Entretiens

Impact Océan à la carte

19/05/2022

Un jeu pour révéler aux entreprises et à leur personnel ce qui les lie à la mer, et ce qu’ils peuvent faire pour elle : c’est le sens des ateliers qu’a conçus Alice Vitoux, présidente de l’association La Fresque océane et consultante indépendante « climat et océan ».

Pourquoi avoir créé l’association la Fresque océane ?

Alice Vitoux : Ingénieure de formation, après avoir travaillé une dizaine d’année dans les grands groupes j’ai décidé de donner plus de sens à ma vie professionnelle. Je me suis engagée dans plusieurs associations qui ont confirmé ma passion pour la lutte contre le changement climatique et la préservation de l’océan. C’est en découvrant la Fresque du climat, son efficacité pour comprendre de manière ludique les enjeux du climat, que j’ai créé le concept et l’outil de la Fresque océane, en 2019. J’ai ensuite formé un collectif qui s’est structuré en association, en 2021.

Qu’est-ce que l’atelier Fresque océane et comment est-il animé ?

A. V. : Il s’inspire de la Fresque du climat par son modèle collaboratif et ludique. C’est un jeu formé d’une centaine de cartes avec lesquelles les participants, par groupes de six ou sept personnes, doivent retrouver les liens entre elles, chaque carte étant une brique des enjeux de l’océan. Les participants vont ensuite, sur chaque thème, réfléchir aux actions individuelles et collectives. Six thématiques ayant chacune dix à trente cartes sont étudiées : l’apport de l’océan pour l’humain, la biodiversité marine et son fonctionnement, la pêche artisanale et industrielle, les industries maritimes comme le transport de marchandises ou les extractions de matière première, le lien entre climat et océan, la pollution.

L’atelier, dans son format classique, dure trois heures. Un animateur gère deux ou trois tables et fait réfléchir les groupes sur les actions possibles. L’association compte cinquante animateurs formés et agrées par elle. Nous avons également des partenariats avec des structures qui ont besoin d’animer régulièrement l’atelier, je forme alors des gens en interne pour les rendre autonomes. Mais dans la majorité des cas, les animateurs viennent de l’association.

Approche systémique

Qu’apporte cet atelier aux entreprises de plus qu’un séminaire ou une conférence sur les questions de responsabilité environnementale relatives à la mer ?

A. V. : L’atelier est participatif, il revient aux participants de réfléchir ensemble et de créer le déroulé. C’est beaucoup plus marquant et efficace. L’atelier aborde la question de la protection de l’océan de manière systémique, et non sous un angle particulier comme c’est le cas dans bon nombre de conférences.

Toutes les entreprises ont-elles quelque chose à apprendre d’utile sur la mer, sont-elles toutes concernées comme elles peuvent l’être pour le climat ?

A. V. : Oui, tout d’abord une entreprise a un premier lien évident, de par son activité, avec le climat, qui est imbriqué avec le précieux régulateur du climat qui est l’océan. Elle a ensuite obligatoirement des rejets dans l’océan, de par ses déchets, mais aussi son utilisation des transports maritimes. Elle consomme du poisson dans ses cantines…

Quelle est l’articulation utile entre les deux ateliers, Fresque du climat et Fresque de l’océan ?

A. V. : Ce sont deux associations différentes, la Fresque du climat étant la « mère » de celle de l’océan. Certains animateurs ont la double casquette, mais les deux structures ont leur propre vie. On peut commencer par la Fresque du climat et allervers d’autres thématiques comme la fresque de l’océan, celle du numérique, de l’agriculture, de l’alimentation… Ou commencer par celle de l’océan. Dans la Fresque océane, nous avons d’ailleurs une mini-fresque du climat intégrée.

Plusieurs formats d’une à trois heures

Le temps en entreprise étant compté, quel est le meilleur moment pour intéresser les salariés à la dimension océane des retombées écologiques de leur entreprise (surtout si elle n’a pas de rapport direct avec la mer au niveau de son approvisionnement) ?

A. V. : Nous proposons plusieurs formats : celui de trois heures qui peut être réduit à deux heures ou deux heures, et un format court d’une heure – celle de la pause repas –, sorte de conférence participative dans laquelle nous avons intégré le jeu Kahoot, un quiz à choix multiple qui permet aux participants de répondre en direct durant la conférence.

Combien de personnes peuvent participer à l’atelier et quel est son coût ?

A. V. : On compte une quinzaine de personnes par animateur, qui gère deux tables de six à sept personnes, les ateliers pouvant compter autant d​‌’animateurs que nécessaire. Le coût standard pour l​‌’animation d​‌’un atelier en entreprise est de 1 500 € HT par animateur. Un tarif que l’on peut adapter selon la taille et le type de structure. Cela comprend la préparation, l’animation, et un reversement de droit d’utilisation à l’association de la Fresque Océane.

Comment suivre ou organiser un atelier dans son entreprise ?

A. V. : Il suffit de nous contacter par notre site web pour l’organisation d’un atelier ou plus d’informations. Nous vous mettrons en contact avec un animateur agréé à proximité de votre entreprise. Nous organisons par ailleurs plusieurs fois par mois des « ateliers citoyens » ouverts à tous, en ligne ou en présentiel, dont la billetterie est disponible sur notre site. La participation d’employés d’une même entreprise est limitée à deux, cela permet donc de tester l’atelier avant de le déployer à plus grande échelle dans l’entreprise.

La fresque peut-elle s’enrichir de suggestions des participants ?

A. V. : Une mise à jour est faite régulièrement avec nos formulaires de retour, par exemple récemment sur la pollution physique par les barrages, les câbles sous-marins…

Cinq mille participants

Cette fresque peut-elle susciter chez les salariés, dans le cadre d’une démarche RSE, des actions individuelles ou collectives qui pourraient s’inscrire dans un mécénat de compétence ?

A. V. : Notre structure, de création récente, n’a pas à ce jour de demande en termes de mécénat de compétence. Pour autant, nous incitons les participants à agir dans leur entreprise de manière individuelle ou collective.

Quels sont vos liens avec la Fondation de la mer ?

A. V. : Nous sommes dans le même éco-système et agissons dans le même domaine, avec les mêmes objectifs de sensibilisation, mais nous sommes deux structures totalement indépendantes. Je suis pour ma part consultante “Ocean approved” agréée par la Fondation de la mer. Dans ce label est inclue une partie consacrée à la sensibilisation dans laquelle la Fresque océane peut s’intégrer. De notre côté, nos ateliers peuvent conduire les entreprises à demander le label Ocean approved.

Combien d’entreprises et de salariés ont suivi votre atelier ?

A. V. : Nous comptons à ce jour quelque cinq mille participants et des entreprises comme Décathlon, Truffaut, Dassault Systemes, Crédit Agricole… Nous avons des partenariats avec l’ONG Surfrider Foundation Europe ou l’Hermione.

Quelles ambitions avez-vous pour votre association, en France voire au-delà ?

A. V. : Nous souhaitons conserver une taille humaine en diffusant de nombreux ateliers mais en respectant la qualité des animations. Nous voulons donc prendre le temps de grandir. Nous réfléchissons à des extensions du jeu, des partenariats. Nous sommes passionnés par ce sujet et convaincus de l’importance de sensibiliser tous les publics aux enjeux de la préservation de l’océan. Nous invitons tout le monde à découvrir notre atelier et à plonger avec nous dans le défi de la transition écologique du XXIe siècle, où l’océan joue un rôle fondamental.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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