Vie des marques

Daunat, le culte de la francité

31/05/2022

Connu comme “le” spécialiste du sandwich sous vide mais aussi pour ses salades, Daunat est une entreprise familiale et un industriel en prise avec les territoires, par ses usines, l’emploi et la valorisation des filières. Entretien avec Frédéric Oriol, directeur général, et Maye El Maghrabi, directrice marketing et innovation, Daunat.

Vous mentionnez votre statut d’entreprise familiale sur vos emballages ; à quoi vous oblige-t-il ?

Frédéric Oriol : Sur le plan juridique, il ne nous oblige à rien ; il a néanmoins beaucoup de sens par rapport à la construction patrimoniale. L’entreprise s’inscrit dans la durée avec un actionnariat familial qui lui octroie sérénité et liberté d’action. Ajoutons que Daunat est une entreprise à taille humaine, respectueuse de ses employés, de ses fournisseurs et de ses consommateurs.

Quelle est la part de la France dans vos ingrédients ? Est-elle appelée à devenir majoritaire là où elle ne le serait pas encore ?

Maye El Maghrabi : La part de la France est supérieure à 85 % . Nous avons pour principe que, dès que nous le pouvons, nous basculons nos matières premières en origine France : 100 % de nos farines de blé, poulet rôti, jambon cuit et bœuf sont origine France. Pour autant, il est des ingrédients qui ne seront jamais français, comme le riz, le pamplemousse, le poisson…

Le fabriqué en France crée-t-il une préférence d’achat chez vos consommateurs ?

M. El M. : Traditionnellement, le consommateur recherche de la réassurance par la qualité. Mais, aujourd’hui, il sait que consommer français est un engagement de responsabilité et de qualité, au regard de filières d’approvisionnement mieux maîtrisées. En 2021, Daunat a pris un tournant important en communiquant sur cette origine France aussi bien sur ses emballages que dans les différents médias. Notre performance en termes de volume n’a jamais été aussi bonne. La marque tire la croissance du marché et croît deux fois plus vite.

Recrutement orienté local

De combien d’usines disposez-vous, et d’emplois directs et indirects ?

F. O : Daunat a quatre usines : en Bretagne à Guingamp (l’usine historique), en Bourgogne à Sevrey, dans le Nord à Arras, en Picardie à Laon. Elle emploie mille cinq cents salariés en direct. Quant aux emplois indirects, nous n’en avons pas fait le calcul, mais ils sont très nombreux et concernent aussi bien les fournisseurs, les filières, le transport…

Quel sens a pour vous le concept de responsabilité territoriale ?

M. El M. : Avant tout, la création de valeur sur notre territoire, l’activité économique que cela génère autour de nous : d’abord sur la création d’emplois, le développement de filières d’approvisionnement françaises (farine de blé, porc, volaille…). Sur nos sites de production, dont une partie est automatisée, nous avons encore une part importante de production manuelle, car nous entendons privilégier les emplois locaux.

Quels liens tissez-vous avec les acteurs locaux de l’emploi (institutions publiques, associations, collèges, ESAT…) ?

F. O. : Acteurs importants en termes d’emploi, nos sites échangent avec l’ensemble des acteurs de l’emploi : service économique des communautés, institutions publiques, etc. Pour faire connaître notre entreprise et les postes ouverts, nous présentons nos métiers lors de sessions d’information dans les missions locales et les associations d’insertion, par exemple la Maison de l’Argoat à Guingamp.

À chaque offre d’alternance à pourvoir, nous échangeons en priorité avec les structures locales de formation. Ainsi pour le siège, nous diffusons nos offres dans le réseau des IAE, MBway, Rennes School of Business. Daunat Bretagne a signé une convention de partenariat avec le Greta (Groupement d’établissements, bac pro technicien de maintenance), afin d’intervenir directement auprès des apprenants. Daunat Picardie fait régulièrement appel à des groupements d’employeurs sur son territoire. Daunat Nord travaille sur la réinsertion avec l’École de la deuxième chance. Nous faisons appel aux ESAT pour diverses prestations externes, par exemple le nettoyage.

Simulation pour profils atypiques

Êtes-vous en phase de recrutement ? Observez-vous des tensions dans certains de vos métiers ?

F. O : Dès le premier trimestre de chaque année, nous recrutons des saisonniers pour accompagner les volumes estivaux. Nous proposons des postes en CDD et en CDI. À ce jour, nous avons plus de deux cents postes ouverts sur les quatre sites de production et au siège. Les tensions sur le marché du travail sont fortes, avec des difficultés pour nos postes clés (conducteurs de machines, conducteur de lignes, chef de secteurs, etc.). Pour cela, nous avons déployé un plan de communication avec des actions en ligne, en presse et en radio.

Nous travaillons l’attractivité de nos métiers avec des actions sur la formation (trente mille heures de formation en 2021), la rémunération (accords d’intéressement sur tous les sites, évolution de nos référentiels internes, démarche compétences) et la communication de nos engagements RSE. Nous avons en interne une école au métier de vendeur. À partir de juillet prochain, nous déployons le programme « Hébergement, Orientation et Parcours vers l’emploi » sur deux de nos sites.

Quelle place accordez-vous aux jeunes sans ou avec peu de formation ? Privilégiez-vous en interne l’apprentissage ?

M. El M. : Afin d’ouvrir nos postes à tous les potentiels, une partie de nos sites de production (Nord, Picardie, Bretagne) mobilisent des dispositifs tel que la méthode de recrutement par simulation. Cette technique mesure les capacités des candidats, qui, une fois identifiés, seront formés et accompagnés dans nos métiers. Ainsi, les jeunes ayant un profil atypique ou éloigné de l’emploi ont de meilleures chances d’être recrutés. En complément, nous sommes amenés à utiliser des outils d’évaluation des talents pour comprendre nos futurs salariés et leurs attentes. La formation interne est largement utilisée pour intégrer durablement les nouveaux dans des parcours formalisés, dispensant culture sécurité et maîtrise des gestes techniques. Pour cela, des formateurs internes sont identifiés et formés sur l’ensemble des sites de production. Enfin, nous nous fixons un objectif de recruter au moins quarante alternants chaque année.

Obligés de reformuler en permanence les recettes

Quel bilan tirez-vous d’Égalim 2 ?

M. El M. : Un bilan assez mitigé. L’intention de protéger le revenu des agriculteurs est louable, mais dans la pratique la gestion administrative est très complexe, chronophage pour nous et pour nos clients. Égalim mobilise chez nous les départements juridique, contrôle de gestion finance, et commercial. Il faut, pour chaque produit, dégager la part agricole et nous avons plus de cent cinquante références. C’est un travail granulaire fastidieux. Il faut ensuite être transparent sur les surcoûts de matière première, avoir les bons indices. Enfin, du côté de nos clients distributeurs, Égalim demande également beaucoup de ressources humaines. On entre dans des niveaux de détails tentaculaires sur des gammes de produits. Des entreprises de taille moyenne n’ont pas toujours les équipes pour cela.

Comment pilotez-vous les hausses de coûts des matières premières depuis l’année dernière ? Quel effet supplémentaire sur vos coûts à la guerre en Ukraine ?

F. O. : Nous maintenons des liens étroits avec nos fournisseurs, car nous subissons des hausses vertigineuses et nos fournisseurs n’ont aucune vision de l’évolution des coûts. Nous naviguons tous à vue, particulièrement notre direction des achats. Le vrai problème aujourd’hui est la disponibilité des approvisionnements, énergie (électricité) comprise, dans nos usines. Nous reformulons en permanence nos recettes pour pallier au manque, par exemple avec la crise de la moutarde en fin d’année ou de l’amidon en début d’année. Notre équipe R&D est impliquée : elle a dû reformuler l’ensemble de nos sauces. Nous nous interrogeons sur notre capacité d’avoir assez de poulet pour répondre à la demande, à celle de bœuf origine France pour nos pavés burger, pour lancer une innovation. Nous sommes conduits à réajuster régulièrement nos plans de développement. Pour l’énergie, nous n’en sommes pas à devoir fermer par moment nos usines, l’impact pour l’heure est la hausse des coûts.

Quelle place a l’e-commerce dans vos ventes ? Comptez-vous des internautes « influenceurs » ?

M. El M. : Il n’est pas très développé sur le marché du snacking : 3,3 % , et 2 % chez Daunat. Nous avons pour ambition de nous développer en drive, mais aussi en quick-commerce et en livraison à domicile. Nous sommes référencés sur les plateformes Flink, Getir, Gorillas, Cajoo.

Partenariat pour l’écoconception

Quelles sont vos ambitions sur le plan environnemental ?

M. El M. : Par l’écoconception de nos emballages, nous avons économisé 33 tonnes de plastique en 2020 et 100 % de nos emballages en carton sont certifiés FSC-PEFC depuis fin 2021. Nos objectifs, pour 2025, sont : 15 % de réduction du tonnage, 50 % de matériaux recyclés et 100 % recyclables. S’agissant des déchets, nous les avons réduits de 22 % , et 89 % sont recyclés ou revalorisés, notre objectif étant d’avoir 100 % de nos déchets industriels recyclés en 2023. Depuis un an, nous travaillons à notre bilan carbone.

En quoi consiste votre partenariat avec DS Smith ? Et en quoi Eco Bowl est-elle une solution innovante, vous a-t-elle conduit à investir dans une nouvelle ligne de production ?

M. El M. : Notre partenariat porte sur l’écoconception de l’emballage. Nos équipes de R&D travaillent à la création de cet emballage vertueux composé à 90 % de carton. L’Eco Bowl est une barquette solide conçue à partir de papiers 100 % recyclés avec une fine couche plastifiée à l’intérieur et recouverte d’un opercule. Elle supprime les étiquettes et les couvercles ou fourreaux en carton.

Ce partenariat nous a conduits à créer une ligne d’assemblage nous permettant de recourir au conditionnement sous atmosphère modifiée protectrice [1] (mélange gazeux pouvant être composé de trois gaz, N2, CO2, O2 ayant chacun leur rôle). Ce conditionnement aide à préserver les aliments, à prolonger leur durée de vie et leur fraîcheur. Il empêche l’activité des bactéries, limite les réactions enzymatiques comme la décoloration, et biochimiques comme le rancissement. Le goût et l’aspect sont préservés. Cette technique ouvre de nouvelles perspectives de développement.

Contrôlez-vous le bien-être animal chez vos fournisseurs ?

M. El M. : C’est un sujet important, le bien-être animal fait partie des chantiers sur lesquels nous souhaitons accélérer et avoir un rôle à jouer, même si nous n’achetons pas directement d’animaux : nous achetons de la viande qui a été travaillée par des intermédiaires. Nous avons enrichi nos cahiers des charges avec des critères supplémentaires. Notre service achat est très vigilant et sensibilisé. Nos objectifs sont une filière porc bien-être en 2023, 100 % des œufs en ponte au sol en 2025, et 100 % de notre poulet BCC (charte “Better Chicken Commitment” ou “European Chicken Commitment”) qui détermine des critères d’élevage et d’abattage, en 2026.

[1]  https://fr.wikipedia.org/wiki/Atmosph%C3%A8re_protectrice.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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