Bonnes pratiques

Daddy, la betterave circulaire

21/10/2022

Dans la betterave, rien ne se perd. Cristal Union et sa marque Daddy placent les enjeux environnementaux au cœur de leurs engagements : de la préservation des sols aux  solutions alternatives aux plastiques, de la valorisation des circuits courts aux offres végétales et renouvelables. Entretien avec Julien Coignac, coordinateur RSE, et Matthieu Simonin, directeur des opérations marketing, Groupe Cristal Union.

Quel lien unit Cristal Union avec ses neuf mille agriculteurs coopérateurs, planteurs de betteraves dans l’Hexagone ?

Julien Coignac : Cristal Union est une coopérative au fonctionnement démocratique, avec un conseil d’administration et un bureau composé de membres élus issus des neuf mille agriculteurs-coopérateurs répartis sur l’ensemble du territoire. Cristal Union est restée fidèle à ses valeurs collectives fondatrices et les décisions sont prises dans l’intérêt de l’ensemble du Groupe. Les 2 600 agriculteurs guadeloupéens de canne à sucre sont des partenaires commerciaux.

Combien comptez-vous de sucreries et à quelle distance se situent-elles des exploitations ?

J. C. : Cristal Union compte treize sites de production en France, dont huit sucreries. Notre production de betteraves est 100 % française, en circuits courts avec 30 km en moyenne entre les champs et les sites de production, soit un rayon d’approvisionnement de sucrerie parmi les plus faibles d’Europe.

Quelles techniques mettez-vous en œuvre  pour préserver les sols ?

J. C. : Nos coopérateurs gèrent la fertilité et la préservation du sol de leurs parcelles agricoles. Toutefois, ils peuvent bénéficier de services ou de produits issus de nos sucreries ou distilleries, qui participent à la gestion, à l’analyse et à la fertilité des sols par la ferti-irrigation : grâce à l’eau extraite des betteraves, qui est réutilisée dans les sucreries et stockées dans des bassins, puis mise à disposition des planteurs dont les parcelles sont localisées autour des sucreries. À cela s’ajoute l’épandage de vinasses de nos distilleries, riches en minéraux et matières organiques.

L’eau contenue dans les betteraves est-elle réutilisée ?

J. C. : L’eau contenue dans les betteraves est extraite lors des étapes de purification et de cristallisation des jus sucrés. Elle est recyclée et réutilisée à toutes les étapes de notre processus sucrier. Cristal Union économise ainsi plus de cinq millions de mètres cubes d’eau par an. De 2010 à 2020, notre consommation d’eau a été réduite de plus de 60 % , cela équivaut à 1 600 piscines olympiques. L’eau excédentaire des betteraves, non nécessaire au processus sucrier, permet d​‌’irriguer 10 000 hectares de champs. Toutes les sucreries de Cristal Union stockent de l’eau issue des betteraves d’une année à l’autre pour faire fonctionner leur site et limitent ainsi, voire suppriment, le prélèvement d’eau en milieu naturel. La quasi-totalité de nos sucreries sont ainsi autonomes en eau. Cette eau est aussi réutilisée pour le lavage des betteraves et l’extraction du saccharose. Pour aller plus loin, nous avons défini un plan d’investissements pour atteindre zéro mètre cube d’eau prélevé en sucrerie en 2030.

Les déchets produits sont-ils eux-aussi valorisés ?

J. C. : Dans la betterave, rien ne se perd : nous valorisons la totalité de notre matière première et de ses coproduits en sucres, alcool pour la pharmacie, la cosmétique, l’industrie, l’alimentation animale (à partir des pulpes, résidu de production de la betterave), et les amendements et fertilisants organiques pour l’agriculture. Nos usines ne produisent donc quasiment pas de déchets. La totalité de la betterave qui entre dans nos sucreries est valorisée.

Vos engagements vont-ils au-delà de cette valorisation des déchets ?

J. C. : Le groupe œuvre dans une logique d’économie circulaire, au-delà de la gestion de l’eau et de la valorisation des coproduits. Dans le cadre d’une stratégie de décarbonation, nous accompagnons nos coopérateurs vers des pratiques agricoles toujours plus durables, valorisées à travers des produits et services répondant aux nouveaux standards (bio, HVE, agriculture régénératrice, bas carbone…). Toutes nos sucreries et distilleries produisent la vapeur nécessaire à leur fonctionnement, avec des énergies à moindres émissions hors fioul lourd et charbon. Nous repensons notre mix énergétique en visant la neutralité carbone à horizon 2030-2050. Nous fabriquerons l’énergie nécessaire à nos sucreries avec leurs propres coproduits, issus de la production de sucre. Bientôt, nos sucreries seront ainsi autonomes en énergie. Pour marquer notre contribution à limiter le réchauffement climatique, nous nous engageons sur la trajectoire SBTi [1].

Le sucre issu de betterave est aujourd’hui complété par une gamme d’autres produits. Quelle proportion représente-t-elle ?

J. C. : Le sucre blanc de betterave représente en volume 85 % des ventes de sucre en grande distribution. Mais  de nouvelles solutions sucrantes complètent le panier des consommateurs. S’ils pèsent encore faiblement en volume de vente, leur développement est significatif en valeur, avec un chiffre d’affaires consolidé supérieur à 48 millions d’euros [2].

Les trois couleurs du drapeau français figurant sur certains de vos emballages créent-elles une préférence d’achat ?

Matthieu Simonin : Culture végétale, durable et résolument française, le sucre n’est pourtant pas encore intuitivement perçu par les consommateurs comme un produit issu de la betterave produite localement sur le territoire hexagonal. À l’heure d’une communication simple et transparente, il nous a paru essentiel de renforcer ce message sur nos produits Daddy, de faire connaître l’ancrage local de nos productions. Le drapeau bleu, blanc, rouge contribue à faire connaître cette spécificité et, en effet, constitue un avantage indéniable dans la préférence d’achat.

Le made in France est-il  un critère pour vos clients distributeurs ? Cela est-il pris en compte dans les relations commerciales ?

M. S. : Il y a une attention particulière des distributeurs à défendre une production « made in France » à l’heure où la question de souveraineté alimentaire est fortement posée. Oui, il est certain que la distribution est vigilante sur ce sujet pour proposer une offre française. Elle accompagne ainsi la pérennité d’une agro-industrie locale qui contribue directement au dynamisme des territoires ruraux. Pour autant, notre filière est confrontée à un double défi. Le défi structurel de la préservation des surfaces de betteraves cultivées en France pour maintenir un savoir agronomique fort, et celui de défendre la souveraineté alimentaire sucrière nationale. À l’heure où la sécheresse va affecter cette année la ressource sucrière tant en France qu’en Europe, le défi climatique prend une dimension plus grande à chaque campagne sucrière.

Comment plaidez-vous pour que la lettre D du Nutri-Score soit synonyme de « bien manger » ?

M. S. : Nous sommes soumis à une classification D du Nutri-Score comme d’autres matières premières et nous assumons cette logique dans une relation apaisée pour rappeler de ne pas « sucrer son plaisir » dans une consommation raisonnable. Le sucre, source de glucides, a toute sa place dans une alimentation équilibrée et variée, c’est un carburant pour notre organisme. Nous imaginons des portions plus petites mais toujours ludiques, comme notre demi-morceau rond. Nous les accompagnons également dans des recettes avec des alternatives telles que le sucre de fleur de coco, l’agave ou la stévia, mais également avec des sucres bio, de canne ou de betterave.

Sur le plan des emballages, quels sont vos innovations et leurs impacts en termes de bilan carbone ? Le vrac peut-il se concevoir ?

M. S. : Nous avons pris les devants très en amont sur ce sujet, avec une stratégie engagée en 2019 pour apporter de vraies solutions produits et emballages aux impacts réduits. Le passage de 100 % de ses produits Doypack plastique en kraft constitue certainement l’une des initiatives les plus fortes prises par la marque Daddy. Le passage au Doypack en kraft a permis de réduire de 20 % le poids de l’emballage et de baisser de 72 % la part du plastique, soit l’équivalent de 10 millions de bouteilles plastiques en un an. Nous sommes également dans une logique vertueuse de baisse de l’empreinte carbone de ces emballages avec – 47 % d’émission de GES grâce au passage au kraft de ce Doypack. Nous avons arrêté la fabrication de certains produits iconiques à contre-courant, comme la fameuse boîte plastique, et supprimé toutes les fenêtres plastiques sur nos emballages. Nous avons pu agir très significativement sur le gisement des emballages mis en marché en baissant de 50 % la part du plastique, et dorénavant 98 % de nos emballages sont recyclables.

Le vrac est un sujet d’interrogation. Il n’est par ailleurs pas plus vertueux qu’un sucre produit en cycles courts, et emballé en sachet kraft, à l’ACV [3] déjà très optimisée. Suivant le modèle proposé, la solution vrac implique de multiples ruptures de charges depuis le départ de nos sucreries jusqu’aux silos que les distributeurs proposent en magasins. Cela va à contre effet sur l’empreinte carbone et la logique de simplification de l’offre.

Comment appréhendez-vous l’objectif gouvernemental « zéro plastique à usage unique en 2040 », au vu des investissements consacrés à la recyclabilité des emballages ?

J. C. : Deux questions demeurent importantes quant à cette orientation. Bien définir la juste notion de zéro plastique « vierge » versus plastique recyclé, et clarifier la notion d’« emballage à usage unique » pour notre catégorie.

Les conditions climatiques de cet été ont-elles eu un impact sur votre production ?

J. C. : Même en période de sécheresse, comme lors de cet été historiquement sec combiné à des épisodes caniculaires, s’il y a eu un impact sur les cultures, la betterave se révèle heureusement plus résiliente que beaucoup d’autres plantes  en conditions climatiques difficiles. Ce contexte plaide pour un renforcement de la culture de la betterave dans nos régions avec une augmentation des surfaces.

Comment allez-vous gérer les hausses de coûts et la pénurie énergétique ?

J. C. : Notre industrie est très énergivore, et l’énergie est devenue notre premier poste de dépense. L’impact est donc majeur. Alors que les pouvoirs publics envisagent de demander aux entreprises de diminuer leur consommation énergétique de 10 % , nous avons anticipé, avec un plan de rationalisation de nos consommations de gaz, en arrêtant notamment nos activités de déshydratation fonctionnant au gaz (pulpes de betteraves, luzerne). Nous enregistrons déjà des baisses de consommation notables. Notre stratégie de décarbonation et les efforts associés montrent aujourd’hui toute leur pertinence. La totalité de l’énergie économisée ou réutilisée est un gain pour l’environnement qui se traduit en termes d’efficacité pour l’entreprise. Nous avons pour objectifs une baisse de 10 % de l’énergie consommée, de 25 % des émissions de CO2 entre 2015 et 2030, et réro mètrs cube d’eau prélevée dans les sucreries.

[1] L​‌’initiative Science Based Targets, appelée aussi SBTi, est un partenariat entre le Carbon Disclosure Projetc (CDP), le Pacte mondial des Nations unies, le World Resources Institute et le Fonds mondial pour la nature.
[2] Source ACNielsen en CAM, P8 2022 enl HM+SM+Drive+Proxi. Stévia = 25 M€ (origine asiatique plus bassin méditerranéen) ; Agave = 16 M€ (exclusivement origine Mexique) ; sucre coco = 2,5 M€ (majoritairement origine Indonésie) ; Panela (sucre complet de canne) = 4,5 M€ (majoritairement origine Amérique du Sud).
[3] Analyse du cycle de vie.

Propos reccueillis par Jean Watin-Augouard

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à l'utiliser, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.