Bulletins de l'Ilec

Un besoin de formation des architectes - Numéro 362

01/04/2005

Entretien avec Jean-Claude Prinz, Prinzdesign

« La laideur se vend mal », affirmait le stylicien Raymond Loewy. Pourquoi, durant des années, l’architecture fut-elle le parent pauvre de l’urbanisme commercial ? Jean-Claude Prinz : Le commerce a été souvent, dans le milieu du design, de l’architecture intérieure et de l’architecture, considéré comme le parent pauvre, car il ne représentait pas une noble cause à défendre, comme l’architecture des écoles, des crèches, des hôpitaux, des lieux de travail, des bureaux. Il a eu pendant longtemps mauvaise réputation, car notre culture judéo-chrétienne l’avait réduit au niveau du tiroir-caisse. Les architectes, les architectes d’intérieur et les designers avaient délaissé ce marché, pour se consacrer à des créations d’objets, de mobilier. Le design, dont la vocation est « le dessein par le dessin », a vite été galvaudé comme un élément de mode. Il y a peu de temps, les médias ont ouvert leurs rubriques à la création de concepts de points de vente, et les architectes et designers se sont engouffrés dans ce domaine nouveau. Par ailleurs, le lent travail des agences de design global a petit à petit intégré l’architecture commerciale dans le département qu’elles consacrent habituellement à l’identité visuelle et à l’emballage. En 1996, la loi Raffarin a introduit la notion de « confort d’achat des consommateurs ». Où en est-on aujourd’hui, au regard des nuisances visuelles ? J.-C. P. : Les demandes trop pressantes de certains groupes de distribution pour ouvrir des surfaces, en dehors des villes ou dans les centres urbains, l’absence de regard et de prise en compte de l’architecture existante et du patrimoine, sont des éléments en voie de disparition. Plusieurs éléments ont commencé à peser sur la création ou la rénovation dans l’architecture commerciale : la présence des architectes des Bâtiments de France dans chaque ville, leur qualité d’écoute, leur rôle de conseil auprès des commerçants, la sensibilité des consommateurs à la qualité esthétique du bâti, le souci plus systématique de l’environnement et des espaces verts, le fait que les architectes se soient pris au jeu du commerce, les normes imposées aux enseignes. Les distributeurs sont conscients du regard critique que portent les consommateurs, ils se doivent d’offrir des espaces valorisants. C’est pourquoi l’architecture, l’architecture intérieure et le design sont devenus des spécialités à part entière, enseignées dans certaines écoles d’arts appliqués. Il n’y a pas si longtemps, les écoles d’architecture ignoraient les sujets concernant l’architecture commerciale, le sujet était tabou. Doit-on intégrer le droit de l’équipement commercial dans celui de l’urbanisme de droit commun ? J.-C. P. : L’équipement commercial est un élément fondamental de l’urbanisme. Il doit s’intégrer et participer à l’élaboration du projet global. On a trop souffert du manque de réflexion dans les plans d’équipements commerciaux. Certaines enseignes, comme Franprix, ouvrent des magasins dont la vitrine est masquée. N’est-ce pas le contraire du commerce ? J.-C. P. : Si une façade offre une qualité architecturale innovante et attrayante, qui s’intègre au site, avec un bon repérage, une bonne lecture latérale et frontale, une lisibilité et une visibilité, une vitrine valorisante, une entrée facilement identifiable, une reconnaissance du métier, une information et une communication claire et lisible, elle participe pleinement à ce que doit être une façade de point de vente. Les architectes des Bâtiments de France devraient-ils être compétents concernant l’aménagement des entrées de ville ? J.-C. P. : Les architectes des Bâtiments de France devraient, outre l’architecture, être formés aux règles du commerce, ce qui est loin d’être le cas. Il devrait exister aussi une formation spécifique à l’architecture de commerce, pour des architectes qui en feraient la demande : une spécialisation en direction d’un métier ou d’un secteur d’activité qui entraîne une réflexion, une analyse et une prise en compte des données commerciales, en relation avec l’architecture et l’art de construire.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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