Léko, ambition double REP
23/10/2025
Quel bilan tirez-vous des cinq premières années d’activité de Léko en France ?
Patrick Bariol : Depuis 2020, à l’initiative du groupe international Raan Reclay – qui coordonne les activités de sept éco-organismes en Europe (Allemagne, Autriche, Slovaquie, Finlande, Espagne) et au Canada, Léko est un nouvel éco-organisme pour la gestion des emballages ménagers et papiers. Nous avons 60 000 entreprises adhérentes et 14 collectivités partenaires, couvrant 1,5 million d’habitants. En 2024 110 000 tonnes d’emballages et papiers ont été recyclées, pour un montant de 20 millions d’euros. Deux millions d’euros ont été investis pour améliorer les performances, qui atteignent 82 kg/habitant, au-dessus de la moyenne nationale. Fin 2024, l’État a reconduit notre agrément pour cinq ans.
Léko a créé un « Club des collectivités », qui réunit deux fois par an élus et gestionnaires de déchets, afin d’élaborer des solutions concrètes, partager les bonnes pratiques et faire remonter les besoins. Cette année a par ailleurs été lancée la « Léko Academy », plateforme de formation et d’expertise pour les producteurs désireux de mieux comprendre les étapes du cycle de vie des emballages, s’orienter dans leurs choix industriels, mieux concevoir les emballages et optimiser leur ultime recyclage.
Quelles difficultés rencontre le recyclage de certains matériaux et comment y répondez-vous ?
P. B. : Les emballages de croquettes pour animaux, les cassolettes en céramique ou les bouchons en liège sont difficiles à recycler à grande échelle. Nous menons des projets pilotes pour trouver des solutions, cela nécessite des investissements, de l’innovation et la mobilisation de toute la filière. Nous avons des projets avec Animo Impact pour collecter les sacs en plastique complexe auprès de cliniques vétérinaires et les recycler dans une usine adaptée, en construction dans le sud de la France. Les cassolettes et terrines en céramique, si associées à l’art culinaire français, font l’objet d’une expérimentation de collecte séparée en déchetterie et de mutualisation avec les déchets du bâtiment. Les bouchons de bouteilles de vin, cidre et bière en liège ou en matière synthétique sont visés par l’expérimentation « Mon p’tit bouchon », pour changer l’échelle de la collecte et du recyclage de ces emballages peu traités.
Parallèlement, Léko poursuit ses études et travaux sur la résine PLA, un plastique biosourcé, recyclable et compostable, en vue de développer une filière industrielle française.
Quelles sont les ambitions de Léko en matière de réemploi ? 
P. B. : Développer cinq cents points de vente et de collecte partenaires d’ici à fin 2026, en commençant par la région Auvergne-Rhône-Alpes : deux opérateurs pilotes, Loop et Revera, ont été sélectionnés pour accompagner quarante marques volontaires. Le secteur des bouteilles pour boissons est prioritaire, mais suivront les bocaux et les barquettes. Il est prévu que de nouvelles régions participent. L’ambition est de construire avec l’ensemble des acteurs un modèle interopérable à l’échelon national dès 2027.
Excessive complexité française
Léko fait partie d’un groupe de sept éco-organismes : y a-t-il des exemples à suivre à l’étranger en termes de performances des filières REP ?
P. B. : Il existe des différences de performances entre les pays, notamment en ce qui concerne le recyclage des plastiques, où la France est en queue de peloton des pays européens. En ce qui concerne la complexité des déclarations pour les producteurs, il est incontestable que c’est la filière des emballages ménagers qui est la plus complexe parmi les la vingtaine de filières Rep françaises (EEE, textile, piles, ameublement…). Parmi les pays européens, c’est en France que tout est le plus complexe pour les emballages. Sans tomber dans la simplicité excessive de l’Allemagne, où il suffit de déclarer un tonnage annuel global par matériau, un juste milieu est souhaitable.
Quels sont les projets pour les années à venir ?
P. B. : Léko souhaite proposer en janvier prochain une solution globale pour la filière des emballages professionnels, en attendant le cahier des charges définitif de cette REP. L’objectif est de simplifier les démarches des producteurs et d’accompagner la transition vers une économie circulaire. Les emballages professionnels regrouperont ceux de la filière naissante des emballages de la restauration et les emballages appelés industriels et commerciaux. Léko se mobilise pour solliciter un nouvel agrément.
Vous ambitionnez d’instaurer un « guichet unique pour tous les emballages, ménagers et professionnels ». Pourquoi et comment ? Léko est-il seul à prôner cette solution ?
P. B. : Nous souhaitons profiter de la nouvelle filière des emballages professionnels sans tomber dans les travers de la filière ménagère. Il sera très simple pour les producteurs de déclarer leurs mises en marché chez Léko, sur la même interface que pour les emballages ménagers. Pourquoi je paie ? se demande le producteur. Notre barème va être explicite. Et comme nous le faisons avec les collectivités, nous entretiendrons un climat de confiance et de partenariat avec les opérateurs du recyclage, que nous connaissons bien. Nous continuerons de nous mettre au service des 63 000 producteurs qui nous font déjà confiance et de ceux qui nous rejoindront, pour le « pro » en 2026 et peut-être aussi pour le ménager en 2027.
Ce « guichet unique » tous emballages en France, que l’opérateur historique proposera sans doute à sa manière, s’étendra avec Léko de façon réellement unique pour les producteurs qui commercialisent leurs produits au-delà de nos frontières. Seul Léko dispose de ce réseau international d’éco-organismes en propre : Allemagne, Autriche, Slovaquie, Finlande, Canada, Espagne et France, et d’une société de conseil international sœur, RecycleMe, qui permet d’offrir ce « guichet unique sans frontière ».
Aller chercher le déchet là où il est
Comment anticipez-vous l’évolution des coûts et des écocontributions ?
P. B. : Les coûts ne vont pas baisser. Ils ont doublé en cinq ans, de 800 M€ à 1,6 milliard pour l’ensemble de la filière emballages ménagers. Plus il faut aller chercher des tonnages pour se rapprocher des objectifs européens de collecte et de recyclage, plus ça coûte cher au global, et plus la tonne unitaire supplémentaire est chère. De plus, les obligations s’accumulent sur les éco-organismes : réemploi, R&D, études, redevance Ademe, etc., sans parler des nouvelles règles d’appel de fonds imposées par les pouvoirs publics. Et l’on n’a sans doute pas tout vu.
Il faut une pause règlementaire, et faire preuve de sobriété et d’une attention méticuleuse pour chaque euro investi. Léko propose une transparence totale sur le sujet et s’efforce d’apporter à chaque producteur un soutien personnalisé en finançant ses propres initiatives de R&D. Par exemple, il finance la collecte et le recyclage spécifique et effectif des sacs de croquettes pour animaux, longtemps ignorés…
Tout en continuant à rendre le geste de tri facile dans le bac, il ne faut pas craindre d’aller chercher le déchet d’emballage là où il est, même s’il ne devrait pas s’y trouve dans les ordures ménagères ! Plus d’un tiers de ces déchets pourraient être recyclés plutôt qu’incinérés, et contribuer aux performances du recyclage. Il faut traiter le problème à sa source, plutôt que de payer des amendes à l’Union européenne pour non-atteinte des objectifs !
Et l’évolution des capacités industrielles de recyclage ?
P. B. : Le problème n’est pas le recyclage, tout peut plus ou moins se recycler, mais la collecte, l’accès au gisement et le coût de traitement. Il faut bien sûr que les capacités de recyclage rentables en France augmentent et pour cela mutualiser les coûts. Comment se fait-il qu’aujourd’hui encore on ne sache pas recycler les pots de yaourts en France ? Léko a lancé des études techniques et accompagne l’émergence de la production et du recyclage de la résine PLA en France à l’horizon 2028, pour remédier entre autres à ce problème.
Certains pensent qu’en retirant les bouteilles en PET du réseau de collecte géré par les collectivités on va régler le problème du plastique dans notre pays. En faisant cela, on va seulement faire exploser les écocontributions des producteurs qui ne produisent pas de bouteilles, car il faudra quand même financer les mêmes bacs jaunes pour collecter les autres emballages plastiques (barquettes, films, etc.), en finançant un réseau parallèle supplémentaire. Est-ce que pour autant il faut refuser une consigne des emballages, qui a prouvé son efficacité dans d’autres pays, certainement pas, mais le diable se cache dans les détails : il faut inventer tous ensemble un système qui ne lèse personne, ni les producteurs, ni les collectivités, ni les consommateurs.
Propos recueillis par Sophie Palauqui et François Ehrard