Bulletins de l'Ilec

Algorithme, déstockage 
et don - Numéro 485

17/12/2019

Avec le numérique, une logistique profilée et le coup de pouce de la loi, la récupération des invendus passe à l’échelle industrielle. Entretien avec François Vallée, directeur de, la communication et du marketing, Comerso

Quel est le métier de Comerso1 ? Quand votre société a-t-elle été créée ?

François Vallée : Notre société a été créée en 2013 par Pierre-Yves Pasquier et Rémy Gilbert. Nous travaillons aujourd’hui avec plus de six cents entreprises en grande distribution (Carrefour, E. Leclerc, Intermarché, Système U, Leader Price…), les grandes surfaces spécialisées et les industriels de l’agro-alimentaire. Le métier de Comerso consiste à aider les entreprises à tendre vers le zéro déchet non valorisé, grâce à des solutions numériques et logistiques. Notre objectif est de vider les poubelles des entreprises. Notre activité a permis de créer des emplois ; nous sommes actuellement quarante salariés, et soixante-dix postes de chauffeurs ont été créés chez nos partenaires logisticiens qui récupèrent tous les jours les invendus pour les redistribuer aux associations partenaires.

Combien de partenaires comptez-vous parmi elles ?

F. V. : Notre réseau d’économie circulaire compte plus de mille partenaires dont huit cents associations (Banques alimentaires, Secours populaire, Restaurants du cœur, Croix-Rouge, ANDES…), des structures d’alimentation animale, des méthaniseurs pour valoriser les biodéchets…

Quels sont les effets en termes de réduction du gaspillage ? Dans quelles catégories de produits ?

F. V. : Nous agissons contre toute forme de gaspillage aussi bien dans l’alimentaire que dans le non-alimentaire. Depuis 2013, nous avons redistribué aux associations vingt-huit millions de repas et sauvé des poubelles plus de quinze mille tonnes de marchandises.

Quelle est la singularité de votre société dans cette lutte contre le gaspillage ?

F. V. : Dès sa création, les fondateurs ont souhaité mettre les nouvelles technologies et la logistique au cœur des solutions Comerso : en les couplant, nous délivrons des solutions très efficientes pour atteindre le « zéro déchet non valorisé ». Nous offrons un service de dématérialisation. Au nombre des avantages : la simplicité des procédures, par la suppression du papier nécessaire au suivi administratif des dons (attestation fiscale.), la traçabilité, la sécurité et la fiabilité. Tous nos partenaires, associatifs notamment, ne sont pas rompus à ces technologies. Il nous faut donc les former.

Le surstockage industriel qui alimente les déstockeurs par votre plateforme CDestock, représente-t-elle un écart stable ou fluctuant au fil des ans ?

F. V. : Difficile de répondre, car notre plate-forme a été créée il y a un an. Nous faisons toutefois le constat qu’il y a deux types de flux, en fonction des industriels. Les volumes de marchandises transitant par notre plateforme CDestock sont soit réguliers (produits frais alimentaires à date ultracourte), soit ponctuels (besoin d’un déstockage ponctuel dû à une erreur de fabrication ou queue de promotion).

Y a-t-il des fluctuations plus ou moins marquées selon les catégories de produits ?

F. V. : Plus marquées pour les dons, oui, par exemple les produits saisonniers avec les temps forts de l’année, les chocolats à Pâques, les produits festifs après Noël ou le textile lors d’un changement de collection. Il y a également les produits dont les ventes sont liées à la météo, comme les boissons ou les glaces durant l’été.

Quels sont les aspects du projet de loi antigaspillage en cours d’examen qui vous concernent ?

F. V. : L’article 5 du projet de loi nous concerne particulièrement puisqu’il ajoute au Code de l’environnement un article L. 541-15-8. – I qui oblige « les producteurs, importateurs et distributeurs de produits non alimentaires neufs » à « réemployer, réutiliser ou recycler leurs invendus ». Il étend aux produits non alimentaires la loi Garot qui interdit de jeter des produits.

Quel peut en être l’effet prévisible sur les stocks ? Et sur votre activité ?

F. V. : Certaines entreprises ont pris les devants et n’ont pas attendu la loi économie circulaire pour valoriser leurs stocks, d’autres attendent mais ne vont plus avoir le choix. Cette bonne tendance va nous permettre de continuer d’embaucher. Nous avons la chance d’une activité qui a le vent en poupe grâce aux mesures gouvernementales. Il revient aux entreprises de saisir cette opportunité de valoriser leurs invendus et déchets, et de communiquer auprès des parties prenantes, dont les consommateurs, sur leur démarche responsable. On se souvient des maladresses de certaines marques textiles lacérant des chaussures. Cela donne une image catastrophique. Il faut faire de la loi une opportunité et la devancer.

1. https://comerso.fr.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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