Bulletins de l'Ilec

Des palettes de données - Numéro 484

05/11/2019

Éléments de base du transport de marchandises, les palettes ont beaucoup à dire, et à proposer. Par la voix du numéro un de leur location. Entretien avec Frédéric Fimbel, Collaborative Transport Solutions Sr Manager Europe, Chep

Que partage-t-on en plus de camions quand on mutualise ? Des données ? Des services ?

Frédéric Fimbel : La mutualisation recouvre divers sujets : la collaboration en vue de mutualiser les moyens de transport se base sur les données, dont l’analyse permet d’identifier des synergies de transport, routier et ferroviaire. La centralisation des données chargeurs et distributeurs permet une visibilité totale des flux. La centralisation de la gestion des flux issue de cette mutualisation des données contribue à une organisation optimale.

Quel service de mutualisation du transport un loueur de palettes est-il en mesure de rendre à des chargeurs ?

F. F. : Notre mission ne s’arrête pas à la location, elle englobe une offre de services complète : nous mettons à disposition nos produits, certes, mais aussi l’assistance et le savoir-faire qui contribuent à la croissance de nos clients, tout en réduisant le gaspillage. Notre modèle étant basé sur l’économie circulaire, une de nos missions est d’éradiquer les kilomètres à vide, voilà pourquoi nous luttons contre ce gaspillage, grâce entre autres à deux types de mutualisation du transport : les flux d’un client mutualisés avec ceux du loueur de palettes, et la mutualisation entre clients du loueur (voire dans certains cas avec des non-clients).

La base de données Chep issue des déclarations de mouvements des clients et des flux Chep représente 14 millions d’équivalents camions complets et 300 000 lignes de transport, ce qui permet d’identifier un grand nombre de synergies potentielles. Cette analyse est possible grâce à un logiciel que nous avons développé en interne. L’identification des flux et des partenaires par Chep lui permet de proposer à ses clients pour lesquels une synergie est possible des opportunités d’utilisation en vue d’une boucle de transport entre deux clients.

Le rôle d’un loueur est-il d’être également commissionnaire de transport ? Je ne le pense pas, mais en revanche, s’il reçoit les commandes clients sur des boucles identifiées au préalable, il peut concevoir des synergies, et adresser aux transporteurs préalablement sélectionnés par les chargeurs les commandes ainsi groupées, les chargeurs restant donneurs d’ordres.

Vous travaillez avec plusieurs industriels des PGC sur des boucles régionales pour éviter les retours à vide ; quelle est dans ce domaine la marge de progression du fret routier en France ?

F. F. : Selon Eurostat (2017), 18,1 % des kilomètres parcourus par les camions le sont à vide en France. Si l’on ajoute la raréfaction des conducteurs de poids lourds, non seulement la marge de progression est grande en termes d’optimisation, mais le manque de conducteurs nous obligera à optimiser les moyens disponibles pour assurer la continuité d’un service de livraison de qualité. Chep est prêt à y répondre.

Les camions Chep qui vont enlever des palettes donnent-ils l’exemple ?

F. F. : C’est l’une des premières choses que nous avons mises en place, dès 2010. Notre activité est basée sur le partage et la réutilisation, et notre priorité est d’éliminer le gaspillage, voilà pourquoi nous trouvions dommage d’envoyer des véhicules à vide pour ramasser nos palettes chez les distributeurs, alors que les industriels en repartaient à vide. En collaboration avec les deux parties, nous avons proposé aux chargeurs de réutiliser leurs camions déjà sur place pour ramasser les palettes et les ramener au centre de service Chep le plus proche. Ou de réutiliser les camions des distributeurs en partance pour des enlèvements fournisseurs. Idem pour nos livraisons : un camion client livrant près de nos sites et retournant à l’usine initiale est utilisé pour assurer une livraison de palettes vides Chep. Fin juin 2019, sur le territoire français, nous collaborions avec dix-huit clients pour cinquante-sept lignes de transport, ce qui a permis d’éviter sur un an 276 000 km à vide et 261 tonnes de CO2.

Le « taux de kilomètres à vide » est-il partout du même ordre entre la France et les autres pays où Chep peut recueillir par ses flux de palettes le même type de données ?

F. F. : Les taux sont bien différents d’un pays à l’autre : cela peut aller de 5,8 % de km à vide pour la Belgique à 33,9 % pour l’Autriche. Bien sûr, la géographie de ces pays joue un rôle dans ces écarts.

S’agissant du transport et de la performance environnementale qui peut en être attendue, les « données palettes » n’auraient-elles pas vocation à être accessibles à tous les acteurs comme une ressource commune d’intérêt général ? Du fait que, comme le disait récemment le DG de GS 1 France, « circulaire ne rime pas avec propriétaire »1 ?

F. F. : On rentre là dans le domaine de la confidentialité des données que chacun veut préserver. Il va de soi que seul le partage des données peut permettre la réalisation de synergies de transport. Il est donc nécessaire de les confier à une tierce partie pour les gérer, qui soit garante de leur confidentialité. Certains industriels ont déjà partagé leurs données, mais nous sommes loin d’un effet d’échelle. Chep quant à lui possède les informations de flux de 17 000 clients en Europe et un nombre de mouvements et de lignes de transport très conséquent. Aussi nous pensons avoir la plus grande capacité d’identification des synergies, et nous accompagnons nos clients dans toute la chaîne de mise en place de ces boucles de transport. Sur le plan européen, nous avons développé une collaboration avec plus de deux cents clients et plus de quatre cents lignes actives.

Combien à votre connaissance manque-t-il de chauffeurs PL en France ?

F. F. : Un poste de conducteur sur cinq serait vacant en Europe, et il y aurait un manque de main-d’œuvre de 21 % dans le transport routier de marchandises, selon l’Organisation mondiale du transport routier ; 45 000, c’est approximativement le nombre de chauffeurs routiers qu’il faudrait former en 2019 pour faire face aux besoins croissants du secteur en France, selon la Fédération nationale des transports routiers.

1. François Deprey à l’université de GS1 France, 30 août 2019.

Propos recueillis par J. W.-A.

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