Vie des marques

Teisseire, du local au monde

11/01/2022

Fabricant de sirop depuis trois cents ans, Teisseire entend rester la référence sur ce marché, en France et dans le monde, en privilégiant son made in Isère. Entretien avec Olivier Mercier, directeur général de Britvic en France.

Teisseire, « entreprise française depuis 1720 », d’abord alcoolier, puis fabricant de sirop : un pionnier ?

Olivier Mercier : Mathieu Teisseire, liquoriste et vinaigrier du sud de la France, a créé une distillerie à Grenoble en 1720. Il a produit d’abord du vinaigre, puis s’est orienté vers une liqueur à base de cerise qui l’a rendu célèbre : le ratafia. Sous la direction des frères Reynaud, Teisseire a commencé la production de sirop sans alcool en 1927, grâce à la découverte de la technique de la pasteurisation à la fin du XIXe siècle. Nous pouvons dire que nous sommes une des premières entreprises à avoir occupé ce nouveau segment de marché, grâce à cette technique. Au fil des ans, la marque Teisseire a pris de l’ampleur et est devenue la référence des sirops dans les foyers et établissements français. Notamment avec son arrivée en grande distribution en 1959, et le bidon métallique, qui va faire sa gloire. Et en étant plusieurs années fournisseur officiel du Tour de France, événement patrimonial qui a musclé sa notoriété auprès du grand public.

Quelle est la part des ingrédients locaux et du “made in Isère” dans votre production ?

O. M. :  Dans nos approvisionnements, 100 % du saccharose est français, et quand c’est possible les fruits viennent de France, la pomme par exemple. Pour les emballages, une proportion importante de notre approvisionnement en bidons métal est française, ainsi que pour les cartons et les étiquettes. Pour le sucre bio, 65 % de nos approvisionnements ont basculé vers de la betterave bio sourcée à 60 % en Allemagne, 5 % en France et 35 % toujours en canne (Thaïlande, Brésil). La filière de sucre bio de betterave est nouvelle en France, cela prend du temps de la développer. Mais nous souhaitons évidemment soutenir son développement en nous inscrivant parmi les premiers industriels gros utilisateurs de sucre bio français, et sommes passés de 5 à 10 % de nos approvisionnements en 2021.

La part du “made in Isère” dans notre production est de 100 % , puisque 100 % des sirops Teisseire vendus en France sont produits à Crolles : une production de 66 millions de litres pour le marché français en 2021. L’usine de Crolles réunit cinq lignes de production destinées à produire les marques Teisseire, Mathieu Teisseire et Moulin de Valdonne. Le site est composé d’une usine, d’un centre de R&D et d’un siège social, qui contrôle l’ensemble de la chaîne de valeur (330 salariés : un tiers en usine, un tiers an commercialisation et un tiers au siège)

Conduire le goût vers moins de sucre

Teisseire revendique sur ses bidons un « apport en sucre maîtrisé grâce à la liberté de diluer »… Quels ont été les progrès nutritionnels depuis le premier sirop Teisseire en 1927 ?

O. M. :  En effet, chez Britvic, nous pratiquons la dilution la plus saine du marché soit un volume de sirop pour douze volumes d’eau, alors que généralement une dilution du sirop dans neuf à douze volumes d’eau est recommandée. Ainsi, le sirop apporte une quantité raisonnable de sucre : 6 grammes pour 100 ml de sirop dilué’. Notre taux de sucre a ainsi été réduit dans la boisson diluée de 40 % en cinq ans. Les sirops sont donc des boissons moins sucrées que les sodas, qui tournent en général autour de 10 grammes de sucre pour 100 ml. Britvic se donne pour mission de déshabituer progressivement ses consommateurs d’un goût trop sucré, en les amenant à diluer davantage ses sirops, sans compromis sur les saveurs aromatiques mais avec une note sucrée plus nuancée.

La consommation de sucre et la naturalité des produits sont des enjeux de santé publique dont nous avons saisi l’importance très tôt. Aussi avons-nous diversifié notre offre dès 2007, avec le lancement de Teisseire Zéro (0 % de sucre), puis en 2018 avec la gamme Fraîcheur de fruits, puis en 2019 avec Teisseire bio et en 2020 avec Teisseire Arômes naturels et Teisseire Menthe bio, incolore. Le centre de R&D travaille sur de nouvelles recettes correspondant aux besoins et attentes des consommateurs. De la gamme Teisseire classique (hors gamme zéro), Britvic a retiré près de 30 % des additifs entre 2017 et 2020. Aujourd’hui, 83 % de nos recettes cœur de gamme n’ont que deux additifs ou moins. Depuis 2019, 100 % de nos sirops sont sans conservateurs, 65 % de nos recettes cœur de gamme sont composées d’arômes naturels et 74 % de ces recettes sont sans colorant ou sans colorant artificiel.

Comment le bio se distingue-t-il de votre gamme 100 % ingrédients d’origine naturelle, avez-vous un cahier des charges ou une charte spécifique ?

O. M. : Le 100 % ingrédients d’origine naturelle a remplacé le 100 % arômes naturels. Notre gamme bio est certifiée par le label AB, dont nous suivons la charte, avec des fruits et du sucre issus de l’agriculture biologique. Notre gamme 100 % ingrédients d’origine naturelle n’est pas certifiée AB, ’’mais elle est sans arôme artificiel.

Recyclable à l’infini

Combien de recettes testez-vous par an ? L’innovation est-elle essentielle sur le marché des sirops ?

O. M. : Nous testons 2 100 recettes par an grâce à notre centre de R&D, le centre mondial de référence pour les sirops concentrés et ultraconcentrés dans le groupe Britvic. Il a été créé en même temps que l’entreprise. C’est grâce aux innovations constantes et à une solide stratégie de diversification que Teisseire peut proposer aujourd’hui trente-deux parfums, à consommer chez soi avec plus de sept gammes de sirops, ou en CHR grâce à la gamme Mathieu Teisseire.

Comment informez-vous les consommateurs sur vos recettes ? Quelle forme de transparence vous paraît importante ?

O. M. : Nous sommes très transparents. Nos recettes figurent sur notre site et surtout sur nos emballages, où nos engagements nutritionnels, nos ingrédients et même des conseils d’utilisation sont indiqués. Toutes nos actions sur les questions nutritionnelles sont conduites auprès de l’ensemble de nos consommateurs

Le bidon en métal lancé en 1959 affiche « 100 % recyclable à l’infini ». Comment est-il dans le coup du point de vie environnemental’ ? Les techniques actuelles du tri garantissent-elles son recyclage effectif ? Des sirops en vrac et le réemploi sont-ils envisageables ?

O. M. : Le métal est un matériau qui se recycle très bien en France et dont la filière est développée ; il est 100 % recyclable à l’infini. Pour l’instant, nous travaillons plutôt sur des sirops à la source, en partenariat avec une entreprise grenobloise,  Behring Water, pour le développement d’eaux aromatisées dans les fontaines à eaux.

Quels sont vos objectifs en termes de bilan carbone ?

O. M. :  Pour l’emballage, notre ambition est d’atteindre  50 % de rPET (polytéréphtalate d’éthylène recyclé) en 2022 et 100 % en 2025. Nous souhaitons réduire l’emballage par unité de 20 % . Pour Pressade, toutes les briques sont composées à 84 % de matières d’origine végétale. La bouteille FruitShoot est 100 % recyclable avec 25 % de rPET. Dans la production, 100 % de la consommation électrique du site de Teisseire contribue au financement du développement des énergies renouvelables, avec une station de méthanisation qui a produit 90 000 m3 de biogaz en 2020. Nous formons dans l’entreprise des référents énergie [1], afin de concevoir, mettre en place et coordonner des actions permettant d’améliorer notre performance énergétique.

Partenariat ONF pour la biodiversité

Comment vous inscrivez-vous dans la protection de la biodiversité ? Avez-vous noué des partenariats avec des ONG ? En quoi consiste votre partenariat avec l’Office national des forêts ?

O.M : Nous avons en effet signé un partenariat en 2019 et 2020 avec l’Office national des forêts, dans le cadre d’un programme visant à protéger et à valoriser les forêts françaises. En 2020, cette convention associait Pressade, du même groupe, pour un projet de reboisement en forêt de Verdun. Un choix légitime dans la suite logique du choix des briques cartonnées comme emballage, issues d’une production et d’une exploitation responsables du bois. Les briques Pressade proviennent à 75 % de l’exploitation du bois. ​

Quelle est, depuis son acquisition en 2010, la place de Teisseire dans le groupe Britvic, spécialiste des boissons sans alcool, implanté au Royaume-Uni, en Irlande et au Brésil ?

O. M. : La France est le deuxième pays pour Britvic en termes de revenus et de production, et a un rôle particulier pour le développement à l’international de Teisseire en GMS et Mathieu Teisseire en CHR. Depuis l’acquisition de Teisseire par Britvic les ambitions pour la marque Teisseire et Mathieu Teisseire sont fortes, pour faire de ces marques locales des marques internationales premium et devenir un véritable challenger dans la catégorie BRSA au niveau mondial.

[1] Avec Prorefei, programme financé par EDF et Total dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie (CEE), et piloté par l’Ademe et l’ATEE, association technique pour la maîtrise de l’énergie.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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