Bulletins de l'Ilec

« Ramener des grandes surfaces en centre-ville » - Numéro 362

01/04/2005

Entretien avec Serge Grouard, député-maire d’Orléans

Le dispositif législatif et réglementaire mis en place depuis la loi Royer a-t-il répondu et répond-il encore aux attentes des élus locaux en matière d’urbanisme commercial ? Les CDEC se préoccupent-elles assez d’urbanisme ? Serge Grouard : Le dispositif actuel ne répond pas totalement aux attentes, dans la mesure où il a laissé perdurer l’extension des grands centres commerciaux en périphérie. Les élus locaux ont des moyens non négligeables mais limités en ce domaine. La CDEC est en soi une bonne chose, mais avec la capacité d’appel auprès de la CNEC elle peut être désavouée. Le dispositif CDEC-CNEC mérite d’être révisé. D’une façon générale, les outils juridiques et fiscaux à la disposition des maires (plans locaux d’urbanisme, dotations de solidarité communautaire, etc.) leur permettent-ils de jouer efficacement leur rôle ? S. G. : Nous maîtrisons le foncier, nous avons des procédures de schémas d’ensemble cohérentes, et nous avons des outils, comme les chartes d’urbanisme commercial, dont la valeur juridique n’est pas totalement déterminée. Ces outils sont suffisants en nombre. Il dépend de la volonté politique qu’ils soient bien utilisés. Doit-on intégrer le droit de l’équipement commercial dans le droit commun de l’urbanisme ? S. G. : En tant que législateur, je n’y suis pas favorable. Les procédures sont déjà suffisamment complexes. Utilisons pleinement les outils en notre possession, avant d’en ajouter d’autres. Œuvrons plutôt pour réformer les CNEC. Les architectes des Bâtiments de France (ABF) devraient-ils être compétents concernant l’aménagement des entrées de ville ? S. G. : Je ne suis pas favorable à l’idée que les ABF puissent décider de la façon de mettre de l’ordre. Reste à définir les règles et à les faire respecter. A Orléans, nous rénovons le centre-ville avec les ABF, dans une logique non de contrainte mais de partenariat, comme l’atteste le multiplexe construit en bord de Loire. D’une manière générale, tous les élus veulent une plus grande qualité de vie, un urbanisme à visage humain. Il en est de même des acteurs économiques, qui lancent des concours d’architecture pour les parcs industriels. Doit-on, à l’instar du système britannique, rendre obligatoire la justification d’une implantation en périphérie ? S. G. : Je ne suis pas favorable à la contrainte forte, je préfère de loin la concertation. Néanmoins, la priorité, aujourd’hui, est le développement du centre-ville. Nous avons voté une charte d’urbanisme commercial, au niveau de l’agglomération d’Orléans, qui affirme cette priorité. Le deuxième point de cette charte porte sur la modernisation des centres commerciaux en périphérie. Je milite en faveur d’une réforme de la CNEC, afin qu’elle cesse de désavouer les CDEC, donc les élus locaux. L’implantation de la grande distribution en périphérie et du petit commerce en centre-ville n’est-elle pas obsolète ? S. G. : La dichotomie est trop simpliste pour être juste. Il est vrai que, pour des questions de surface, certains types de commerce peuvent difficilement s’implanter en centre-ville. Pour autant, à Orléans, nous avons ouvert depuis deux ans quatre-vingts commerces en centre-ville, et nous avons recruté un « manager de centre-ville ». Bouchara, une grande surface, vient d’ouvrir au cœur de la ville. Notre objectif est de ramener au centre des moyennes et grandes surfaces. Comment créer une dynamique de centre-ville ? Vous êtes le maire d’une ville qui a connu de grands chantiers, comme le Tramway nord-sud ou l’Espace Gare d’Orléans. Quelles en sont les répercussions sur l’équipement commercial ? S. G. : Il n’y a pas de répercussion directe. Le grand chantier en lui-même ne suffit pas. C’est un ensemble d’actions qui peut rendre un centre-ville attrayant. En 2001-2002, nous avons mené une réflexion pour les identifier. Parmi elles, la beauté du site : le centre-ville doit être agréable, propre, esthétique, donner envie de venir et de revenir. Nous avons travaillé sur la lumière et sur le mobilier, en proposant une charte du mobilier urbain et des terrasses de café. Autre élément qui contribue à l’harmonie du centre-ville : la qualité et la diversité du commerce. Et la tranquillité et la sécurité, sans lesquelles pas d’harmonie possible. L’attrait repose également sur l’animation, la découverte. Enfin, l’accès du centre-ville pose les questions du stationnement, de la circulation et de l’équilibre entre transports privé et collectif. Nous allons créer une deuxième ligne de tramway, est-ouest. Nous avons supprimé le parking en bord de Loire, un site classé patrimoine mondial de l’Unesco, au profit d’un parking souterrain payant. Les contraintes du commerce en centre-ville (accès, livraisons) sont-elles compatibles avec le développement durable ? Le « bilan carbone » proposé par l’Ademe est-il un premier pas vers plus de civisme ? S. G. : Si les contraintes existent, les avantages ne sont pas négligeables. En termes, tout d’abord, de proximité, le fait de pouvoir faire ses courses sur place donne un bilan écologique moins négatif, voire positif. Sur le plan humain, la relation humaine est mieux valorisée, et elle devient d’autant plus importante que la population vieillit et se déplace moins facilement, même si des progrès sont réalisés dans les transports en commun. La méthode « bilan carbone » peut contribuer à responsabiliser les acteurs. Chacun est tenté par l’impuissance face aux grands enjeux. Savoir ce que chacun consomme, par un bilan énergétique, est un premier pas. Orléans fait partie des villes très affectées, en particulier sur la N 20 à partir de Cercottes, par le problème des équipements commerciaux anarchiques. Comment en est-on arrivé là ? S. G. : Depuis les années 1950, toutes les villes françaises ont construit dans le désordre, nous plaçant aujourd’hui dans des situations incohérentes. Il est impératif de remettre, là aussi, de l’harmonie. Nous avons mené une réflexion globale sur la N 20, depuis le nord jusqu’au sud. Les améliorations passent par l’aménagement paysager, architectural, mais il faut prendre en considération tous les éléments, et réformer point par point, avec pragmatisme.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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