Entretiens

Solidarité

Dons Solidaires, l’urgence non alimentaire

23/11/2023

L’enjeu de la précarité non alimentaire est apparu depuis peu et c’est pourtant une grave difficulté pour les démunis. Spécialiste du don non alimentaire, l’association Dons Solidaire, vingt ans l’an prochain, compte deux cents entreprises donatrices et distribue dix millions d’articles par an à 1,1 million de personnes, via mille structures[1]. Elle emploie une trentaine de salariés et une quarantaine de bénévoles, dont trente en régions en lien avec les associations. Elle distribue les produits depuis un entrepôt situé à Artenay (Loiret), avec une informatique ERP pour les stocks et la préparation de commandes, et propose les produits sur un catalogue en ligne : hygiène, entretien, vêtements ou linge, équipement de la maison, puériculture, fournitures scolaires, jeux et jouets. Entretien avec Annabel Lavigne, directrice communication, relations publiques et mécénat de Dons Solidaires.

Peut-on dire que Dons Solidaires est au non-alimentaire ce que les Banques Alimentaires sont à l’alimentation ?

Annabel Lavigne : Exactement. Il s’agit du même principe de fonctionnement : collecter des invendus pour les redistribuer à ceux qui en ont le plus besoin. La seule différence majeure entre nous est que Dons Solidaires ne pratique pas de grande collecte nationale. L’association a été créée en 2004 par une Américaine, Margaret Mallon Pujol, qui vivait à Saint-Germain-en-Laye, où nous avons toujours notre siège. Elle a importé le concept des États-Unis. Il se situe dans la continuité des Banques Alimentaires, alors que rien n’existait dans le non alimentaire.

Large diversité de produits

Est-ce parce qu’il s’agit de produits non-périssables dont la non-vente poserait moins de problème ?

A. L. : Certes, pour les produits d’hygiène et d’entretien il n’y a pas de date de péremption, mais ces produits ont malgré tout une date de durabilité minimale. Bien sûr, le produit reste sans danger au-delà, mais il peut se trouver légèrement dégradé (parfum, texture…) donc n’être plus vendable par une marque. Mais les catégories de produits que nous collectons sont nombreuses et les raisons pour lesquelles des invendus sont générés sont multiples : ils peuvent résulter d’un lancement qui n’a pas réussi, d’une promotion terminée, d’une non-conformité….

Pourquoi votre association semble-t-elle peu connue ?

A. L. : Notre notoriété est encore assez faible, car nous ciblons avant tout d’autres associations, ce qui nous donne une visibilité moindre. Jusqu’à présent, la communication n’était pas une priorité, mais nous cherchons à faire comprendre qui nous sommes. Jusqu’à il y a peu, notre sujet n’était pas encore entré dans les consciences comme l’est la précarité alimentaire ou la difficulté d’accès au logement. Ce n’est que récemment que les préoccupations d’hygiène, non seulement menstruelle mais également corporelle, ou relatives au linge, sont apparues sous le regard public en lien avec la précarité. Selon le baromètre « Hygiène et Précarité en France » que réalise pour nous l’Ifop, deux Français sur trois disent renoncer ponctuellement à un produit d’hygiène par manque de moyens, et c’est le cas des trois quarts de nos bénéficiaires. Côté produits de beauté, cela peut aller jusqu’à une diminution du maquillage ou du rasage. Pour les parents, les couches ont un coût très élevé. Des produits comme le déodorant jouent un rôle important pour la dignité, la confiance en soi, et donc, à terme, pour l’inclusion sociale. Par ailleurs, offrir des produits neufs et de marque renforce l’estime de soi.

Pas seulement les invendus

Vos ressources proviennent des entreprises : sous quelles formes ?

A. L. : Elles proviennent bien sûr avant tout des invendus, mais aussi parfois de dons programmés ou même de soutiens financiers directs. Avec les programmes RSE des entreprises, les dons programmés se développent, au-delà des invendus. C’est une manière assez simple pour les entreprises de faire œuvre de solidarité : elles bénéficient d’un crédit d’impôt de 60 % du coût de revient du produit et, comme nous sommes reconnus d’utilité publique, elles n’auront pas de TVA à reverser. Enfin, et c’est sans doute le plus important, cet engagement contribue à la bonne image de leur marque employeur et nourrit la fierté d’appartenance de leurs salariés.

Comment évoluent vos besoins ?

A. L. : Depuis vingt ans, ils sont en très forte croissance. Il y a certes un effet nouveauté. Auparavant, les invendus étaient un tabou pour les entreprises. La loi Agec a contribué à mettre le sujet du gaspillage non alimentaire sur le devant de la scène, en lien avec la valorisation sociale des invendus. Depuis 2019, le nombre de personnes que nous avons aidées par l’intermédiaire des associations a progressé de 30 %. La moitié des associations ont constaté une hausse du nombre de bénéficiaires supérieure à 20 %. Il s’agit notamment des travailleurs pauvres, des étudiants, de femmes, dont les mères isolées ainsi que leurs enfants.

Pour quels produits le besoin s’accentue-t-il ?

A. L. : L’hygiène et l’entretien sont en première ligne. Cela concerne jusqu’à des produits basiques comme le papier toilette. Mais également des produits plus spécifiques comme les articles de puériculture, les vêtements, particulièrement les chaussures, ou les jeux et jouets, notamment pour Noël. On peut enfin citer l’équipement de la maison, avec en premier lieu les duvets ou les couettes, ou des kits scolaires pour la rentrée, à commencer par les cartables. Bref, les besoins ne sont malheureusement pas tous satisfaits aujourd’hui.

Charte et contrôle

Comment choisissez-vous les associations partenaires ?

A. L. : Nous leur demandons de signer une charte d’engagement qui garantit avant tout que les produits qu’elles reçoivent seront exclusivement réservés à des fins caritatives et qu’elles rendront compte de leur bonne distribution. Par ailleurs, elles acceptent que nous puissions les visiter, éventuellement de manière spontanée.

Qu’attendez-vous des entreprises donatrices ?

A. L. : Nous apprécions de construire avec elles une relation dans la continuité. Nous leur proposons de mobiliser leurs salariés durant nos temps forts. Réciproquement, elles peuvent également organiser des journées solidaires en interne. Nous apprécions également le mécénat de compétences – une structure comme la nôtre en a grand besoin –, par exemple dans le cadre des préretraites. Quant à nous, notre rapport de partenariat annuel prend à cœur de leur montrer l’impact concret de leurs dons sur la vie des personnes.

1. Andes, Banques Alimentaires, Emmaüs, Solidarité Femmes, Restos du Cœur, Secours catholique pour les plus grandes.

Propos recueillis par Benoît Jullien (Icaal)

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