Bulletins de l'Ilec

L’école du savoir-être - Numéro 438

01/10/2013

Les fondamentaux de l’enseignement en école de commerce font appel au couple confiance-fiabilité, aussi actif dans la création de valeur que pour des relations sereines entre les entreprises. Entretien avec Frank Bostyn, directeur général de Neoma Business School1.

Les questions relatives au règlement des litiges interentreprises figurent-elles en bonne place dans les programmes de votre école ?

 

Frank Bostyn : L’ensemble de nos programmes développe une approche de prévention du risque juridique et de gestion optimale de celui-ci, comprenant la question du règlement des litiges. Par exemple, la filière expertise-comptable du « Master Grande Ecole », suivie par de nombreux étudiants sur les campus de Rouen et de Reims, s’attache à analyser les principaux enjeux des litiges inhérents à l’activité des entreprises, y compris dans un contexte de difficultés financières. De manière générale, notre approche privilégie une ouverture au-delà d’une vision strictement judiciaire des litiges. L’objectif est de mettre en lumière les bonnes pratiques et les comportements managériaux permettant de limiter et d’aménager des responsabilités éventuelles, ou d’envisager des modes alternatifs de règlement des litiges.

Le mastère spécialisé « management de la fonction achats » de
l​‌’ESCGrenoble, agréé par la Médiation interentreprises et la CDAF2, va-t-il faire des émules ?

F. B. : Grenoble Ecole de Management est effectivement la première école à obtenir les certifications ministérielles « Qualité » pour son mastère « management de la fonction achats ». Force est de constater que la fonction achats comme la fonction logistique sont des filières génératrices d’emplois, comme l’a récemment montré une étude pilotée par le cabinet de recrutement Fed Supply. Ce secteur va devenir encore plus attractif pour les étudiants. A Neoma, nous avons conscience de ce contexte et proposons depuis la dernière rentrée un Master of Science in Supply Chain Management qui remporte un franc succès. D’autres évolutions sont prévues dans nos programmes, l’ouverture d’une spécialisation achats dans notre Master Grande Ecole, l’introduction de cours achats et procurement dans le Master Supply Chain Management. Notre but est d’offrir une formation optimale, en phase avec les attentes des professionnels.

D’une façon générale, quelle est la place de la notion de confiance dans la formation d’une grande école de commerce ? Et de la notion de fiabilité (des personnes) ?

F. B. : À Neoma, la notion de confiance irrigue de manière transversale les enseignements, que ce soit en droit, en marketing ou en finance. Il s’agit d’une dimension majeure. De ce fait, elle affecte la théorie et influence les comportements de nos étudiants. Au-delà de la formation proposée dans une grande école, les notions de confiance et de fiabilité sont essentielles au bon fonctionnement de la société. Ce sont deux notions phares sur lesquelles repose le développement de l’économie. Elles sont intimement liées, pour que puisse s’envisager une collaboration efficace ; il ne peut y avoir de confiance entre deux interlocuteurs sans sentiment de fiabilité.

Nous pouvons prendre les relations interentreprises comme référence. Un manque de confiance entre fournisseur et client peut avoir des impacts sur les coûts de transaction. Des délocalisations de l’Europe vers l’Asie opérées pour des raisons budgétaires ont été remises en question, notamment à cause d’un manque de confiance, et ont été suivies par des relocalisations en Europe.

Le mot « confiance » a-t-il cours dans la langue internationale des affaires : confidence ? reliance ? trust ?

F. B. : Dès que l’on commence une transaction, la notion de confiance est fondamentale, en France ou à l’international. La confiance représente une condition sine qua non pour établir des échanges. Le système financier est fondé sur la confiance, les scandales récents liés à la crise bancaire le prouvent. Est-ce qu’il existe des nuances entre les mots confidence, reliance ou trust ? Ils tendent vers la même idée : croire en son interlocuteur, lui accorder du crédit, partager des informations avec lui, pouvoir se reposer sur lui. L’objectif est d’éviter les multiples contrats qui visent à se protéger pour gagner en délai et en productivité.

L’existence d’une école professionnelle de la médiation et de la négociation (créée par la Chambre professionnelle de la médiation et de la négociation), très spécialisée et tournée vers la formation continue, est-elle le signe qu’une dimension manque dans le cursus des grandes écoles ?

F. B. : L’Ecole professionnelle de la médiation et de la négociation répond à un besoin précis en la matière. Cependant, sa création n’est pas un signe que cette dimension manque dans les programmes dispensés sur les campus des grande écoles. A Neoma Business School, de nombreux cours abordent les notions de négociation et de médiation. Mais au-delà d’un enseignement théorique pur, il est important de garder en tête que la négociation appelle aussi des compétences liées au savoir-être des interlocuteurs, telles que la capacité à interpeller ou à écouter l’autre.

Les relations entre donneurs d’ordres et sous-traitants devraient-elles être au centre de ce qu’on regroupe sous l’intitulé de la RSE ? Une « responsabilité économique » au cœur de la « responsabilité sociale » ?

F. B. : La RSE, telle que définie par le ministère du Travail en France, désigne l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs activités économiques. Cette notion se réfère directement aux choix et aux actions des parties prenantes telles que les salariés, les clients, les fournisseurs, les sous-traitants, les actionnaires, les consommateurs… Elle régit les relations avec les parties prenantes à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise. Ces relations sont fortement affectées par le facteur humain : la confiance, le respect, la transparence, la responsabilité, la coopération. Ce sont des dimensions clés pour atteindre les objectifs économiques, environnementaux et sociaux de l’entreprise.

Par conséquent, la RSE doit être au centre des relations existantes entre donneurs d’ordres et sous-traitants, dans la mesure où l’on considère que les donneurs d’ordres et les sous-traitants sont des parties prenantes, dont la nature et l’étendue de la coopération affectent l’entreprise, sa stratégie et sa performance. L’entreprise se doit d’assurer que les choix collectifs et les actions communes sont  de nature à accélérer le processus de création de valeur. Cette  démarche permet d’accroître l’efficacité et de garantir la pérennité de l’entreprise, tout en permettant de créer des conditions favorables au développement du capital social. Autrement dit, une relation responsable et transparente entre les donneurs d’ordres et les sous-traitants constitue une condition nécessaire à une plus grande efficacité économique et sociale.

1. Sup de co née en 2013 de la fusion des écoles de Reims et de Rouen – www.neoma-bs.fr
2. Compagnie des dirigeants et acheteurs de France.

Propos recueillis par J. W.-A.

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