Entretiens

Coca-Cola, stratégie circulaire

18/02/2020

Le groupe a engagé depuis des années une stratégie globale pour des emballages à moindre impact environnemental et une chaîne d’approvisionnement économe en eau et en carbone. Entretien avec Arnaud Rolland, directeur associé RSE de Coca-Cola European-Partners

Engagé depuis dix ans dans l’économie circulaire, où en est Coca-Cola sur le triple plan de la réduction du carbone, du plastique et de l’eau ? 

Arnaud Rolland : En France, nous avons réduit de 26 % nos émissions carbone depuis 2010, de 20 % notre utilisation de plastique dans l’ensemble de notre chaîne d’emballage, et depuis quinze ans de 20 % notre consommation d’eau.

La loi économie circulaire vous paraît-elle de nature à conduire à des transformations radicales auxquelles le groupe n’avait pas songé ?

A. R. : Nous avions anticipé dès 2017 les changements nécessaires pour répondre aux défis du monde d’aujourd’hui avec notre stratégie « En action », qui est une feuille de route européenne avec des objectifs précis pour 2025, notamment sur les emballages, le climat et l’eau. Cette nouvelle loi ne change pas notre stratégie, elle va nous conduire à accélérer nos efforts entamés depuis plus de dix ans.

Sur quelles marques la transformation est-elle la plus facile à entreprendre ?

A. R. : Notre stratégie concerne toutes nos marques et tous nos produits. L’ensemble de nos activités est concerné, avec des emballages à moindre impact environnemental, et une chaîne logistique économe en eau et en carbone.

Changer la couleur de la bouteille Sprite pour des raisons de recyclage, c’est changer un de ses signes identitaires, un de ses codes. Avez-vous observé un effet sur les ventes ?

A. R. : Non, pas à ce stade. Ce changement était nécessaire pour garantir que toutes nos bouteilles en plastique PET pourront devenir de nouvelles bouteilles par les procédés de recyclage actuels, dans lesquels nous avons investis en 2012 avec notre coentreprise Infineo. Il faut accompagner ce changement par l’information en point de vente. C’est pour nous un enjeu de faire comprendre aux consommateurs pourquoi le changement est utile.

Se double-t-il d’un enjeu économique (diminution des coûts grâce à la réduction des matériaux  utilisés, mais augmentation quand il y a changement, par exemple du plastique au carton pour les lots de canettes) ?

A. R. : Tout changement sur les produits suppose des investissements : investissements industriels dans de nouvelles machines, investissements en formation pour les équipes, investissements dans de nouvelles filières de matériaux. C’est pour cela qu’il est important d’avoir un cap.

Intégrer plus de plastique recyclé

Pourquoi avoir investi en 2012 dans la filière industrielle du recyclage PET (usine de Sainte-Marie-la-Blanche en Bourgogne, avec Infinéo et le fabricant d’emballages Plastipak) ?

A. R. : Les emballages représentent plus de la moitié de l’empreinte carbone de nos produits si l’on considère l’ensemble de leur cycle de vie. Intégrer plus de plastique recyclé est un des leviers pour agir, le plastique rPET ayant une empreinte carbone de 70 % inférieure à celle du plastique vierge. Utiliser plus de plastique recyclé, c’est un triple bénéfice : moins de ressources naturelles utilisées, moins de carbone, et bien sûr moins de pollution plastique.

Comment expliquer que malgré les efforts des industriels, associés à ceux de Citeo (campagne « Vous triez, nous recyclons ») et des collectivités locales, 98 % des Français ont un bac jaune à leur disposition, mais que le taux de bouteilles plastiques collectées (58 %) stagne depuis des années ?

A. R. : Il y a une dichotomie entre la performance de collecte dans les grandes villes, qui est faible, et celle des territoires plus ruraux, beaucoup plus élevée. Notre conviction est que seul un système de consigne pour recyclage harmonisé au niveau national peut permettre d’atteindre un taux de collecte de 90 % des bouteilles plastique et des canettes, performance atteinte par d’autres pays européens qui ont mis en place ce système.

La campagne multimarque Citeo « Vous triez, nous recyclons » a suscité beaucoup d’échos positifs des consommateurs. Pour la première fois de grandes marques d’un même secteur se sont associées pour défendre un même objectif. Il faut poursuivre dans ce sens, agir collectivement pour des enjeux communs.

Pourquoi la consigne qui fonctionne en Allemagne, en Norvège, en Suède, n’est-elle pas adoptée en France, où elle a existé ?

A. R. : La mise en place d’un système de consigne est du ressort des pouvoirs publics.

“Pacte national sur les emballages plastiques”

Sur quoi portent les attentes de vos clients distributeurs ? Les magasins peuvent-ils devenir les lieus partagés avec les industriels d’une communication auprès des consommateurs sur le tri (comme le fait la machine « Lemon Tri » chez Franprix) ?

A. R. : Nous sommes signataires avec les grands distributeurs du « Pacte national sur les emballages plastiques ». C’est l’opportunité de dialoguer sur les solutions pour réduire le plastique, mieux le collecter, davantage le réutiliser et explorer des alternatives. Davantage communiquer en point de vente sur nos avancées est aussi un enjeu pour les prochains mois.

Verra-t-on un jour dans les grandes enseignes vos boissons vendues en vrac, dans des fontaines, comme le fut Coca-Cola dans la pharmacie de son créateur le Dr Pemberton ?

A. R. : Nous utilisons déjà des systèmes de fontaines avec nos clients de la restauration rapide. Nous explorons d’autres modèles avec la grande distribution, comme le projet Loop.

Coca-Cola en est depuis 2019 un des industriels partenaires. Quels enseignements pouvez-vous déjà en tirer ?

A. R. : Nous ne sommes pas ses seuls partenaires, plus de vingt grandes marques le sont et nous espérons que beaucoup d’autres le rejoindront. Il est encore trop tôt pour se faire une idée du potentiel de ce modèle. La phase de test concernant un petit nombre de consommateurs, nous attendons avec impatience sa mise en place à plus grande échelle sur le site d’e-commerce de Carrefour ce printemps.

La loi économie circulaire oblige la restauration rapide à n’utiliser que des emballages réutilisables. Coca-Cola l’accompagne-t-il pour assurer la transition ?

A. R. : Nous accompagnons tous nos clients dans les transformations à venir.

Quelles actions soutenez-vous contre la pollution plastique (dans la mer, les rivières, particulièrement) ?

A. R. : Nous travaillons avec des ONG partout dans le monde sur ce sujet. En France, nous sommes partenaires de la Fondation de la mer avec la plateforme digitale #UnGestepourlaMer pour lutter contre la pollution plastique (www.ungestepourlamer.org). Nous sommes également partenaires de Mountain Riders avec des panneaux de sensibilisation aux déchets sauvages dans les dix plus grandes stations des Alpes.

Votre entreprise serait-elle pour la première fois conduite à s’interroger sur son modèle ? À définir ou redéfinir sa raison d’être ?

A. R. : Coca-Cola est une des plus anciennes marques du monde et a toujours su s’adapter à un environnement en constante évolution ; les défis sont nombreux et nous sommes décidés à les relever.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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