Vie des marques

Herta, le goût des choses simples

05/02/2021

Marque de référence sur des marchés clés, Herta répond à une demande en évolution par des investissements importants qui portent sur l’augmentation des capacités de production et sur leur modernisation. Tout en veillant sur sa filière et sur son l’empreinte carbone. Entretien avec Arnaud de Belloy, directeur général d’Herta

Herta a annoncé le 26 novembre dernier des investissements à hauteur de 85 millions d’euros en deux ans sur ses sites français, dont une bonne part semble concerner des modernisations d’installations. Dans une industrie comme la vôtre, quelle est la durée de renouvellement souhaitable d’un parc de machines ou autres installations des sites de production ?

Arnaud de Belloy : Tout dépend des machines. Les cuiseurs de jambon, par exemple, machines très lourdes, doivent être changés tous les vingt ou trente ans ; celles de conditionnement doivent être plus rapidement renouvelées. À Saint-Pol-sur-Ternoise (Pas-de-Calais), notre navire amiral dans le Nord, nous avons changé en 2011 les cuiseurs de jambon. Nous ne sommes pas une industrie où il faut régulièrement renouveler le matériel. Les investissements annoncés en novembre dernier portent en premier lieu sur une augmentation de capacité, car la marque Herta progresse depuis déjà quelques années sur des produits phares comme le jambon Le Bon Paris, les saucisses Knacki et les lardons. Un nouvel atelier de 3 000 m2 est prévu pour les Knacki. D’autres investissement sont consacrés à la modernisation, car les produits sont de plus en plus compliqués à fabriquer : nous réduisons progressivement la teneur en sel depuis plus de vingt ans, ainsi que plus récemment le nitrite, conservateur traditionnel, et nous avons depuis 2017 une gamme Le Bon Paris sans nitrite, sans nitrate et sans allergène. Des niveaux d’hygiène plus élevés nous conduisent à adapter les bâtiments et les lignes. Nous modernisons également les locaux sociaux et l’ergonomie des postes de travail. Ce plan d’investissement sera prioritairement concentré sur les sites de production, avec 57 millions d’euros pour l’usine de Saint-Pol-sur-Ternoise, et 25 millions d’euros pour le site d’Illkirch-Graffenstaden (Bas-Rhin), qui fabrique les nouveaux produits.

Le pari de produits pour le fait maison

Robotisation et digitalisation auront quelle part dans les investissements annoncés ?

A. de B. : Elles sont bien sûr systématiquement intégrées dans les investissements, les machines étant dotées des dernières innovations en termes de digitalisation. En 2016-2017, nous avons déjà automatisé toutes les mises en cartons de fin de ligne. Cette année, une nouvelle génération arrive, encore plus automatisée, sur le site d’Illkirch-Graffenstaden. Nous utilisons ainsi des exosquelettes et nous investissons en informatique sur les plateformes pour simuler et optimiser les flux.

Les confinements de 2020 ont été favorables à certaines catégories de produits, dont la charcuterie en libre-service, alors que la tendance de plus long terme des marchés était auparavant plutôt préoccupante pour les fabricants de produits carnés, comment voyez-vous l’évolution de la consommation sur vos marchés ?

A. de B. : Nous sommes très optimistes pour cette année, tant en France qu’à l’international, car nous exportons en Angleterre, en Belgique et en Allemagne. Si la consommation à la maison est plus importante, du fait des périodes de confinement, elle l’est aussi, et c’est nouveau, hors confinement. Les lardons, pâtes à tartes et à pizza, produits liés à la cuisine chez soi, affichent les plus fortes croissances. Les gens ont réappris des gestes culinaires et nous sommes convaincus qu’il y a un regain pour le fait chez soi. Les distributeurs, surpris par des ruptures dans ces rayons, constatent qu’il y a un vrai potentiel sur ce marché de produits traditionnels, souvent considérés comme un peu anciens et qui reviennent à la mode.

Sur quelles gammes figure le Nutri-Score ? Quelle est la part des produits sans nitrites dans votre portefeuille de marques ?

A. de B. : Toute la gamme le bon Végétal et les jambons sel réduit ont déjà le Nutri-Score et le reste de la gamme l’adoptera en 2021, jusqu’à début de 2022. En 2020, la part des produits « conservation sans nitrite » a atteint un quart de nos ventes de charcuterie et ils sont en forte croissance.

Des engagements d’achat sur trois ans

Quelle est la part des porcs français bio dans la « filière préférence » ? Qu’est-ce qui est préféré, la qualité de l’approvisionnement ou son origine ?

A. de B. : La « filière Préférence », lancée il y a huit ans, concerne tous nos approvisionnements français, sauf le bio, qui, au vu de son prix en charcuterie, occupe une part très faible des ventes. La « filière Préférence » assure une traçabilité et un contrôle selon des critères d’alimentation des porcs, de bien-être animal et d’environnement. Ces critères s’enrichissent dans le temps. C’est une démarche d’amélioration continue.

La revalorisation du revenu agricole associée à la montée en gamme est un des piliers des ÉGA de 2017 et de la loi qui a suivi. Comment cela se traduit-il pour Herta et son « amont » ?

A. de B. : Nous avons réfléchi à la filière avant les ÉGA, car la filière du porc en France était confrontée à beaucoup de difficultés : être compétitive par rapport aux concurrents étrangers, bien suivre la réglementation qui évolue vite, s’adapter aux attentes des consommateurs qui elles aussi évoluent vite. Nos démarches portent sur le long terme, notre gamme Préférence a été lancée pour proposer des engagements d’achat sur trois ans, et nous proposons différents outils, dont le contrat swap lancé en 2015 et renouvelé depuis : face à l’instabilité des cours de la viande porcine et dans une filière fragilisée par des crises à répétition, nous garantissons aux éleveurs un prix pivot sur une partie de leur production quand l’autre est vendue au prix spot. Si le prix du marché du porc constaté au Marché du Porc breton est supérieur au prix fixe du contrat, ils remboursent la différence à Herta, s’il est inférieur, Herta compense.

Réduction de l’empreinte carbone du fret

Herta participe au programme de réduction des émissions du transport Fret 21. Quel bilan écologique en tirez-vous ?

A. de B. : La protection de l’environnement est au cœur de nos préoccupations, aussi en octobre 2017 nous avons confirmé notre engagement dans le programme Fret 21. Notre objectif était de réduire de 10 % nos émissions de CO2 sur trois ans. Pour cela, nous avons construit un plan d’action autour de plusieurs axes : l’optimisation de nos chargements avec la modification de la taille de nos cartons, l’augmentation de la hauteur de nos palettes et la suppression autant que possible des emballages intermédiaires ; l’optimisation de nos trajets par une revue de nos tournées de livraison, afin de grouper nos commandes et de réduire les distances parcourues ; l’utilisation de moyens de transport plus propres, avec un véhicule roulant au gaz naturel sur une boucle transport combinant un flux amont et les flux de distribution de nos clients du nord de la France ; travailler avec des partenaires de transport engagés dans la même démarche que nous encourageons à s’engager dans le label et la charte CO2. Notre bilan, validé par l’Ademe, atteste d’une réduction de 14 % de nos émissions, au-delà de notre objectif initial pour la période d’octobre 2016 à septembre 2019, soit une réduction de 770 t de CO2.

Et quel bilan financier : les efforts consentis pour la démarche Fret 21 sont-ils un coût, un coût négligeable, ou une économie, voire une source d’opportunités ?

A. de B. : Notre engagement dans Fret 21 a demandé une forte mobilisation des équipes et des modifications de toute notre chaîne logistique. Mais pas seulement. Pour la réussite de certaines actions, nous avons sollicité nos clients et collaboré avec nos transporteurs. Les optimisations trouvées constituent une source d’opportunités qui nous a permis de gagner en efficacité et en productivité. Nous avons dû également nous adapter. À titre d’exemple, la mise en place d’un véhicule roulant au gaz naturel a généré des contraintes d’exploitation supplémentaires auxquelles nous avons répondu en mettant une tournée fixe pour ce véhicule, en cohérence avec l’implantation des stations-service GNV.

Difficultés à recruter des techniciens

La RSE doit-elle selon vous s’installer au cœur des négociations commerciales ?

A. de B. : Dans une négociation, la partie financière intervient à la fin. L’industriel doit, par ses projets, apporter au distributeur de la croissance et de l’innovation qui renforce l’attrait des linéaires. Même si en France le mot partenaire est galvaudé, nous le revendiquons, et il joue beaucoup, grâce au positionnement de notre marque, bien compris et accepté par les distributeurs. La mission de la marque Herta (« Le goût des choses simples ») est de simplifier des choix quand les injonctions deviennent plus compliquées pour les consommateurs. Cette mission parle bien aux distributeurs, qui vont souvent dans le même sens. La RSE de Herta en vient ainsi à les intéresser davantage.

Y a-t-il des métiers où vos sites ont du mal à recruter ?

A. de B. : Oui, les spécialistes techniques (électromécaniciens) dans le cadre de la robotisation et de la digitalisation.

Avez-vous une école interne d’apprentissage ?

A. de B. : Non, mais en interne nous formons beaucoup, en accueillant de nombreux alternants ; nous avons aussi une école de la charcuterie. Nous avons de nombreux contacts avec les écoles des régions où sont installées nos usines.

La loi Pacte propose aux entreprises de définir leur raison d’être. Qu’en est-il pour Herta ?

A. de B. : Nous avons depuis longtemps une mission mais nous communiquons relativement peu. Notre mission est vitale, elle donne un sens à l’entreprise mais aussi aux salariés, et encore plus pour les nouvelles générations. Il y a chez Herta un attachement et une fidélité très élevés. Notre classement Kantar de « première marque achetée en France » nous donne une responsabilité et nous engage à l’excellence, pour clarifier et légitimer notre impact aussi bien à l’amont qu’à l’aval.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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