Bulletins de l'Ilec

Emballé c’est gardé - Numéro 440

01/12/2013

Moins d’emballages, moindres tonnages gaspillés ? Pas si simple. Car l’emballage protège le produit, prolonge sa durée d’emploi, et peut même être de bon conseil. Entretien avec Bruno Siri, délégué général du Conseil national de l’emballage (CNE)

Dans sa publication La Prévention du gaspillage et des pertes des produits de grande consommation : le rôle clé de l’emballage (2011)1, le CNE rappelait le « rôle clé de l’emballage » pour « protéger et conserver ». La mobilisation contre le gaspillage alimentaire illustrée par le « Pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire »2 porte-t-elle à reconsidérer les objectifs de réduction des emballages ?

Bruno Siri : Les consommateurs achètent des produits emballés et non des emballages. La prévention par réduction à la source des emballages doit être considérée en prenant en compte le système complet de l’emballage et la valeur d’usage pour le consommateur. La directive européenne sur les emballages précise que la réduction à la source doit se faire tout en préservant l’hygiène, la sécurité et l’acceptabilité par le consommateur, donc un emballage développé au juste besoin, en respectant la vie du produit et la sécurité du consommateur. Quelques grammes d’emballage vont permettre d’allonger la durée de vie des produits alimentaires. L’emballage devient alors un des leviers de lutte contre le gaspillage et les pertes alimentaires.

Réduire le volume avec des petits formats, des produits vendus à l’unité pour « vendre au plus juste » n’a-t-il pas pour effet d’augmenter le volume global de l’emballage ? N’est-ce pas le contraire que l’on demande aux fabricants au titre de la réduction à la source ?

B. S. : Le développement de petits formats de produits répond à une demande sociale et économique : le produit doit pouvoir être accessible (signal prix) au plus grand nombre et doit pouvoir s’adapter aux nouveaux modes de consommation (consommation hors domicile…). Le développement des emballages associés doit respecter les mêmes règles qu’évoquées plus haut.

L’écoconception des emballages inclut-elle leur adaptation à une consommation de l’intégralité de leur contenu (taux de restitution) ? Ou vise-t-elle surtout leurs poids, les combinaisons de matériaux… ?

B. S. : Selon l’Ademe, l’écoconception est une démarche d’entreprise visant l’amélioration de la qualité écologique d’un produit, c’est-à-dire la réduction de ses impacts négatifs sur l’environnement, tout au long de son cycle de vie (extraction de matières premières, production, distribution, utilisation et fin de vie), tout en conservant sa qualité d’usage (même performance ou efficacité). Le CNE a rédigé un guide, afin de faciliter l’écoconception des emballages de produits de consommation par les entreprises, quelles qu’elles soient, et de diminuer leur impact sur l’environnement. Cette publication est téléchargeable gratuitement sur notre site internet3.

Il existe six points clés sur lesquels les acteurs peuvent travailler en écoconception : – intégrer, dès le début, l’ensemble des acteurs internes et externes de l’entreprise concernés par le développement d’un produit ; – intégrer l’usage par le consommateur, où l’importance de l’indicateur « taux de restitution » est rappelée, en termes d’économies pour le consommateur, mais aussi en termes de réduction globale de l’impact du produit perdu quand le consommateur n’arrive pas à l’extraire de l’emballage ; – raisonner sur le système complet de l’emballage, afin d’éviter tout transfert d’impact ; – optimiser le poids ou le volume d’emballage pour une valeur d’usage définitive du produit ; – optimiser l’utilisation des ressources naturelles lors de la production des emballages ; – prendre en compte la fin de vie des emballages.

Quelles actions en liaison avec l’emballage (primaire ou autre) vous paraissent les plus à même de favoriser la réduction du gaspillage alimentaire ?

B. S. : Chaque acteur de la chaîne de valeur du produit emballé a une responsabilité et un rôle à jouer. Il existe de nombreux exemples où l’emballage peut prévenir le gaspillage selon les trois actions mieux concevoir (par le metteur en marché), mieux distribuer (par les acteurs de la distribution) et mieux consommer (par l’utilisateur, le consommateur). Nous avons construit une liste (non exhaustive) de bonnes pratiques sur le sujet. Elles sont recensées dans notre publication Prévention du gaspillage et des pertes des produits de grande consommation : le rôle clé de l’emballage. En voici un extrait :

« Lors de la conception d’un produit emballé, les entreprises intègrent cette problématique du gaspillage et des pertes à travers différents aspects comme :

  • -– Adéquation entre le volume du contenu et le besoin du consommateur (grands conditionnements ou formats individuels).
  • -– Consommation différée (emballages refermables ou portionnables).
  • -– Taux de restitution (les consommateurs sont en droit de demander de pouvoir accéder à 100 % du produit lors du vidage des emballages).
  • – Juste dosage : l’emballage peut permettre de guider le consommateur ; il peut l’aider à utiliser la juste dose lorsqu’il fait usage du produit. Exemples : conception des pompes doseuses de manière à délivrer le juste besoin de produit ; mesure de la juste dose via l’emballage (astuces de découpe dans le carton pour doser les pâtes, flacon de lessive liquide, étui à graduation...). (…)
  • -– Le choix du conditionnement de livraison (contenant les unités de vente consommateur) devrait être ajustable aux ventes du magasin (notamment pour les produits à DLC courte). Ce choix devrait être le plus large possible afin de permettre de commander des quantités adaptées aux contraintes de rotation des produits. Cette possibilité de choix est à étudier à un coût économique raisonnable pour toutes les parties prenantes et en évaluant la faisabilité technique du conditionneur.
  • -– Lots virtuels : dans le même esprit, la notion de lots virtuels (exemple : assortiment de 12 yaourts en achetant trois packs de 4 yaourts versus 12 yaourts sous cartonette aux parfums imposés) peut sans doute limiter le gaspillage, par une proposition de choix plus individualisé lors de l’acte d’achat.
  • -– Promotion décalée dans le temps : cette évolution de promotion se rencontre au Royaume-Uni depuis l’interdiction en 2008 de la pratique promotionnelle “deux produits pour le prix d’un”. Même si l’emballage n’a pas de rôle particulier dans la prévention des pertes, ce principe de promotion avec produit gratuit différé (« Bogof Later ») permet un ajustement de l’acte d’achat au besoin d’usage du produit. (…) Accompagné par les industriels et les distributeurs, le consommateur a aussi son rôle à jouer dans la prévention des pertes et du gaspillage, notamment sur les sujets suivants :
  • -– La planification des actes d’achats (il n’est pas évident que les consommateurs sachent mettre en perspective la volumétrie de leurs achats, leur « besoin » de consommation et le lien avec les durées de vie des produits). -
  • – Les QR Code, codes GS1, smart codes (l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication permet l’accès à l’information en temps réel qui peut être déportée sur un site internet ou une plateforme d’échange, dès lors que l’on imprime sur les emballages ces codes lisibles par des smartphones et leurs applications associées).
  • -– DLC et DLUO (le CNE rappelle que l’emballage est aussi un support d’informations). -– La gestion du réfrigérateur (il faut rappeler les règles de base de gestion du contenu d’un réfrigérateur et a minima respecter la pratique premier produit entré, premier produit sorti ; l’emballage peut aussi jouer un rôle informatif en proposant au consommateur de placer les produits les plus anciens sur le devant du réfrigérateur).
  • -– La consommation différée (possibilité des emballages refermables ou transfert du contenu du produit dans des boîtes hermétiques réutilisables).
  • -– L’accommodation des restes et la conservation (même exercice d’information où, par l’emballage, l’industriel peut communiquer sur la manière d’accommoder les restes et les bonnes conditions de conservation).
  • -– La congélation (sous réserve de possibilités réglementaires, sanitaires et organoleptiques, il est possible de congeler des denrées périssables en vue de différer leur consommation ; l’emballage peut informer sur cette pratique et les précautions à prendre). »

Vaut-il mieux emballer les fruits et légumes frais (Monoprix), pour limiter le gaspillage dû à leur altération ? Ou cela risquerait-il de ne pas compenser l’inconvénient d’emballages supplémentaires (avec des mises au rebut de lots entiers pour un seul fruit abîmé…) ?

B. S. : Seule une étude d’analyse de cycle de vie multicritère et complète du couple produit-emballage pourrait permettre une réponse étayée.

Quelle est la probabilité qu’une information antigaspi sur l’emballage soit lue ?

B. S. : L’emballage est un vecteur d’informations, qu’elles soient d’ordre réglementaire (la durée de vie du produit, la liste des ingrédients, l’origine, etc.) ou volontaire (le mode de préparation...). Trop d’informations tue l’information, dit-on. C’est aussi vrai pour les informations portées sur l’emballage. Aujourd’hui, peu de consommateurs prennent le temps de les lire. Une telle information antigaspillage, si judicieuse, pourrait aussi être déportée sur un site internet, par exemple.

1. Téléchargeable à l’adresse http://www.conseil-emballage.org/Img/Publications/74_1.pdf.
2. http://alimentation.gouv.fr/gaspillage-alimentaire-campagne.
3. http://www.conseil-emballage.org/Publications.aspx.

Propos reccueillis par F.E.

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