Bulletins de l'Ilec

Contre la cacophonie - Numéro 400

01/05/2009

Entretien avec Olivier Saguez, président fondateur de Saguez & Partners

Quelles sont selon vous les urgences en matière d’urbanisme commercial ? Olivier Saguez : J’ai du mal à comprendre le rapport Charié, même si certains points semblent pertinents. J’observe en tant qu’architecte la nécessité de remettre un peu d’ordre : bon nombre d’entrées de ville sont dans un état lamentable et des centres-villes sont vides, sans commerce de proximité alimentaire et proposant trop de commerces de mode. Les règlements et les coûts empêchent de livrer des fruits et légumes en centre-ville. Il faut à la fois mettre en ville les commodités de la vie quotidienne et arrêter la pollution visuelle en périphérie, les bandes annonces sur des kilomètres, comme entre Carpentras et Avignon, l’endroit le plus laid de France, huit kilomètres d’horreurs ! Les architectes des bâtiments de France feraient bien de s’en occuper. La loi peut-elle changer ? O. S. : Plus qu’une énième loi, c’est d’abord un problème de compétence et de rééquilibre. Bien souvent le maire n’a pas la compétence requise, entouré de gens également incompétents. L’enjeu du commerce est malheureusement envisagé par morceaux et non globalement. L’homme politique a d’abord comme ambition de se faire réélire et non de faire le bonheur des gens. Le concept Chez Jean que vous avez conçu s’inscrit dans une démarche de commerce de proximité. En quoi consiste-t-il ? O. S. : Ce concept créé par Casino et Relay permet aux habitants des villes d’avoir un lieu commercial de proximité, un endroit où ils peuvent aller plusieurs fois par jour. Ils ont, entre leur habitation et leur bureau, un lieu de ravitaillement en vol et de petits plaisirs du quotidien, grâce à l’amplitude horaire et à l’offre alimentaire et non alimentaire, de services (presse, retrait d’espèces). Ce lieu de vie réunit l’épicier, le cafetier, le libraire... On l’appelle Chez Jean, par référence à un endroit où on vient chez quelqu’un et qui répond aux petits rituels du quotidien, prendre un café, acheter un journal, brancher un mobile. Casino apporte son savoir-faire dans le commerce de proximité, et Relay le sien dans la logistique. Deux magasins sont ouverts a Paris, rue de Charenton et rue de la République. Que pensez-vous de la prise en compte de critères environnementaux, écologiques et architecturaux dans les décisions d’implantation ? O. S. : Tous nos projets intègrent déjà depuis très longtemps une démarche environnementale. Dans ce domaine, il ne faut pas prétendre tout connaître, mais s’améliorer de jour en jour. On vient de concevoir un hôtel pour Yves Rocher, premier hôtel de France entièrement conçu dans la démarche d’environnement durable. Il y en a deux en Allemagne et un en Suisse. Nous venons de refaire les cinq cents enseignes du réseau Eram : aucune n’est lumineuse, dans la rue, car les lampadaires publics éclairent déjà suffisamment. Même démarche pour les mille cinq cents magasins Yves Rocher. Comment, avec le commerce, « mieux vivre ensemble », selon le souhait de Jean-Paul Charié ? O. S. : Le commerce est bien autre chose que du… simple commerce, puisqu’il crée du lien, de la relation, de la sociabilité, de la culture. Voyez les problèmes rencontrés dans les petites villes qui se vident de leurs commerces, boulangerie, épicerie. Dans nos villes, il y a trop de commerces de mode et de beauté et pas assez de commerces d’artisanat, un boulanger, un charcutier, un menuisier. Le commerce a été trop financiarisé.

Propos recueillis par J.W.-A

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