Bulletins de l'Ilec

Promouvoir... la valeur ajoutée - Numéro 356

01/09/2004

Comment redonner aux promotions, aujourd’hui trop nombreuses et illisibles, leur vraie place ? En justifiant, auprès des consommateurs, l’adéquation entre la valeur ajoutée des produits et leur prix, et en donnant du sens à la promesse mercatique des marques et des enseignes. Entretien avec Cédric Ducrocq, président de Dia Mart.

Quelles sont, selon vous, les raisons qui expliquent la surenchère actuelle des promotions et l’apparition des nouveaux instruments promotionnels (NIP) ?

Cédric Ducrocq : La surenchère des budgets publi-promotionnels s’observe depuis une dizaine d’années. Elle s’explique par des causes réglementaires, mais aussi par le changement du combat concurrentiel, qui a abandonné l’argument prix pour d’autres promesses. Or les promotions et les NIP, outils de stimulation commerciale, trouvent d’autant plus leur sens que le marché n’est plus stimulé par les prix. Ils permettent d’atténuer l’impact des hausses de prix qui financent l’innovation.

Comment définissez-vous les NIP ?

C. D. : Ils sont plus une commodité de langage qu’un véritable concept. C’est la convergence entre les supports promotionnels classiques et les systèmes de ciblage et de fidélisation qui donnent lieu à des instruments hybrides appelés NIP.

L’inflation promotionnelle n’est-elle pas une réponse à la dérive des prix, dont une des causes serait l’inflation des marges arrière ? Doit-on réformer la loi Galland ?

C. D. : Affirmer que la loi Galland est à l’origine de l’inflation des promotions et de la création des NIP est à la fois vrai et un peu simpliste, car l’atténuation de la guerre des prix arrangeait aussi bien les marques que les enseignes, en quête de valeur ajoutée, d’autant que les consommateurs, alors optimistes, étaient réceptifs aux nouvelles offres. Depuis deux ou trois ans, on sent bien qu’on a été trop loin, sur les marges arrière bien sûr, mais plus généralement sur l’abandon du combat des prix. L’initiative de Nicolas Sarkozy, visant à diminuer les prix de 2 % à compter du 1er septembre, est bienvenue sur le plan pédagogique, et peut aider à casser la spirale infernale. Mais elle ne résout pas le problème de fond : le contexte réglementaire fait qu’il est probablement impossible de revenir en arrière sur les dérives. Les effets de cliquet sont tels que tout retour en arrière passe par une réforme de la loi Galland.

Face à l’évolution des motivations d’achat, d’une logique d’accumulation à une logique de sens, la promotion peut-elle se limiter à un harcèlement mercatique et à une simple réduction de prix ?

C. D. : Je ne pense pas que le vrai sujet soit ce passage d’une logique d’accumulation à une logique de sens, mais plutôt l’adéquation entre la valeur et le prix. De la fin des années 1990 jusqu’en 2002, une bulle un peu artificielle s’est traduite par une course vers la valeur ajoutée, aussi bien chez les industriels que chez les distributeurs : la mercatique avait moins pour objectif de satisfaire les attentes des clients que de justifier les hausses de prix. Aujourd’hui, les consommateurs rechignent à payer le prix de cette valeur ajoutée qui ne correspond pas suffisamment à leurs attentes.

Pouvez-vous citer des exemples ?

C. D. : Le secteur du petit électroménager s’interroge sur l’adéquation entre valeur ajoutée et prix. Durant les années 1990, les innovations apportées par les fabricants ont été bien accueillies par les consommateurs. Aujourd’hui, le marché est perturbé par les importations et les premiers prix. Comment justifier l’écart de prix très élevé entre les produits basiques et les produits à valeur ajoutée des marques ? Le consommateur est-il prêt à payer le prix de la valeur ajoutée qu’on lui propose ?

Comment définir « la » bonne promotion ?

C. D. : Si la promotion permet de réduire le différentiel perçu entre prix et valeur, alors elle est la bienvenue ; si elle n’est qu’un stimulus commercial, elle est honorable, mais force est de constater qu’elle a perdu en efficacité. D’une manière générale, on constate une difficulté croissante à faire réagir le marché. Nous sommes dans un cercle vicieux où la complexité des instruments renforce les effets de saturation et leur moindre efficacité. Le problème de l’efficacité des promotions n’est pas un problème de promotions, c’est la conséquence d’un problème plus large, celui du prix et de la valeur ajoutée. Quand il y a un écart entre le prix et la valeur perçue par le client, ou bien on baisse le prix, ou bien on augmente la valeur perçue. Si on avait une bonne adéquation et un marché sain, la promotion jouerait son rôle normal de dynamisation temporaire du marché et d’animation des ventes.

Est-ce un phénomène typiquement français ?

C. D. : Il est particulièrement marqué en France. En Angleterre, depuis l’arrivée de Wal Mart et sous l’influence de Tesco, les prix sont sages depuis cinq ans ; en Allemagne, la valeur ajoutée marketing reste à inventer ; aux Pays-Bas, la guerre des prix faire rage depuis deux ans.

Conçues comme des instruments de fidélisation, les cartes ne se sont-elles pas transformées en supports promotionnels, avec comme effet pervers l’infidélité croissante du consommateur, qui se sent manipulé car il dépense plus ?

C. D. : Cela supposerait que le client dépense vraiment plus et que ces supports soient efficaces. Or la réalité est plus cruelle, leur efficacité n’étant pas vraiment démontrée. Je redoute le coût élevé de tous ces dispositifs qui ne créent pas de valeur pour le client. Ces instruments servent les intérêts des distributeurs car ils augmentent les ventes. Ils occasionnent des coûts inutiles du point de vue du client et les effets de saturation impliquent un retour sur investissement problématique. Ce ne sont donc pas vraiment des outils mercatiques. Le marketing, cela ne sert pas à enrichir l’entreprise aux dépens de ses clients !

L’hypermarché est-il un concept en crise face au maxidiscompte ?

C. D. : En crise, non, car la rentabilité de l’hypermarché n’a jamais été aussi élevée, mais le concept est confronté à deux problèmes de fond : en non-alimentaire, les grandes surfaces spécialisées se taillent la part du lion. En alimentaire, l’hypermarché a un problème d’image prix qui devient vraiment préoccupant. Nous sommes dans une situation inédite : les produits les plus rentables sont les marques de fabricants dans les produits alimentaires. Et le non-alimentaire perd de l’argent. L’hypermarché a du mal à justifier sa raison d’être et à rester attrayant sur le plan commercial.

Quel est son avenir ?

C. D. : Il risque de connaître une lente érosion de sa part de marché s’il n’améliore pas son image prix. La seule façon d’y parvenir est de baisser les prix. Les promotions, elles, n’ont jamais changé l’image prix. Mais il faut restaurer cette image prix sans menacer la valeur ajoutée. S’il existe un domaine où le partenariat industrie-commerce est nécessaire, c’est bien celui qui consiste à justifier la valeur ajoutée, à remettre prix et valeur en adéquation. La difficulté est collective, et la sortie de crise le sera forcément aussi.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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