Vie des marques

Danone, écosystème en transition écologique

15/04/2022

Neutralité carbone, résilience des sols, recyclabilité… Tout se tient, entre l’économique, le social et l’environnemental, pour une entreprises de marques qui depuis longtemps entend agir pour le monde. Entretien avec François Eyraud, directeur général de Danone France.

Le groupe Danone, entreprise à mission dont trente-huit entités sont certifiées BCorp, a-t-il étendu ces dernières années le spectre de ses engagements environnementaux, où il fait figure de pionnier depuis cinquante ans [1] ?

François Eyraud : Dans la continuité du double projet économique et social de Danone, chacun dans le groupe s’engage au quotidien pour opérer la transformation de nos modèles de production et participer à la construction d’une filière alimentaire qui lutte contre le changement climatique et préserve la biodiversité.

Nous cherchons à élargir le spectre de nos engagements à un approvisionnement durable pour tous nos ingrédients, une meilleure circularité de nos emballages et une lutte renforcée contre le gaspillage alimentaire. La protection de la santé des sols, grâce à des pratiques d’agriculture régénératrice développées avec nos partenaires, est également l’un des principaux postes d’investissement.

À ce titre, l’obtention de la certification BCorp nous honore autant qu’elle nous oblige à persévérer dans une démarche d’amélioration constante. À mes yeux, il s’agit du seul label mondial qui fédère un mouvement d’entreprises engagées autour d’une vision commune : celle d’être meilleures pour le monde. Il est temps de participer à une dynamique de réconciliation collective au sein de coalitions œuvrant pour les mêmes causes, pour changer la donne. Je sais que nous pouvons catalyser les énergies, nourrir et accélérer cette dynamique de mobilisation et d’engagement en France à travers le mouvement BCorp.

Quels sont les principaux enjeux écologiques pour vos produits (eaux, frais laitiers, nutrition infantile) : la décarbonation des sites, du transport , la biodiversité , les déchets d’emballages ?

F. E. : Nous sommes convaincus que tous ces enjeux sont interconnectés. C’est pourquoi, à chaque étape du cycle de vie de nos produits, nous nous questionnons et agissons pour limiter notre impact sur la planète et les hommes. Nous devons prendre notre part à la lutte contre le changement climatique en rendant la totalité de notre cycle neutre en carbone d’ici à 2050. Accompagnés par l’organisme externe Carbon Trust qui évalue de façon objective nos actions et nous conseille, nous jouons de deux leviers d’action que sont l’électricité renouvelable et l’agriculture régénératrice. Danone s​‌’engage à réduire sa consommation d’énergie et à promouvoir des énergies plus durables ou renouvelables à coût abordable, ainsi qu’à soutenir les projets d’énergie rurale. Grâce à la généralisation de l’agriculture régénératrice, nous favorisons la résilience des sols et la mise en œuvre de pratiques faiblement émettrices.

Échéance 2025 pour les emballages

Conscients du défi que représente la circularité de nos produits, nous accélérons la transformation de nos emballages en améliorant leur conception et leur utilisation. Notre engagement, validé par la certification BCorp pour toutes nos entités françaises, est de proposer en 2025 des emballages 100 % circulaires, c’est-à-dire recyclables, réutilisables ou compostables. Nous souhaitons créer un cercle vertueux d’utilisation en proposant différents formats, adaptés aux usages, avec une empreinte carbone faible. Pour y parvenir, il n’y a pas de solution unique, nous investissons dans plusieurs innovations : la généralisation du plastique recyclé (rPET) pour l’ensemble de nos bouteilles petits et très grands formats, l’expérimentation de la consigne, du vrac, et le développement de grands formats.

Quelles sont les filières que vous soutenez dans la transition écologique et selon quelles modalités ?

F. E. : L’évolution de notre modèle vers des systèmes alimentaires plus résilients ne peut se faire sans soutenir activement nos partenaires agricoles, en s’impliquant dans leur transition. Cela passe d’abord par l’accompagnement de nos éleveurs laitiers. Grâce à la mise en place, en 2017, de l’initiative « Ferme laitière bas carbone » et le lancement du programme « Les deux pieds sur Terre » en 2018, nous soutenons la restauration des sols de leurs exploitations et visons une réduction de 15 % des émissions pour ces sites, d’ici à 2025. En trois ans de déploiement, nous avons déjà atteint une baisse de 9 %.

Nous avons aussi pour ambition de fédérer une dynamique collective en faveur de la souveraineté alimentaire et de l’autonomie protéique de leurs exploitations. Le projet AlimFrance répond à cet objectif, en visant à proposer à nos partenaires producteurs laitiers une alimentation de leurs vaches 100 % française. Dans un contexte d’inflation exceptionnelle, nous voulons réduire la dépendance de nos éleveurs à la volatilité des cours des matières premières et donner davantage de visibilité à leurs coûts de production. C’est aussi une manière pour Danone de prendre part à la construction d’une filière pour une alimentation française des animaux.

Nos engagements ne se cantonnent pas à la filière laitière : notre marque Blédina soutient aussi les filières de fruits, légumes et céréales françaises, et nous favorisons une consommation d’ingrédients issus de nos territoires. Par exemple avec le programme « ReCultivons », qui vise à pérenniser la filière française de la poire Williams, avec la plantation de quarante mille poiriers chez nos partenaires arboriculteurs. Ainsi, nous œuvrons pour que les bébés de demain puissent, comme ceux d’aujourd’hui, se régaler d’ingrédients français.

Miser sur la confiance et la responsabilité de tous

Parvenez-vous à répercuter tout ou partie des surcoûts de ces investissements environnementaux dans vos tarifs, ou la discussion commerciale souffre-t-elle de la contradiction chez vos grands clients entre la volonté d’acheter moins cher et celle de promouvoir une offre responsable [2] ?

F. E. : Nous restons confiants en notre capacité à créer de la valeur avec nos partenaires. Les investissements nécessaires pour opérer nos différentes transitions, auxquels s’ajoute l’augmentation exceptionnelle, aujourd’hui, de l’ensemble de nos coûts, vont exiger de revoir les équations économiques en responsabilité avec l’ensemble des acteurs. Et cela tout en restant accessibles au plus grand nombre de nos concitoyens, compte tenu de l’inflation, elle-même exceptionnelle, qui touche déjà les Français.

Ce qu’une entreprise tient pour relevant de sa responsabilité sociale serait-il optionnel ?

F. E. : Concilier croissance économique et progrès social est ancré dans l’ADN de Danone. Nous sommes convaincus de la capacité des entreprises à avoir un impact positif sur la société, et nous nous mobilisons au quotidien pour que notre croissance soit « inclusive » et bénéficie à l’ensemble de notre écosystème : nos salariés, nos fournisseurs et partenaires, nos consommateurs, nos actionnaires, etc.

Malgré une forte incitation à ne pas faire ces investissements RSE – puisqu’ils sont traités comme optionnels et non répercutables dans les prix –, Danone compte t-il persévérer ?  

F. E. : Allier la rentabilité à l’équité, à la solidarité et à la protection de la planète est l’unique façon acceptable de faire du business. C’est notamment pour cela que nous avons voulu rejoindre le mouvement BCorp, qui nous invite à une démarche d’amélioration continue.

[1] Antoine Riboud, par son discours de Marseille en 1972, est apparu comme le premier promoteur du développement durable : « Conduisons nos entreprises autant avec le cœur qu’avec la tête et n’oublions pas que si les ressources d’énergie de la terre ont des limites, celles de l’homme sont infinies s’il se sent motivé. » En décembre 2021, Danone était au nombre des quatorze premières entreprises au niveau mondial à recevoir un triple A du CDP (à l’origine “Carbon Disclosure Project”) pour son engagement contre le changement climatique, la gestion des forêts et la sécurisation des ressources en eau.
[2] En 2021, la prise en considération des investissements RSE par les centrales d’achat dans les négociations, mesurée dans le périmètre des adhérents de l’Ilec, avait été inférieure à 5 % des dossiers, voire nulle avec certaines enseignes, et dans tous les cas à un niveau très inférieurs à celui des surcoûts associés aux investissements. Les négociations 2022 ont été pires à cet égard (< 1 % ).

Propos recueillis par Antoine Quentin

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à l'utiliser, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.