Entretiens

Marie, une cuisinière d’ici

06/08/2020

Les plats tout faits s’attirent les idées toutes faites. Ce n’est pas d’hier que Marie s’emploie à rehausser les premiers et à faire mentir les secondes. Qu’il s’agisse de plats élaborés surgelés ou de préparations culinaires, de recettes ou de mode de production. Entretien avec Alexandre Pillaud, directeur marketing de Marie SAS

Comment les marchés du surgelé et du frais se sont-ils comportés durant la crise ?

Alexandre Pillaud : L’ensemble des plats élaborés surgelés, tirés par les plats cuisinés notamment familiaux, ont connu pendant la période de confinement une progression de 7 % en valeur sur un an. Marie qui a enregistré une croissance de 16 % , devant les MDD (+ 12 % ). Au rayon traiteur frais en libre service, le snacking froid a en revanche été lourdement affecté. Les plats cuisinés ont mieux résisté. Les pâtes fraîches et les incomplets végétaux ont bénéficié de la situation, en tant que produits à cuisiner.

Comment le groupe a-t-il sécurisé l’activité des salariés présents sur les lignes de production ?

A. P. : La santé et la sécurité de nos salariés et de nos consommateurs est la priorité de Marie, intangible et non discutable. Ce sont d’abord les mesures prises avant l’apparition du Coronavirus qui ont protégé la très grande majorité de nos salariés pendant la crise, et ont permis un faible niveau d’absentéisme. Pendant la crise elle-même, des mesures spécifiques et supplémentaires ont été prises. Le télétravail a été appliqué au siège de Marie, à Rungis, pendant tout le confinement. Seuls quelques salariés représentant les fonctions vitales de l’entreprise sont restés au siège. Le retour des équipes s’est fait de manière progressive et partielle, dans le strict respect des consignes des autorités de santé. Avec un planning au jour le jour assurant la rotation afin de limiter à 50 % le nombre de salariés présents en même temps dans les bureaux, la mise à disposition de tous les équipements nécessaires (gels, lingettes désinfectantes, plexiglas…), l’adaptation des bureaux afin que soient respectées sans exception la distanciation physique.

Par quelles exigences concrètes se décline votre slogan « l’exigence de la bonne cuisine » ?

A. P. : La bonne performance de Marie s’est jouée bien avant la crise. Depuis des années, Marie l’a construite avec un modèle de croissance robuste, marqué par la cohérence et la constance. Nos trente-cinq premières références sont systématiquement testées à l’aveugle contre notre premier concurrent. Si nous n’obtenons pas la supériorité, nous retravaillons la recette. Aujourd’hui 85 % de nos produits atteignent cette performance. Les clés en sont une sélection rigoureuse de des matières premières pour leur origine, leurs qualités organoleptiques et nutritionnelles, un savoir-faire éprouvé pour une mise en œuvre de ces ingrédients dans les règles de l’art telle qu’elle se pratique dans toute bonne cuisine, et une touche culinaire inventive et soucieuse de justesse.

Au cœur des tendances de la consommation

A. P. : La performance tient aussi à nos engagements de marque. Toutes les marques alimentaires (et au-delà) dont celles des distributeurs communiquent sur des engagements santé, nutrition, RSE. Dans ce brouhaha mélangeant allégations prouvées, mais parfois peu compréhensibles, et engagements séduisants, mais valides sur une partie des gammes seulement ou promis pour 2025, les consommateurs s’y perdent. Le parti-pris de Marie est de se concentrer sur quelques engagements qui comptent vraiment, pertinents pour le consommateur, et valables sur 100 % de nos recettes. Exemple : 100 % de nos viandes sont 100 % origine France. C’est non discutable, non négociable, non réversible. Autre exemple, 100 % des œufs de nos recettes sont pondus par des poules élevées en plein air. Avant la fin de l’année, 100 % de nos plats cuisinés seront sans conservateur. De même, 100 % de nos recettes sont sans arôme artificiel. Sur le sujet sensible de l’huile de palme, nous avons fait le choix de la bonne cuisine : 100 % de nos pâtes à tartes et de nos quiches et tartes au rayon frais sont 100 % pur beurre, donc 0 % huile de palme. Et pour un étiquetage nutritionnel simple et accessible à tous, 100 % de nos produits sont porteurs du Nutri-Score. Ces engagements ont un coût. Mais ils sont une condition indispensable à la création et au renforcement d’une relation de confiance avec les consommateurs.

Enfin, sans affaiblir les références qui font le cœur de son portefeuille et la pérennité de sa croissance, Marie travaille l’innovation au cœur des tendances de la consommation. Dans le bio, Marie est en tête des ventes moyennes hebdomadaires du segment. Dans le végétal, elle se partage les dix premières places avec Weight Watchers (licence Marie SAS). Et elle vise de nouveaux usages, avec le plat cuisiné « Pause déj », lancé en juin dernier, ou le renouveau de catégories en manque de croissance, comme avec « Fine Cuisine », une gamme de plats cuisinés individuels lancée en 2019.

Quels sont les circuits qui ont le plus soutenu la demande durant la crise sanitaire ?

A. P. : Alors que les hypermarchés ont souffert, le drive a connu des croissances à deux chiffres pendant toute la période.

Avez-vous dû limiter les gammes en nombre et en segmentation, ou à reporter le lancement des innovations ?

A. P. : Dans cette période inédite et déstabilisante pour beaucoup, les consommateurs se sont recentrés sur les produits qui avaient leur confiance et leur préférence avant la crise : l’heure n’était pas aux achats de plaisir ou aux envies de nouveautés. Nous avons fait le choix de reporter du 1er avril au 1er juin le lancement de nos innovations du premier semestre, comme « Marie Pause Déj » ou Weight Watchers « Simple par nature », entre autres.

Pics de demande et fournisseurs fragilisés

Avez-vous rencontré des problèmes de logistique pour approvisionner les grandes surfaces ?

A. P. : Grâce à la mobilisation exemplaire dont ont fait preuve les salariés de Marie, en usine d’abord – ils méritent un grand coup de chapeau – mais aussi au siège et sur les plateformes logistiques, nous avons garanti à nos clients des taux de service d’un bon voire d’un très bon niveau, pour toutes nos gammes, malgré les forts pics de demande, notamment en plats cuisinés surgelés et plus encore en pâtes à tarte pur beurre, dont les ventes ont plus que doublé pendant la crise.

Avez-vous dû intervenir de façon particulière pour préserver votre filière (approvisionnement local avec les fournisseurs, prestataires…) ?

A. P. : Concernant nos approvisionnements en matières premières, si la situation a parfois été très difficile avec plusieurs fournisseurs proches des limites de leurs capacités, nous avons toujours trouvé des solutions avec souplesse et réactivité, pour éviter les ruptures. Pour les plus petits de nos fournisseurs de produits et nos prestataires de services, nous avons été extrêmement attentionnés et réactifs sur les délais de paiement. C’était tout simplement un devoir.

Les acteurs de votre filière sont-ils tous en France ?

A. P. : Beaucoup le sont. Ainsi, 100 % de nos viandes sont d’origine France, 100 % des farines de nos pizzas et de nos tartes sont française, et 100 % de nos produits sont fabriqués en France depuis toujours. Mais tous les acteurs ne peuvent l’être, du fait de la diversité des ingrédients dont nous avons besoin pour élaborer tant de recettes.

Le made in France crée-t-il de la préférence de marque ?

A. P. : Ce qui crée la préférence de marque, c’est d’abord la qualité du produit, fondée sur la supériorité du goût, l’exemplarité des listes d’ingrédients et l’équilibre nutritionnel. En ce qu’il est une marque supplémentaire de l’engagement de la marque dans l’économie nationale ou locale, le made in France renforce bien sûr cette préférence.

Bipolarisation des marchés

Les consommateurs sont-ils davantage sensibles aux prix depuis le début de la crise sanitaire ? A-t-elle renforcé leurs attentes en termes d’authenticité des produits, de traçabilité des ingrédients, de goût, de moindre « industrialisation », de bio ?

A. P. :  Les deux questions vont de pair. Nous allons vers une bipolarisation sur beaucoup de nos marchés. D’un côté, au sortir de la crise sanitaire, dont les répercussions économiques vont perdurer, les décisions d’achat d’une partie des consommateurs vont être guidées par le prix et se diriger vers des offres économiques. De l’autre, une part importante et croissante de la population affirme une triple exigence de qualité : des offres nationales et locales, des offres responsables portées par des marques avec du sens. Comme en témoignent l’histoire de nos engagements de marque, la qualité de nos recettes et la performance de la marque, Marie n’a pas attendu le 17 mars 2020 pour porter cette exigence.

Où en est Marie sur le plan de son impact environnemental : de la décarbonation, recyclabilité des emballages ?

A. P. : La première façon de réduire un impact environnemental, c’est de produire au plus près des lieux d’achat et de consommation. Chez Marie, 100 % de nos recettes sont cuisinées en France, dans nos ateliers de Sablé-sur-Sarthe, Briec, Viriat, Mirebeau, Airvault, Chacé, Segré, etc. Nous travaillons à réduire l’impact de nos emballages sur l’environnement : moins de quantité et plus de recyclabilité. Depuis 2016, Marie a réduit de 30 % les emballages de ses tartes surgelées, une économie de 60 tonnes d’aluminium. Et d’ici à la fin de 2020, toutes nos barquettes de plats cuisinés seront 100 % recyclables.

Devoirs du produit transformé

Parmi les 149 propositions de la Convention citoyenne pour le climat figure l’idée de « taxer les produits ultra-transformés à forte empreinte carbone et faible apport nutritionnel » Vos plats préparés sont dans le viseur ?

A. P. : Nous agissons pour la santé de nos consommateurs au quotidien. Sur ce sujet, nous travaillons toujours sur deux axes. D’une part la transformation : beaucoup de nos plats cuisinés sont loin d’être ultra-transformés, et ceux qui entrent dans cette catégorie font l’objet de rénovations régulières pour progresser. D’autre part l’apport nutritionnel : plus un produit est transformé, plus il a le devoir de contribuer à la santé par de bons apports nutritionnels. Même si la pizza est un produit de plaisir, nos pâtes sont faites avec une farine naturellement riche en fibres qui contribue à l’amélioration des apports nutritionnels et élève 80 % de nos recettes de pizzas aux notes A et B du Nutri-Score.

Avez-vous contribué à soutenir les soignants ?

A. P. : Le groupe LDC et son pôle traiteur l’ont fait de multiples façons, notamment à travers des dons de produits. Certains de nos cuisiniers sont allés bénévolement cuisiner pour les personnels soignants. Mais nous préférons agir plutôt que communiquer sur ces initiatives. On n’instrumentalise pas la générosité. La simplicité figure parmi les valeurs du groupe, l’humilité et la discrétion en sont une expression, particulièrement dans de telles circonstances.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à l'utiliser, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.