Bulletins de l'Ilec

Nouveaux instruments de promotion : un cadre juridique délicat - Numéro 379

01/03/2007

Les mécanismes de promotion de ventes se sont multipliés à la fin des années 1990 dans le secteur des produits de grande consommation, afin de relancer les achats dans un marché plutôt en régression. Non sans complications sous l’aspect du droit applicable.

Sous la contrainte de la loi Galland interdisant aux distributeurs de revendre aux consommateurs les produits en dessous de leur prix net facturé, des instruments complexes sont apparus : des instruments promotionnels, ou NIP.

Comme les distributeurs ne pouvaient pas offrir aux consommateurs des réduction de prix inférieures au seuil de revente à perte, pénalement sanctionné, ils ont eu l’idée de recourir au contrat de mandat, une technique juridique éprouvée, définie à l’article 1984 du Code civil en ces termes : « un acte par lequel une personne [le mandant] donne à une autre [le mandataire] le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ».

Avec cet instrument, le distributeur peut offrir aux consommateurs des réductions de prix immédiates ou différées, mais par procuration, puisqu’il agit au nom et pour le compte du fournisseur. Le distributeur, en remettant l’avantage aux consommateurs, ne fait qu’une simple facilité de trésorerie pour le compte du fournisseur, qui lui remboursera les sommes avancées après reddition des comptes, quand le distributeur lui présentera les justificatifs des ventes de produits porteurs de l’offre promotionnelle.

Ce mécanisme contractuel présente l’intérêt d’être assez simple à mettre en place et surtout d’offrir une sécurité juridique au distributeur, au regard de l’incrimination de revente à perte, puisque les avantages offerts aux consommateurs par le fournisseur, par l’intermédiaire du distributeur, n’affectent pas le prix de revente. La formule a très vite rencontré un vif succès. Elle a été utilisée par l’ensemble des enseignes du grand commerce, associée, la plupart du temps, à une carte de fidélité.

Les avantages proposés aux consommateurs se sont alors multipliés, sous forme de réductions de prix, immédiates ou différées, à valoir sur un ou plusieurs produits du fournisseur, mais aussi de bons d’achat à valoir sur n’importe quel article des magasins de l’enseigne concernée. Dès lors, il ne s’agit plus seulement de dynamiser les ventes d’un produit, mais aussi de fidéliser les consommateurs à l’enseigne.

Outre la question de l’intérêt, pour le fournisseur, de financer un avantage qui ne porte pas sur ses références mais sur des articles de tiers, voir de concurrents, se pose le problème délicat de la faculté qu’a le fournisseur de déduire de l’assiette de TVA la valeur nominale des bons de réduction, compte tenu, souvent, de l’absence d’imputabilité du montant des avantages sur ses produits.

Conçus initialement comme moyen d’alléger les contraintes de la loi Galland, les NIP font désormais partie intégrante de la négociation commerciale entre industriels et distributeurs. Les évolutions législatives récentes, comme la loi Dutreil du 2 août 2005, qui a pourtant permis d’abaisser le seuil de revente à perte, n’ont pas diminué l’attrait des NIP.

La circulaire Dutreil du 8 décembre 2005 a marqué l’entrée des NIP dans le concert des instruments mercatiques pris en compte spécifiquement par l’administration de contrôle. Selon le paragraphe 4.1.3 de la circulaire, les NIP peuvent faire l’objet de deux types de contrat : « soit d’un contrat de mandat par lequel le fournisseur consent au consommateur un avantage financier dont le distributeur fait l’avance à l’occasion du passage en caisse, soit d’un contrat de coopération commerciale ». Si les NIP donnent lieu à la conclusion d’un contrat de coopération commerciale, en raison d’actions à caractère publipromotionnel, telles que des annonces dans des catalogues ou sur des prospectus, les montants versés au titre de ces services de coopération sont pris en compte au titre des avantages financiers entrant dans le calcul du seuil de revente à perte.

En revanche, lorsqu’il s’agit d’avantages financiers qui sont octroyés dans le cadre d’un contrat de mandat, vecteurs d’une relation directe entre le fournisseur et le consommateur, d’après la circulaire, ils « ne relèvent ni des relations nouées en application de l’article L 441-6 du Code de commerce [visant les conditions générales et particulières de vente], ni de la coopération commerciale, ni des services distincts ». Ils ne sont pas pris en compte dans le calcul du seuil de revente à perte, défini par la loi du 2 août 2005. Ces différences de cadre juridique ont conduit les distributeurs à recourir de plus en plus fréquemment au contrat de mandat. L’exercice 2007 semble en apporter confirmation. Quelle que soit la nature de l’avantage offert aux consommateurs (immédiat ou différé), le contrat de mandat se développe, pour les promotions en NIP, au détriment du contrat de coopération commerciale, dont le formalisme a été renforcé et est pénalement sanctionné depuis la loi Dutreil. Ici encore, l’inflation guette.

Quoi qu’il en soit, les NIP ont devant eux un avenir prometteur. L’absence d’harmonisation, au niveau communautaire, du régime juridique des opérations promotionnelles, depuis l’abandon par la Commission de Bruxelles, en septembre 2005, de la proposition de règlement sur les promotions de 20011, ne fait qu’accentuer cette autre exception française, tout droit sortie du Code Napoléon.

(1) Sur la teneur de ce projet de règlement, voir Bulletin de l’Ilec n°334, avril 2002.

Isabelle Jamnet

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à l'utiliser, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.