Entretiens

Information des consommateurs

Les premiers pas d’Origin’Info

13/06/2025

Porté par Olivia Grégoire en mai 2024 lorsqu’elle était ministre délé­guée à la Consom­ma­tion, soutenu par nombre d’acteurs dont le collectif En Vérité, le logo Origin’Info s’installe dans le paysage. En attendant sa généralisation, le témoignage de quelques marques pionnières. Entretiens croisés avec Jean-Noël Darniche, directeur général de Bonduelle Traiteur France, Marie-Paule Pouliquen, directrice marketing de Laïta, Armelle Guizot, directrice et marketing et RSE de D’Aucy, et Audrey Luc, directrice communication et affaires publiques de Panzani.

En quoi le logo Origin’info vous semble-t-il pertinent pour votre offre ?

Jean-Noël Darniche : Origin’Info répond à la demande de transparence des consommateurs et du monde agricole sur l’origine de nos matières premières agricoles. Il nous a paru naturel de répondre à cette attente légitime. C’est dans le même état d’esprit que nous avions fait partie des premières entreprises engagées sur le Nutri-Score. Aujourd’hui, 80 % des légumes que Bonduelle vend en France y sont cultivés et transformés. Pour une large partie de ces produits, l’information sur l’origine française apparaissait déjà sur l’emballage. Avec Origin’Info nous allons plus loin, en généralisant ce partage d’information à l’origine de toutes nos matières premières agricoles.

Marie-Paule Pouliquen : Nous avons vraiment voulu faire partie de cette démarche dès qu’elle a été lancée par le ministère et faire partie des entreprises consultées dans la cocréation du cahier des charges. C’est dans notre ADN d’avoir le plus de transparence possible. L’origine de nos ingrédients est affichée depuis nombreuses années sur nos emballages. Au départ, on indiquait juste l’origine du lait en tant que coopérative laitière, puis on a élargi au maximum les informations sur l’origine. La démarche Origin’Info vient formaliser de façon plus collective cet ancien parti-pris. Aujourd’hui, 99 % de nos ingrédients sont d’origine France, en dehors du cacao et de la figue.

Armelle Guizot : D’Aucy est aussi une marque d’agriculteurs réunis en coopérative, qui a toujours eu la souveraineté alimentaire française dans ses priorités. Notre vocation est de valoriser au mieux la production agricole française. Donc nous n’avons jamais eu aucun souci avec la mention des origines, bien au contraire. Le label Origin’Info est une bonne chose, mais il faudra que tous les acteurs l’affichent. Nous pensons, avec le collectif En vérité, qu’il faut sortir du marketing de l’origine pour aller vers une information neutre permettant de rendre le choix des consommateurs pleinement conscient.

Audrey Luc : Les produits de la marque Panzani sont présents dans plus de huit foyers sur dix en France. Ce fort ancrage dans le quotidien des consommateurs nous confère une responsabilité. Pour offrir des produits de qualité, durables et accessibles, nous travaillons en étroite collaboration avec les filières agricoles françaises : notre blé est cent pour cent français pour toutes les pâtes Panzani fabriquées en France et nous avons doublé les volumes de tomates françaises qui entrent dans la composition de nos sauces. L’affichage Origin’Info permet à Panzani de poursuivre deux objectifs : renforcer la transparence pour les consommateurs et valoriser les filières agricoles françaises.

Plans de déploiement rapide

Sur quels produits de votre portefeuille le logo figure-t-il ? Tous seront-ils à terme concernés ?

J.-N. D. : Depuis mars, c’est l’ensemble de la gamme Bonduelle Traiteur (près de quatre-vingt-dix références) qui a mis cette information à disposition des consommateurs. Depuis avril, Origin’Info apparaît progressivement sur la gamme de surgelés Bonduelle. Le déploiement se poursuivra ensuite avec ambition : 50 % de nos références à la fin de l’année et cent pour cent des références de nos marques fin 2026, soit près de trois cents références.

M.-P .P. :  L’ensemble des produits Paysan Breton seront porteurs du logo. Il figurera côté face de l’emballage, avec un renvoi QR Code ; puisque nous marquons déjà en clair l’origine de nos ingrédients. que nous projetions de rendre accessible par QR Code compléteront les informations d’Origin’Info. Le label se déploie progressivement sur nos emballages depuis mars. Il figurera sur l’ensemble des fromages Fouettés Madame Loïk en juillet et il figure déjà sur les laits. La gamme de beurre Paysan Breton sera finalisée d’ici octobre. Pour nos gammes d’emmental et de crêpes, qui sont plus secondaires, nous n’avons pas encore commencé.

A. G. : Cent pour cent ? Oui, bien sûr ! On a de toute façon toujours inscrit l’origine même quand les produits ne sont pas d’origine France. Certains de nos légumes ne viennent pas de France pour des questions de culture du légume ou pour des offres spécifiques et minoritaires dans notre portefeuille, comme la gamme de haricots verts d’importation de Madagascar appelée « Sélection d’ailleurs ». Nous avons toujours œuvré pour faire que l’origine France soit la plus représentée, mais nous n’avons jamais rien caché. Tout le monde n’affiche pas l’origine de manière aussi claire dans le rayon, mais valorise souvent uniquement l’origine France, et le consommateur est alors parfois dans l’ignorance. Ce qu’Origin’Info doit apporter au marché, c’est la communication par le plus grand nombre d’industriels d’une manière neutre, sans jugement, sans marketing, pour permettre au consommateur un choix conscient. Sans cela, on ne peut pas demander aux Français de soutenir leur agriculture. Dès le mois d’octobre dernier, notre site internet informait qu’Origin’Info serait disponible pour cent pour cent de nos produits. L’affichage sur les produits commence, mais l’écoulement des emballages précédents prendra nécessairement un certain nombre de mois.

A. L. : Panzani s’engage à afficher progressivement Origin’Info sur l’ensemble des produits de la marque, pâtes et sauces, vendus en GMS en France. Les premiers paquets Panzani avec Origin’Info sont arrivés courant mai en rayons sur dix références emblématiques de pâtes. Le déploiement se fera ensuite au fil des réassorts d’emballages, afin de couvrir à terme l’intégralité des références.

Au plus près des sites de transformation

Actuellement, comment se répartit l’origine de l’ensemble de vos approvisionnements en matières premières et ingrédients ?

J.-N. D. : 80 % des légumes Bonduelle vendus en France y sont cultivés et récoltés auprès de nos mille cinq cents agriculteurs partenaires avant d’être préparés sur un de nos sites français. Pour les 20 % restants, nous avons sélectionné les meilleurs terroirs à l’étranger où cultiver nos légumes. Nous y avons soit implanté nos propres sites de fabrication, soit développé des partenariats étroits avec nos fournisseurs. Par exemple, une grande partie de nos légumes du soleil proviennent du Portugal, où Bonduelle a développé des filières de grande qualité qui bénéficient d’un climat exceptionnel, et où nous avons implanté un site de production.

M.-P .P. :  Depuis toujours, le lait des produits laitiers Paysan Breton est issu exclusivement de ses éleveurs laitiers, tous basés dans l’Ouest de la France, en toute logique avec notre projet coopératif qui est de valoriser les productions de nos agriculteurs. En 2011, nous avons souhaité aller au-delà, et nous sommes engagés à ne sourcer nos autres ingrédients qu’en France, sauf si et seulement si cette matière ne pousse pas en France. Aussi aujourd’hui seuls deux ingrédients (le chocolat et la figue) ne sont pas de France. Nous n’avons pas vocation à développer des recettes dont les ingrédients ne trouveraient pas leur origine sur notre territoire. Aujourd’hui 99 % de nos ventes ne comportent que de la matière première française.

A. L. : Voici l’origine de nos deux matières premières principales : blé dur, France, pour toutes nos pâtes fabriquées en France, et tomate, France, Espagne ou Italie. Les autres ingrédients primaires utilisés dans nos recettes de sauces viennent de France ou de pays de l’Union européenne, à l’exception du Royaume-Uni qui est hors UE.

Quels sont éventuellement vos freins à un approvisionnement stable pour l’origine ?

J.-N. D. : Nous travaillons des produits vivants, soumis à des aléas de récolte liés au climat ou à des maladies ou ravageurs qui peuvent affecter les rendements. Il nous est donc parfois nécessaire de compléter nos récoltes en France par des produits d’autres bassins de production. Dans le cas des légumineuses comme les haricots rouges, les lentilles ou les pois chiches, la production en France et dans l’Union européenne avait décliné depuis des décennies. Nous sommes en train de redévelopper des filières d’approvisionnement en France, en partenariat avec notre amont agricole. Même si nous sommes passés de zéro hectare en 2021 à plus de deux mille en 2025, dans les Hauts-de-France et dans le Sud-Ouest, nous ne sommes pas encore auto-suffisants... mais plus pour très longtemps !

A. G. : Nous sommes une coopérative d’agriculteurs, nous sommes donc attachés à un bassin de production, la Bretagne, mais nous nous approvisionnons aussi dans deux autres bassins de production auprès d’agriculteurs de coopératives partenaires. Pour les légumes, nous ne sommes donc pas concernés par le changement des origines. Pour des produits comme la tomate ou les légumes secs, nous limitons les possibilités d’origines.

A. L. : Un approvisionnement stable sur l’origine implique un engagement fort pour le soutien des filières agricoles, c’est ce que fait Panzani. Nous avons un engagement fort pour notre blé dur : utiliser un blé cent pour cent français pour nos pâtes fabriquées en France, ce qui fait de nous le premier transformateur de blé dur en France. Cet engagement est un vrai défi, puisque les surfaces cultivables consacrées au blé dur ont été divisées par deux en quinze ans. Nous nous sommes mobilisés au côtés de l’ensemble de la filière pour construire un plan de souveraineté blé dur, qui a été signé par le ministre Marc Fesneau au Salon de l’agriculture en 2024. Quant à la tomate d’industrie, la France est aujourd’hui fortement déficitaire : 140 000 tonnes produites par an pour un besoin national supérieur au million de tonnes. Panzani soutient le développement d’une filière qui nous a permis déjà d’intégrer 12 000 tonnes de tomates françaises.

Éviter l’infobésité

Il y a quelque temps le collectif “En Vérité” avait testé un regroupement d’Origin’Info, du Nutri-Score et du Planet Score dans une seule étiquette. Qu’est-ce que vous pensez de cette idée ?

A. G. : Ces informations sont complémentaires et l’une ne doit pas chasser l’autre. On veut que le consommateur puisse être informé, sans être noyé dans les informations de l’emballage. Nous sommes à l’écoute de ce projet d’étiquette intégrale testé par En Vérité. La bonne organisation sur l’emballage sera la clé d’un bon effet sur les ventes.  Le collectif En Vérité, porteur de vision et d’initiative en la matière, travaille sur quatre aspects d’une meilleure transparence : la nutrition, les origines, l’empreinte environnementale et la juste répartition de la valeur.

J.-N. D. : Les consommateurs ont des attentes d’information croissantes, mais ils ne cherchent pas tous la même information. Pour répondre à leurs attentes dans un format accessible et simple, la dématérialisation de l’information va s’imposer. La généralisation des QR-Codes va permettre de partager ces différentes informations plus facilement avec les téléphones portables.

M.-P. P. : Il a été question, quand la démarche Origin’Info a été lancée, de la rendre obligatoire. Mais il n’y a pas eu d’adhésion unanime dans l’univers des entreprises alimentaires. Donc cela reste sur le mode du volontariat. Par ailleurs, nos emballages ne peuvent pas devenir des sapins de Noël, nous aurons des problèmes liés à la taille des emballages. D’autant que la réglementation s’est durcie ces dernières années. On ne pourra pas avoir cinquante scores différents et un score moyen de tous ces critères, qui serait insensé.

A. L. : La transparence pour les consommateurs est essentielle, c’est pourquoi nous affichons déjà le Nutri-Score, et maintenant Origin’Info. Et nous nous tenons en veille par rapport au projet d’affichage environnemental harmonisé porté par l’Ademe. L’enjeu pour les marques, dans le cas d’un affichage global, sera d’avoir une exécution sur l’emballage qui reste claire et compréhensible pour tous les consommateurs.

Choix des recettes déterminant

Tenez-vous compte de cette problématique dans le développement de nouveaux produits ?

J.-N. D. : Nos nouveaux produits doivent bien sûr refléter nos engagements : un approvisionnement au plus proche auprès d’agriculteurs engagés vers des pratiques régénératrices plus vertueuses, et toujours avec des exigences de qualité élevée. Nous favorisons donc l’origine France pour nos produits vendus en France, et sinon indiquerons en toute transparence les approvisionnements qui proviennent d’autres pays.

M.-P. P. :  Nous avons travaillé en 2011 sur un livre blanc qui nous interdit d’adopter une origine autre que française si l’ingrédient recherché est produit en France. Notre vocation n’est pas d’aller chercher des types de recettes reposant systématiquement sur des ingrédients hors France. Nous donnerons toujours dans nos créations de recettes la priorité à des ingrédients français, avec toutefois une légère souplesse quand il y a un fort intérêt des consommateurs pour faire autrement, comme dans le cas du cacao.

A. G. : Nous en tenons compte dans nos briefs de développement. Nous avons parfois renoncé à des ingrédients parce que leur origine ne nous convenait pas. Quand nous ne pouvons pas, nous assumons l’origine en l’indiquant clairement. Notre mission, c’est de soutenir l’agriculture française.

A. L. : Nous accordons une importance majeure à l’origine de nos ingrédients, comme en témoignent les engagements forts que je citais sur les approvisionnements de nos deux matières premières principales.

Origine France, préférence bien ancrée

Avez-vous constaté un avantage concurrentiel au niveau des ventes grâce à ces démarches d’origine ?

M.-P. P. :  Nos gammes de produits ont de fortes positions sur leurs marchés. Nos beurres Paysan Breton et nos fromages fouettés Madame Loïk sont numéros deux en part de marché dans leurs catégories. Nous sommes numéro un du lait fermenté. Notre positionnement de marque fortement ancrée dans le territoire, la simplicité et la qualité des recettes sont une des composantes de ce succès. Nous mesurons en continue avec le baromètre Prométhée de Kantar les images associées à nos marques par les consommateurs. Paysan Breton et Madame Loïk sont très bien perçues par rapport à la moyenne des marques de leur catégorie selon la vingtaine de critères mesurés. Si on se focalise sur ceux qui sont en relation avec l’origine, nos scores d’appréciation sont particulièrement satisfaisants : Paysan Breton enregistre un indice 120 et Madame Loïk un indice 142 pour le critère « est une marque responsable ». Pour « Fabrique ses produits avec des ingrédients français », les indices sont de respectivement 131 et 142 pour Paysan Breton et Madame Loïk. La « confiance en la marque » et l’item « je recommanderai », sont également significativement au-dessus de la moyenne des marques de ces marchés.

A. G. : À produits équivalents, les consommateurs choisissent le produit français plutôt que le non-français. Le tout est de savoir ce qu’on achète, pour faire des choix conscients, sortir du marketing de l’origine.  Il pourrait y avoir un progrès plus important quand l’affichage du label se généralisera, comme cela a été le cas du Nutri-Score, désormais adopté et fort d’une très bonne notoriété. Si l’on veut que les consommateurs y soient sensibles, notamment pour la sauvegarde des filières, cette généralisation d’Origin’Info sera cruciale : pour que le label soit bien repéré et que son effet sur la souveraineté alimentaire soit positif.

Propos recueillis par Benoît Jullien avec Martin Hériard Dubreuil (Icaal)

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