Bulletins de l'Ilec

Europe : timide esquisse de politique industrielle - Numéro 416

30/12/2010

À l’échelon de l’UE, regrettaient ici tant Jean-Hervé Lorenzi que Jean-Louis Levet, en visant la politique de concurrence de Bruxelles1, « rien n’évolue dans un sens positif pour la promotion de l’industrie ». Pour le commissaire européen à l’Industrie Antonio Tajani, pourtant, « l’Europe a besoin de l’industrie et l’industrie a besoin de l’Europe ».

La Commission a publié le 28 octobre une communication intitulée Une politique industrielle intégrée à l’ère de la mondialisation2, voulue comme une initiative phare de la « stratégie Europe 2020 ». Elle expose un objectif de croissance et de création d’emplois appuyées sur une base industrielle forte, privilégiant des emplois bien rémunérés et de moindres émissions de carbone. Elle a été publiée en même temps qu’un rapport sur la compétitivité dans les États et que le rapport annuel sur la compétitivité européenne.

Selon ce texte, les concepts d’industries et de secteurs nationaux sont obsolètes, et l’avenir passe par des réponses stratégiques européennes coordonnées, privilégiant une approche de l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis les infrastructures et les matières premières jusqu’au service après-vente.

Bruxelles affirme placer au cœur de sa politique industrielle la création et le développement des PME, en visant la compétitivité et le développement durable grâce à un « un bond en avant dans l’innovation ». Elle annonce, plutôt vaguement :

  • un « examen explicite et détaillé de l’incidence sur la compétitivité » des nouvelles législations et propositions politiques, ainsi que des « bilans de qualité » de la législation existante, visant à réduire les effets de cumuls et à diminuer les coûts pour les entreprises ;
  • un accès « facilité » des PME au financement et à une aide à leur internationalisation ;
  • le renforcement de la normalisation ;
  • une « mise à niveau » des infrastructures et services du transport, de l’énergie et des communications, au vu de l’environnement concurrentiel ;
  • une « stratégie » d’approvisionnement et de gestion durables des matières premières primaires domestiques ;
  • des « actions » favorisant l’innovation dans les technologies manufacturières avancées, la construction, les biocarburants, le transport routier et ferroviaire, les industries à forte consommation d’énergie ;
  • une politique spatiale visant une base industrielle qui couvre la totalité de la chaîne d’approvisionnement.

L’avenir dira si la politique de concurrence verra interroger son « bilan de qualité » sous l’aspect de son incidence sur la performance industrielle. En attendant, l’« examen explicite et détaillé » d’autres politiques diligentées par l’UE pourrait revêtir un caractère urgent, par exemple l’application du règlement Reach. Depuis le 1er décembre l’Agence européenne des produits chimiques3 joue pleinement son rôle d’arbitre, résultant du règlement Reach, pour l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des produits chimiques dans l’Union. La complexité des procédures et leur monolinguisme auraient entraîné des surcoûts importants pour les entreprises, spécialement les PME non anglophones, et pourraient inciter à des délocalisations industrielles hors de l’UE4, sans éventuellement cesser d’être l’« outil protectionniste pernicieux » redouté par certains commentateurs5.

1. Cf. Bulletin de l’Ilec n° 415, novembre 2010.
2. La communication est disponible à l’adresse http://ec.europa.eu/enterprise/policies/industrial-competitiveness/industrial-policy/index_fr.htm.
3. http://echa.europa.eu/home_fr.asp.
4. Les Echos du 30 novembre.
5. Philipe Moreau-Defarges in le Bulletin de l’Ilec n° 401, juin 2009

François Ehrard

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