Vie des marques

Mutti, exigeante du plant à l’étiquette

12/09/2025

Entreprise familiale depuis 1899, Mutti fait du terroir italien son argument pour promouvoir la tomate fraîche en Europe. Et de l’agriculture raisonnée le garant de la qualité de ses produits. Entretien avec Sophie Badault, directrice générale France Benelux, Mutti.

Quel est le rang de Mutti sur le marché mondial en tant que transformateur de tomate et en tant que marque ?

Sophie Badault : Mutti est numéro un des bases culinaires tomatées en Europe ainsi qu’en France, et la troisième marque nationale de sauces tomates prêtes à l’emploi. Pour le groupe, 60 % de ses ventes se font à l’export et la France est le second marché derrière l’Italie.

Où sont vos principales implantations industrielles ?

S. B. : Certifiées cent pour cent d’origine italienne, les tomates Mutti sont produites en majorité dans le nord du pays, en Émilie-Romagne, avec deux usines à côté de Parme. Une autre partie de la production se fait dans la région des Pouilles, à Oliveto Citra, pour des variétés spécifiques comme les tomates pelées ou les tomates cerises.

Quelle est la part de votre production destinée à l’industrie et celle destinée à la consommation ?

S. B. : Mutti ne fait pas de tomates pour l’industrie. En France, 65 % de nos ventes se font dans des formats destinés aux familles, achetés en GMS, et 35 % auprès des restaurateurs.

Pionnier du tube

Sur quelles innovations et quels brevets industriels Mutti a-t-elle bâti son succès ?

S. B. : L’innovation a toujours été au cœur de la stratégie. En 1951, Mutti a lancé le premier concentré de tomates en tube. Nous avons été les premiers, dans l’alimentaire, à utiliser ce format permettant de refermer le produit et de le conserver y compris sans réfrigérateur. En 1971, Mutti a lancé la « polpa », développée avec un procédé breveté de traitement à basse température et extraction à froid pour préserver la texture et la fraîcheur de la tomate. L’entreprise continue à innover chaque année, avec notamment le lancement d’une gamme entière de sauces prêtes à l’emploi, sauce au basilic de Gênes ou au Parmesan AOP, ou à la provençale au thym.

Quelle est l’importance de la transmission pour votre marque ?

S. B. : Mutti est une entreprise familiale depuis 1899, aujourd’hui menée par Francesco Mutti, quatrième génération de la famille. Cette continuité familiale assure une vraie vision à long terme, fondée avant tout sur la qualité, sur les hommes, agriculteurs partenaires et salariés, sur le respect de la terre et sur l’innovation. Dans l’entreprise, il y a une forte culture de la transmission forte et une fierté d’y travailler.

Quels sont les enjeux de durabilité pour vos filière ? Le réchauffement climatique affecte-t-il la qualité ou la quantité ?

S. B. : Au nombre des enjeux majeurs : le stress hydrique, les événements extrêmes (pluies, gel, chaleur), l’eau, la décarbonation de l’amont à l’aval. La campagne 2024 a illustré ces contrastes (pluies au nord, sécheresse au sud) ; l’entreprise a subi des ruptures de stock dans tous les pays liés à une sous-production, par rapport à notre rythme de croissance à travers le monde.

Diversité de pratiques durables

En matière de pratiques agricoles, quel modèle privilégiez-vous ?

S. B. : Mutti travaille depuis 1999 en production intégrée[1] certifiée. L’ensemble des produits sont issus d’une agriculture raisonnée, d’une agriculture zéro résidus pesticides, ou biologique. Tous sont sans conservateurs, ni additifs. L’entreprise a été la première en Italie à avoir un partenariat avec le WWF pour travailler sur la réduction de la consommation d’eau, dans les champs et dans les usines.

Quelle est la part du bio dans votre offre ? le NutriScore est-il sur toutes vos étiquettes ?

S. B. : Nous avons une offre bio dans l’ensemble de nos segments : polpa, passata, tomates pelées, concentré de tomates. Le bio représente entre 10 et 15 % de nos ventes. Nous avons adopté le Nutri-Score : la quasi-totalité des conserves de tomates et des sauces Mutti sont notées A, à l’exception de la sauce aux olives Leccino qui est B en raison du sel des olives, et de nos trois références de ketchup, notées D.

Comment réduisez-vous votre consommation d’eau ?

S. B. : Nous avons un partenariat WWF Italie depuis 2010 pour le contrôle de l’empreinte hydrique de l’intégralité de la filière de production et pour sa réduction : dès la période 2010-2015, plus d’un milliard de litres économisés (moins 4,6 % ). Tous nos agriculteurs sont impliqués, nous avons développé des outils spécifiques sur les champs et nous recyclons l’eau dans nos trois usines.

Et pour réduire votre empreinte carbone ?

S. B. : Nous avons installé des panneaux photovoltaïques sur nos trois sites industriels ainsi que dans nos entrepôts. Nous relançons certains emballages pour en baisser le poids (cette année notre gamme de sauces pour pâtes). Nous avons également de grands programmes de plantation d’arbres. Tous nos emballages sont recyclables et tous nos déchets sont réutilisés, en nourriture pour animaux ou en biogaz.

Surcote à l’achat de la matière première

Votre gamme présente plusieurs types de contenants : verre, acier, brique : pourquoi cette diversité ? L’évolution des coûts des matières premières vous a-t-elle conduits à reconsidérer vos emballages ?

S. B. : Oui, le choix de plusieurs matériaux répond à l’usage et à la protection du produit. Le verre (passata) pour la praticité et la perception premium, l’acier (pelées, polpa) pour la robustesse chaîne froide et chaude, la brique carton aseptique pour la légèreté, et pour la compacité le tube en métal.

Récemment le pot des sauces tomate cuisinées a changé en France. Il met davantage en avant les recettes, et se composant de moins de matière, est moins lourd.

Quels sont vos engagements en matière de rémunération des agriculteurs ? Et vos attentes en contrepartie ?

S. B. : Le succès de la marque Mutti est lié à la qualité de ses produits. Pour l’assurer, il faut une relation privilégiée avec les agriculteurs, afin qu’ils respectent notre cahier des charges et qu’ils nous vendent leurs tomates avec la meilleure qualité possible. Pour cela, nous travaillons avec eux dès la transplantation des tomates et nous les rémunérons en moyenne 13 % au-dessus de la moyenne du marché. Chaque année, le prix « Pomodorino d’Oro » récompense les agriculteurs qui ont fourni les tomates de la meilleure qualité : une récompense financière mais aussi une reconnaissance et un vrai sentiment de fierté. Nos attentes portent sur la qualité des tomates et le respect des hommes : récolte cent pour cent mécanisée, respect de la terre (consommation réduite d’eau et de pesticides).

Les États-Unis ont mis des barrières à l’entrée de la tomate chinoise. Attendez-vous des mesures équivalentes de la Commission européenne face à une concurrence éventuellement déloyale (travail forcé, absence de normes environnementales…) ?

S. B. : La Chine a commencé à cultiver les tomates dans les années 1990 et pas pour sa consommation interne. Après avoir connu une forte chute de la production dans les années 2010, elle a décidé de relancer cette production, avec un risque que le marché soit inondé de tomates chinoises de moins bonne qualité et moins chères, produites dans un pays qui suscite de vives préoccupations en matière de respect des droits humains. Contrairement à l’Europe, les Américains ont appliqué, en 2021, une interdiction d’importer des tomates du Xinjiang, province chinoise accusée de travail forcé des Ouïgours.

Francesco Mutti a récemment appelé à « serrer la vis » et à prendre des mesures similaires. Il dénonce le manque de transparence concernant l’origine des produits, information généralement écrite en petit sur les conserves et autres emballages : nous militons pour qu’elle figure bien lisible sur le devant du produit.[1] Cf. https://www.deux-sevres.gouv.fr/Actions-de-l-Etat/Agriculture-foret-et-developpement-rural/L-agro-ecologie-en-Deux-Sevres/Les-exploitations-agricoles-engagees-en-agro-ecologie/La-production-integree

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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