Bulletins de l'Ilec

Un rapport mort-né ? - Numéro 400

01/05/2009

Entretien avec François Patriat, sénateur de la Côte-d’Or, membre de la commission des Affaires économiques

L’entrée du droit commercial dans le droit de l’urbanisme vous paraît-elle une étape importante dans la réforme de l’urbanisme commercial ? François Patriat : Soulignons d’abord que le rapport Charié n’est consultable que sur le blog de Jean-Paul Charié, son auteur, il n’a été envoyé à aucun parlementaire ! Il n’est donc pas encore officiel. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que le droit commercial entre dans le droit de l’urbanisme, car déjà des outils existent, comme les schémas d’aménagement commerciaux. Que pensez-vous de la proposition de loi et de ses onze articles ? F. P. : Le rapport de Jean-Paul Charié propose de bonnes idées, comme celles de mettre de l’ordre et de la régulation là où la jungle prévaut, de reconquérir le centre-ville, mais je ne suis pas convaincu que les propositions de son texte de loi répondent réellement à cette demande d’ordre. Au nombre des bonnes propositions du rapport, citons les loyers modérés, les zones qui respectent le Grenelle de l’environnement… mais je ne les retrouve pas dans la proposition de loi. De toute façon, ce projet est mal enclenché pour plusieurs raisons. Premièrement, l’agenda parlementaire est déjà quelque peu encombré avec les Grenelle 1 et 2, l’ouverture des commerces le dimanche. En second lieu, le rapport Charié n’a toujours pas été matérialisé. Son débat au Parlement en juin-juillet me paraît donc compromis. L’abandon du critère des mètres carrés au profit de « quatre niveaux d’envergure » vous paraît-il pertinent ? F. P. : Certes, les projets n’ont pas tous la même importance, et l’idée d’avoir des niveaux locaux, départementaux ou régionaux est bonne. Mais ces quatre niveaux devraient intégrer d’autres critères, qui n’y figurent pas, comme ceux liés au développement durable, à la présence d’associations de consommateurs, d’associations environnementales. Au-delà des quatre niveaux définis par Jean-Paul Charié, il faut une classification plus fine, qui intègre des critères plus pertinents. Les Cduc, Dac, Scot et PLU vont-il donner plus de cohérence à l’aménagement du territoire ? F. P. : Oui, à condition de faire dialoguer tous ces documents. Ils doivent se parler. Donner les pleins pouvoirs au maire dans la délivrance des permis de construire, n’est-ce pas risqué en termes de corruption ? F. P. : Si, bien sûr. C’est placer les élus, sans autorité indépendante de contrôle, aux mains des grandes enseignes. Il y a un risque évident de retour en arrière, avec les dangers que l’on connaît. Le rapport semble muet sur les questions de concurrence entre les grands groupes… F. P. : Tout à fait normal, puisqu’il applique à la lettre les consignes de Bruxelles et la réglementation européenne en matière de droit de la concurrence, qui interdit de réguler le commerce. Que souhaiteriez-vous modifier dans cette proposition de loi ? F. P. : Le projet Charié est un projet départemental, quand il devrait être communal, intercommunal ou régional. Le département n’est pas une limite pertinente. Il faut mettre les schémas d’aménagement dans les Scot. C’est ce que l’on propose dans le Grenelle. Je ne vois donc pas de vie possible à cette proposition de loi, compte tenu des éléments déjà inclus dans d’autres textes sur lesquels nous travaillons actuellement. Ce rapport part d’une vraie expérience, il propose des pistes intéressantes, mais il reste à côté des vrais enjeux, et sans effet réel en raison de ses critères.

Propos recueillis par J. W.-A.

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