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Plaidoyer pour la vocation

13/10/2022

Pour Jean Watin-Augouard, bien connu des lecteurs de “la Voix des marques”, et avant elle du “Bulletin de l’Ilec” et de la “Revue des marques”, la vocation peut être à l’origine d’une transformation managériale radicale. Ce qu’il expose dans un ouvrage [1] qui vient de paraître. Bonnes feuilles.

« Il n’est de raison d’être de l’entreprise sans raison d’y être des salariés par leur présence physique dans les bureaux et usines et d’en être par leur présence mentale, leur engagement, leur appropriation de sa raison d’être. La raison d’en être révèle, grâce en particulier à l’intelligence collaborative, que le salarié n’est pas réductible à sa seule fonction, son emploi. Au sens strict (et non comme on conçoit ces termes habituellement), les « fonctionnaires » doivent céder la place aux “actionnaires”.

» Pour autant, il ne s’agit pas, pour en être, d’appartenir simplement à l’entreprise ou de comprendre le sens de sa raison d’être. Adhérer aux valeurs de l’entreprise est une chose. Une autre est de s’y impliquer, s’y engager, pour agir par vocation sans pour autant s’y consacrer corps et âme ! Comme le prouvent les jeunes qui veulent donner du sens à leur vie, en particulier dans et par leur métier avec un bon équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Ainsi que les moins jeunes que la crise de la Covid 19 a conduits à s’interroger sur leur raison d’en être dans l’entreprise, comme l’attestent les nombreux bilans de compétence, les recours aux coachs et les changements d’entreprise et de métiers qui s’apparentent parfois à une « grande démission ».

» Au cœur de la raison d’en être, la vocation entendue comme raison d’être ou finalité de la personne sur Terre. Chacun d’entre nous est appelé à agir, avoir sa part positive, dans sa zone d’influence, pour contribuer de manière unique à un bâtir un monde meilleur. La vocation est le fil rouge qui relie ses actes, ses engagements tout au long de sa vie et leur donne sens. Cessons de définir les gens uniquement par leur emploi, demandons-leur d’abord leur “impact” souhaité, leur empreinte désirée, leur singularité ressentie, leur vocation découverte et accomplie.

» Chaque personne a une vocation qui la singularise et la conduit à être plus grande que ce qu’elle paraît. Un gisement de puissance, d’énergie et d’action, pour l’heure mal ou inexploité par les entreprises quand celles-ci peinent à considérer les « ressources » humaines comme des richesses. Il en est de même pour beaucoup de salariés victimes du syndrome de l’imposteur qui les conduit à être sceptiques sur leur propre valeur et à attribuer à la chance ou au hasard leur réussite. La vocation peut être à l’origine d’une transformation managériale radicale, car elle conduit à porter un nouveau regard sur les enjeux auxquels est confrontée toute entreprise : recrutement, engagement, fidélisation, attractivité, notoriété, créativité, dynamisme, singularité, pérennité…

» Il revient à l’entreprise de relever au moins cinq défis. (…) [L’un] concerne sa gouvernance. La raison d’être ou vocation inscrite dans l’étincelle créatrice du fondateur ou de la fondatrice s’accomplit dans le sillon tracé par l’ensemble des salariés, d’hier à demain. L’incarnation de la raison d’être au plus haut niveau du management est primordiale. Le dirigeant doit bien connaître sa vocation personnelle sans quoi il risquerait de créer de la dissonance par rapport à la vocation de l’entreprise. Il en va de même pour les salariés. La raison d’être devrait irriguer toutes les strates de l’entreprise, être appropriée et portée par le plus grand nombre. Elle appelle un nouveau modèle managérial non plus hiérarchique, voire monarchique, mais privilégiant le principe de subsidiarité et la symétrie de l’engagement et des attentions (reconnaissance, loyauté, fidélité). L’engagement doit être à double sens : celui de l’entreprise en faveur du bien-être de ses salariés et de leur employabilité, et celui de ces derniers pour la rendre plus performante. (…)

» [Un autre] défi à relever porte sur l’adaptation des normes de comptabilité aux enjeux de responsabilité. La seule dimension financière ne suffit plus. L’entreprise doit tenir compte des critères environnementaux, sociaux ou de gouvernance (ESG). Elle doit intégrer ses externalités positives et négatives engendrées par son activité aussi bien sur le plan de la santé de son environnement naturel que sur celui de la santé physique et morale de ses salariés. Il lui revient de s’interroger sur la raison d’y être et d’en être de ses salariés. Lieu de production et de socialisation, l’entreprise peut devenir un creuset de leurs vocations, un lieu de révélation de talents réels ou cachés, innés ou acquis au service de leur engagement et de leur accomplissement. Pour autant qu’ils ne confondent pas vocation et métier, celui-ci n’étant que la modalité de celle-là. (…) »

[1] https://librairie.nombre7.fr/essai/3716-raison-d-etre-raison-dy-etre-raison-d-en-etre-9782383512417.html.

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