec une force de vente de taille significative. C’est l’approche de sociétés comme Coca-Cola ou Ferrero. Cette présence sur le terrain permet corollairement de négocier autrement, sur le contenu et l’originalité des opérations, et d’influer en faveur des marques. Bien sûr, l’entreprise doit disposer d’une structure adaptée de type shopper marketing pour développer avec les enseignes une démarche collaborative.

La deuxième étape est de mettre en oeuvre avec les enseignes un plan d’affaires cohérent avec la structure du portefeuille produits-marques et les plans d’action commerciale des enseignes. Proposons quelques règles simples : favoriser les produits aux ventes les plus élastiques et/ou à la meilleure rentabilité, optimiser la présence des produits nouveaux ou ayant un potentiel de développement significatif. Sur le choix des périodes d’action, éviter les prospectus à thématiques prix-NIP (nouveaux instruments promotionnels) et favoriser ceux à thématiques événementielles. Dans ce contexte, chercher à optimiser la qualité de l’espace disponible, en scénarisant la marque avec des pages « brandées » ou des opérations « trade ».

Toutes ces approches sont grandement facilitées quand les marques peuvent apporter des outils spécifiques dont ne disposent pas les enseignes ou qui confortent leurs propres actions. Nous pensons principalement aux licences (ciné, émissions TV), aux événements (sportifs, culturels), aux partenariats et aux opérations solidaires. Ces outils sont certes souvent générateurs de coûts, mais facilitent les accords avec les enseignes, améliorent sensiblement l’efficacité des actions et surtout valorisent la marque auprès du consommateur. Citons quelques exemples : la licence Top Chef utilisée par Président chez Carrefour, l’Euro 2016 exploité notamment par Tourtel Twist et Coca-Cola dans toutes les enseignes, le fameux et historique partenariat du comité Chandeleur, les opérations de vaccination Unicef menées depuis 10 ans par Pampers.

La fonction stratégique dans la création de valeur

Nous parlons ici des cartes de fidélité, des bons de réduction, des offres de remboursement et des techniques d’essai. Leur utilisation constitue en principe un investissement stratégique, avec des objectifs d’essai, d’augmentation de pénétration ou de quantités achetées. Mais une réelle création de valeur va dépendre avant tout de la pertinence de leur utilisation, c’est-à-dire de l’adéquation de la technique utilisée à l’objectif fixé à la marque concernée. Attention notamment aux opérations « prétextes » permettant d’afficher un avantage prix, mais avec des conditions peu claires. Par exemple des ODR (offres différées de remboursement) sous forme de coupons. La création de valeur va dépendre également de la qualité de la communication. Qualité de conception tout d’abord. Un BR (bon de réduction) avec objectif d’essai sera ainsi plus efficace s’il est accompagné d’idées d’utilisation et/ou de mises en situation. Une ODR sera mieux perçue si elle est accompagnée d’un dispositif ludique ou pédagogique. La qualité d’exécution est aussi primordiale, le support promotionnel étant un élément de communication de la marque.

L’optimisation de création de valeur des techniques à fonction relationnelle

On évoque ici essentiellement les primes sous toutes leurs formes (directes, différées, « autopayantes ») et les jeux et concours. Ces techniques sont par nature créatrices de valeur. Ainsi, selon les travaux de Marcel Mauss sur le don, le cadeau est un fait social qui implique un échange, une contrepartie du bénéficiaire en termes matériels ou immatériels. En marketing, cette contrepartie est avant tout immatérielle : fidélité, club, communauté, transmission, etc.

Quant au jeu, il permet de combler des désirs variés : fun de l’expérience, challenge personnel, sentiment de progression, compétition, expérience sociale, valorisation de l’égo. La création de valeur par ces deux techniques peut encore être largement optimisée par l’exploitation des valeurs associées à la marque ou de son territoire de communication. La création de valeur peut encore être accrue par l’exploitation de grands événements, culturels, sportifs, calendaires, sous réserve que leur appropriation soit légitime pour la marque et aussi différenciante. L’utilisation des nouveaux médias digitaux, en permettant immédiateté, interactivité, viralité, va en outre être déterminante dans l’optimisation de cette fonction.

Et l’expérience dans la création de valeur ?

L’expérience n’est pas liée à une ou des techniques particulières, mais à l’ensemble des interactions, des « points de contact » établis entre la marque et le consommateur. Elle va ainsi créer de l’émotion et donc de la mémorisation en s’appuyant sur la provocation, la surprise, le spectacle, la mise en scène, le buzz. En fait, on peut avancer que la promotion, sous toutes ses formes, crée de la valeur – avant tout par les expériences positives qu’elle génère – et de l’expérience – qu’elle va construire dans la durée. En termes d’usage, ceci implique une gestion stratégique des expériences générées par l’ensemble des actions marketing. Cela passe par éviter autant que possible les expériences négatives, même si elles ont des effets économiques positifs à court terme, magnifier et transformer en événement le plus possible les expériences positives.

Toutes les formes de promotion peuvent créer de la valeur pour les marques, notamment grâce à leur capacité à faire émerger de très nombreux points de contacts. L’action marketing doit s’efforcer d’utiliser ces derniers en veillant à leur pertinence stratégique et à leur optimisation dans le cadre de stratégies de communication cohérentes, porteuses des valeurs des marques. La promotion ne doit pas être pensée comme une discipline à part, gérée seulement en fonction d’impératifs commerciaux, mais comme une des bases des stratégies marketing.

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