Bulletins de l'Ilec

Promouvoir oui, appauvrir non - Numéro 379

01/03/2007

Entretien avec Louis-Claude Salomon, président d’honneur de l’Ilec

Quelle est l’utilité des promotions pour un industriel, et comment en mesure-t-il les effets ? Louis-Claude Salomon : Quelles que soient les techniques mises en œuvre, une promotion est une offre temporaire destinée à faire acheter le produit en promotion, pour développer des ventes. On en mesure les effets en rapportant le coût de la promotion au volume additionnel. Qui, du distributeur ou du fournisseur, détient l’initiative et la maîtrise des stratégies promotionnelles ? L.-C. S. : Eternelle question ! Normalement, il revient à l’industriel qui détient la marque d’avoir l’initiative et la maîtrise de ses stratégies promotionnelles. Mais la marque a été prise en otage par le distributeur et sa marque d’enseigne (MDD), qui peut tirer avantage de la promotion des marques. Avec la légendaire coopération entre le distributeur et l’industriel, la promotion doit, quand tout se passe bien, servir à la marque et à l’enseigne. Pour autant, les objectifs divergent, quand l’enseigne veut vendre moins cher et l’industriel, fidéliser à sa marque de qualité, le prix n’étant qu’une variable secondaire. L’industriel, qui devrait détenir l’initiative et la maîtrise de ses stratégies promotionnelles, peine aujourd’hui, sous la pression de la distribution. Les remontées d’informations chiffrées, du distributeur à l’industriel, sont-elles suffisamment fiables et sincères pour permettre un ajustement optimal des offres au marché ? L.-C. S. : Grâce aux systèmes de gestion de caisses et des données, le distributeur devrait pouvoir connaître toutes les informations chiffrées utiles. Si la coopération est bien établie entre le distributeur et l’industriel, la remontée et le partage des informations sont possibles et souhaitables. Si, bien entendu, les deux parties sont de bonne foi… Ces informations justifient-elles les sommes demandées par les distributeurs aux industriels au titre de la coopération commerciale ? L.-C. S. : La coopération commerciale a pris des proportions totalement irréalistes par rapport à la qualité des services rendus. La situation a même empiré depuis que les enseignes ont le droit de répercuter une partie des promotions dans les prix. Le montant de la coopération commerciale est disproportionné par rapport à la vérité économique de la prestation fournie. L’évolution de la législation a-t-elle modifié les règles du jeu ? L.-C. S. : La récente conférence de presse de l’Ilec (1) a montré que la législation n’avait eu aucun impact sur le montant de la coopération commerciale, même si les prix des grandes marques ont eu tendance à baisser. Avec les NIP, la promotion n’est-elle pas devenue un moyen d’action indirecte sur les prix ? L.-C. S. : Oui, bien sûr. C’est la politique de Leclerc pour baisser les prix. À l’ encontre des stratégies d’EDLP (prix bas tous les jours, every day low prices), les promotions ne présentent-elles pas l’avantage de justifier la cherté relative du fond de rayon, et par là d’éviter la paupérisation des marchés ? L.-C. S. : Oui, si la promotion redevenait une véritable promotion, c’est-à-dire ponctuelle dans le temps et le volume. Le décrochage visible du prix permet d’animer la marque et le rayon, même si aujourd’hui la tendance est plutôt au EDLC (every day low cost). Supprimer l’aspect promotionnel n’est pas souhaitable, car le rayon a besoin d’être animé. Il faut redonner à la promotion ses titres de noblesse. Les marques connaissent-elles leur prix véritable, toutes promotions incluses ? L.-C. S. : Les industriels dignes de ce nom, oui ! Les problèmes ne sont pourtant pas exclus, car il faut être bien équipé pour pouvoir lire les volumes et les coûts supplémentaires. Pour un industriel, y a-t-il des contraintes lourdes associées aux promotions, en termes de production, de préparation, de logistique ? Sont-elles parfois de nature à annuler le bénéfice attendu des opérations promotionnelles ? L.-C. S. : De fait, le format spécial (« girafe ») coûte très cher. Au coût additionnel lié à la fabrication, il faut également ajouter celui lié au stockage, au manque de rotation… Le coût est prohibitif. Les formats spécifiques aux produits promotionnés se justifient-ils ? L.-C. S. : Ils se justifient sur le plan du marketing, mais très difficilement sur le plan économique. Le magasin est-il toujours le seul lieu promotionnel ? L.-C. S. : Non, l’industriel peut utiliser la Toile, le courrier adressé, l’échantillonnage en porte à porte… Jusqu’où la marque peut-elle agir sans travestir son territoire et son image ? L.-C. S. : Si la marque est en promotion de manière permanente, son véritable prix disparaît ainsi que son image. La marque, c’est d’abord le meilleur rapport qualité-prix, la variable qualité étant déterminante. L’appauvrissement est contraire à l’essence même de la marque. Ne touche-t-on pas à l’absurde avec certaines opérations, comme celles consistant à rembourser au consommateur un lot de même nature d’une marque concurrente, dans la limite du prix de la marque promue ? L.-C. S. : C’est scandaleux ! C’est un détournement de clientèle. Avec les nouvelles technologies, la publicité interactive, la promotion peut-elle devenir un outil de communication, de relation plus affective entre le consommateur et la marque ? L.-C. S. : Certainement, comme l’illustre le cas Pampers, qui suit les bébés de la naissance jusqu’à dix-huit mois, en proposant des coupons de réduction, des jouets ou des informations pour les mères. La promotion permet non seulement de développer la marque, mais aussi de traduire sa convivialité et sa proximité avec ses consommateurs. (1) 13 février 2007.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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