Danone, un naturel du Nord
10/10/2025
Le 22 septembre dernier, Danone fêtait le centenaire de la laiterie de Bailleul, dans le département du Nord, en présence du sous-préfet, de parlementaires locaux, du président de la communauté d’agglomération Cœur de Flandre, de représentants des conseils régional et municipal... Construite en 1925 par la société des Fermiers réunis des Flandres, la laiterie Bailleuloise, reprise par Danone en 1964, fut l’un des sites historiques du yaourt où se constitua le savoir-faire laitier français transmis de génération en génération. Le yaourt, c’est aussi le produit emblématique du groupe Danone. Antoine Riboud ne disait-il pas « je ne vends pas des yaourts, je vends des Danone » ?
L’histoire du yaourt Danone a commencé en 1919 à Barcelone, où avait émigré Isaac Carasso, né en 1874 à Salonique, en Grèce ottomane, redevenue Thessalonique depuis. S’inspirant de la tradition bulgare, voisine de cette région, ainsi que des travaux du Prix Nobel Elie Metchnikoff à l’Institut Pasteur, il cultiva des ferments lactiques (voir ci-dessous) pour mettre au point une recette destinée à soulager les troubles digestifs des enfants malnutris. C’est pourquoi ses premiers pots seront vendus en pharmacie. Il les signera de la marque Danone, en hommage à son fils Daniel (Danón en catalan). Daniel qui développera l’entreprise en dehors des officines et au-delà des Pyrénées, d’abord en France à partir de 1929 puis aux États-Unis (Danonn), où il dût s’exiler durant la Seconde Guerre mondiale. Danone absorbe Gervais en 1967, mais est intégré en 1973 au groupe BSN, industriel verrier qui s’est diversifié depuis peu avec Evian et Kronenbourg, et qui finira, en 1995, à reprendre « Danone » pour raison sociale.
« Avec son mélange unique de ferments, un pot de Danone Nature illustre notre engagement : créer ici, rayonner partout, pour une alimentation qui fait du bien », assure la directrice marketing produits laitiers de Danone France, Émilie Vantajol. Et participer au renforcement de la souveraineté alimentaire française, par celui de son ancrage territorial. À l’occasion des festivités du centenaire de Bailleul, le directeur général de Danone, Antoine de Saint-Affrique, a ainsi annoncé que le groupe allait allouer 45 000 tonnes supplémentaires de production en France, notamment grâce à une augmentation de ses capacités de 10 000 tonnes, dont 6 000 pour la seule usine nordique.
Un millier d’emplois directs et indirects
Car la laiterie de Bailleul est aujourd’hui l’une des deux plus grandes usines de yaourts de Danone en France, derrière celle du Pays de Bray en Seine-Maritime. Le site produit trois millions de pots chaque jour, soit 150 000 tonnes par an, pour sept marques dont Danone, Activia ou Velouté. Avec l’ajout de deux lignes, portant l’ensemble à neuf, la montée en puissance de l’outil permettra le conditionnement de 48 millions de pots supplémentaires, en PET recyclé désormais. Car la réduction de l’empreinte environnementale est aussi au programme. Depuis 2020, seize millions d’euros ont été investis dans la modernisation de l’usine, dont une partie pour réduire la consommation d’eau du processus de fabrication.
Au passage, la formation des salariés a été amplifiée. Avec quelque trois cents salariés, dont certains appartiennent à la troisième génération d’employés de l’usine, l’usine de Bailleul participe à l’emploi dans la commune et sa périphérie, largement au-delà du périmètre du site : au total, plus d’un milliers d’emplois directs et indirects dépendent de Danone dans la région des Hauts-de-France.
Un bassin stratégique
La région représente ainsi un « bassin stratégique » pour Danone. Le groupe y a investi aussi à Steenvoorde (Nord), une usine également issue des Fermiers réunis des Flandres et reconvertie dans la nutrition infantile et médicale, et au « Lilpark » de Camphin-en-Carembault (Nord encore) pour un centre logistique internalisé. L’approvisionnement en lait provient d’une collecte effectuée parmi 400 à 420 exploitations agricoles partenaires, situées dans un rayon moyen de quarante kilomètres. Cela représente chaque année 230 millions de litres de lait en « un modèle local, durable et humain, qui soutient à la fois la qualité du produit et l’économie régionale », souligne Danone. Qui, dans l’ensemble des Hauts-de-France, emploie 750 personnes et y collecte 10 % de la production laitière, représentant 37 % de ses besoins nationaux.
Cette reprise de la transformation intervient dans un contexte de rebond du marché des produits ultra-frais. Après des contre-performances en partie causées par l’inflation, les yaourts et autres desserts à base de lait ont retrouvé des couleurs. En France, ce segment pèse 5,7 milliards d’euros et affiche depuis le début de l’année une croissance de 2 %, tant en volume qu’en valeur. Relancé en 2017 en se référant plus clairement à son histoire, le yaourt nature Danone se retrouve dans un foyer français sur deux, consommé à 80 % en dessert, mais aussi au petit-déjeuner ou en collation. Or, selon une enquête Ifop, 78 % des Français privilégient l’origine France lorsqu’ils choisissent leurs yaourts : un atout pour Bailleul, qui garantit un approvisionnement cent pour cent local.
Tourisme industriel
L’an dernier, la laiterie de Bailleul s’est ouverte au grand public grâce à un partenariat avec l’Office de tourisme de Lille, qui propose des créneaux de visite sur son site Internet. Ces visites sont assurées par des guides accrédités. Le 20 septembre dernier, l’usine a pour la première fois participé aux Journées européennes du patrimoine. Près de trois cents visiteurs s’y sont rendus, après avoir contacté l’Office de tourisme Cœur de Flandre à Bailleul. Ils ont pu suivre un parcours allant de la traite des vaches à une démonstration culinaire avec un chef, en passant par l’usine et une exposition de photos. « Les places proposées sont parties très rapidement. Un succès fou », a observé le quotidien régional La Voix du Nord.
Benoît Jullien (Icaal)Et à Saclay, la recherche
Danone dispose aujourd’hui d’une « souchothèque » de 1 800 ferments dans son centre de recherche du plateau de Saclay (Essonne), démultipliant les combinaisons possibles pour de nouvelles recettes. Il vient d’y inaugurer le laboratoire OneBiome et entend en faire un « pôle mondial de référence en matière de science du microbiome, de nutrition et de santé digitale ». Pour Isabelle Esser, directrice générale recherche & innovation de Danone, l’avenir de la nutrition repose en effet « sur une compréhension approfondie du microbiote intestinal et sur l’exploitation du potentiel des biotiques – prébiotiques, probiotiques, postbiotiques et symbiotiques – pour améliorer la santé ».