Bulletins de l'Ilec

Éditorial

Juste à temps - Numéro 472

25/04/2018

Dans un État de droit la justice ne se précipite pas, c’est ce qui la distingue de ses parodies en usage dans les tyrannies, expéditives parce que contre tout et tout le monde en guerre. Civile, pénale ou administrative, mais toujours prudente, la bonne justice s’attire donc, c’est de bonne paix, un procès récurrent en lenteur.

Le domaine où s’exerce le droit commercial y échappe d’autant moins que dans les affaires, le temps est proprement compté, en ce qu’il est « de l’argent », toujours réductible à un coût, à un gain ou à un manque à gagner. En cas de litige, le plaideur ne se rend jamais au palais toutes affaires cessantes ; car les affaires, justement, continuent. Plaideur, plaies d’heures. Les parties intéressées s’en ressentent, mais d’autres qu’elles aussi. Car les marchés en général détestent l’incertitude – alors qu’ils sont par excellence le terrain de jeu de l’incertitude – et aiment que tombent à point nommé les décisions qui les éclairent.

Ce Bulletin fait une large place à la temporalité du contentieux, qu’il ressortisse au judiciaire ou à la médiation. L’actualité y invite, avec la discussion d’un projet de loi qui devrait renforcer la part de la seconde dans le domaine des « relations commerciales agricoles ». Et les experts qui s’expriment dans ces pages y dispensent un peu de baume : les évolutions récentes des délais d’instruction, à les lire, ne sont pas si décourageantes.

Reste que cet aspect n’épuise pas les contradictions, discordances et décalages entre le temps du droit et celui des affaires. Le politique y a sa part, parce qu’il redéfinit le cadre légal où s’exerce le judiciaire, mais aussi parce qu’il commande à l’administratif. Et l’administratif, par son génie propre, y a la sienne. De même que leur action favorise ou non la simplification des normes ou les solutions de guichet unique (création d’entreprise, autorisations d’investissement…), toutes choses qui font gagner du temps, le degré de prise en considération du calendrier des affaires dans leurs décisions peut être crucial. Et ils sont un peu plus libres de leur agenda que ne l’est le judiciaire.

Hors tout litige particulier, il arrive en effet que des entreprises se trouvent dans l’inconfort de devoir différer une décision ou d’atermoyer, dans l’attente d’un avis ou action d’une administration de tutelle. Dans la grande consommation, les acteurs (tous) attendent ainsi depuis trois ans avec une certaine fébrilité la suite conclusive d’un avis1, riche en questions, de l’Autorité de la concurrence sur la constitution des alliances à l’achat, suite inscrite sans date à son agenda. Compte tenu de l’actualité du commerce et des reconfigurations d’alliances qui sont à l’œuvre, il est à se demander si mieux n’aurait pas valu de ne rien annoncer du tout. Le temps meublera peut-être cet avis de la plus haute sagesse, mais il n’aura pas, pour son retard, l’excuse de la justice.

François Ehrard

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