Bulletins de l'Ilec

Esprit digital, esprit wiki - Numéro 460

28/10/2016

L’adoption des standards d’échange d’informations sur les produits engage de nouveaux enjeux et devient un indicateur de la maturité numérique des opérateurs. Entretien avec François Deprey, directeur général de GS1 France

Comment a évolué la fiche produit (échanges fournisseurs-distributeurs) sous l’effet de la numérisation généralisée? Les échanges en ont-ils été simplifiés ou compliqués par de nouveaux enjeux?

François Deprey: Ce qui était hier considéré comme une contrainte, en raison de l’optimisation des relations portant sur les flux commerciaux, a aujourd’hui passé un cran, du fait du commerce électronique. La contrainte est devenue une nécessité. L’information produit est devenue pour l’entreprise une valeur aussi importante que le produit qu’elle fabrique. On ne vit plus dans un monde où l’on peut se contenter de fabriquer. En même temps qu’on fabrique le produit sur le plan physique, on le fabrique sur le plan numérique. L’évolution des standards et de leurs usages dépend d’échanges non plus exclusivement interentreprises mais également entreprises-consommateurs, faisant du consommateur un utilisateur à part entière des données.

Le schéma d’hier, fondé, pour le standard, sur une relation émetteur-récepteur, fabricant distributeur, a changé. Avec l’e-commerce, les distributeurs eux-mêmes sont devenus des émetteurs vers le consommateur final. Tout le monde est dans le même bateau, d’où une prise de conscience, et un intérêt fort et commun pour les standards liés à l’information produit. De fait, un fabricant a intérêt à ce que l’information sur ses produits et marques soit de la meilleure qualité possible pour le consommateur et la plus fidèle au discours marketing qu’il a élaboré. Il faut donc un engagement commun aux distributeurs et aux fabricants, contraints de s’adresser aux consommateurs en leur offrant des informations de qualité, au même titre qu’ils ont fait et continuent de faire des produits de qualité.

Pour ces raisons, la fiche produit évolue. Les outils qui étaient liés à la simplification des échanges sont peut-être aujourd’hui plus simples, mais leur enjeu est plus fondamental qu’il ne l’était. La complexité tient à la quantité d’informations, car on peut toujours en proposer plus. Aussi doit-on utiliser un socle commun, un standard d’échange: premièrement dans le langage employé, deuxièmement dans la manière dont on le structure, enfin dans le choix du tuyau par lequel les échanges vont se faire.

Le marché de la grande consommation serait-il dans une situation où seuls les grands opérateurs sont en mesure de consentir à des investissements (d’innovation numérique) qui sont pourtant très profitables aux petits? Faut-il un seul standard ou plusieurs?

F. D: À l’origine, GS1 proposait avec le GDSN (global data synchronisation network) une sorte de tout en un: le langage, sa structure et le canal d’échange. Ce système était et reste une bonne idée dans une logique 20-80: un grand industriel pouvait rationaliser les échanges d’informations avec les clients représentant 80% de ses ventes. L’ambition: une fiche produit standardisée pour tous les clients. Difficile, après quelques années de déploiement de ce standard dans la distribution, d’en mesurer le retour sur investissement, mais à l’heure où la digitalisation de l’offre devient nécessité, nous devrions voir de tels standards et leurs usages se déployer de manière très significative et faire la preuve de leur intérêt.

Pourquoi toute la distribution ne recourt-elle pas au GDSN et s’en tient souvent à des systèmes propriétaires?

F. D.: La limite du GDSN est le taux de couverture de l’offre. Chaque fiche produit peut contenir un nombre élevé d’attributs et nécessite une très bonne qualité des données. C’est pourquoi le déploiement du GDSN nécessite un certain temps de mise en œuvre, avec des deux côtés des investissements dans des outils de gestion de données et le recours à des catalogues électroniques. L’usage du GDSN s’est néanmoins étendu au commerce en ligne, avec Amazon ou Alibaba qui comptent y recourir, quoique pas pour la totalité de leur offre.

Il faut probablement donner de la flexibilité au standard sur les données de produit. Nous nous acheminons vers une double logique: d’un côté le «20-80» avec des données complètes, échangées de manière aboutie entre partenaires commerciaux, intégrant données destinées au consommateur et données restreintes échangées uniquement entre partenaires commerciaux; de l’autre côté, certains produits décrits avec des données plus simples, en tout cas moins exhaustives, environ une dizaine d’attributs. Pour ceux-ci, l’objectif sera à terme de tendre vers une information de base pour presque tous les produits («unités consommateur»). Il faut imaginer un accès, ouvert à n’importe quelle entité (consommateur, distributeur, collectivité, moteur de recherche…), à une sorte de Wikipédia de l’information produit, recensant quelques informations simples sur tous. L’industrie des PGC serait alors de plain pied dans l’ère du numérique.

Propos recueillis par J. W.-A.

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