Bulletins de l'Ilec

La paupérisation par la non-marque - Numéro 364

01/06/2005

Entretien avec Philippe Mougeot-Damidot, responsable des études, Philips EGP

Sur une longue période, l’évolution des prix dans l’univers des produits électroménagers et électroniques grand public est-elle orientée à la baisse, malgré l’évolution technique ? Philippe Mougeot-Damidot : L’électronique grand public évolue dans un contexte de forte érosion de prix et de concurrence internationale exacerbée. Cette érosion touche les marchés matures tels que la télévision, où le prix moyen a été divisé par deux dans les dix dernières années, en dépit d’innovations techniques chaque année, de l’ajout de fonctions qui ont amélioré constamment la qualité de l’image et du son restitués par les appareils. Mais la baisse des prix est d’autant plus vive que le marché est récent. C’est le cas du DVD, depuis son lancement il y a sept ans : le prix du lecteur a été divisé par dix, malgré la généralisation de spécifications telles que DivX ou Super Audio CD. Le bas coût est-il synonyme de paupérisation ou d’efficacité économique ? P. M.-D. : Dans bien des cas, il consiste en la mise sur le marché de produits « sous-spécifiés », de qualité médiocre, par des marques sans notoriété, presque sans nom, ou des marques de distributeur. Il s’agit souvent de copies de produits de marque, dont les coûts ne sont pas chargés de recherche et développement, ni de taxes douanières ou de brevets. Ces offres provoquent une spirale de baisses de prix où se volatilisent des pans entiers du marché. Observez-vous chez vos consommateurs une tendance à davantage d’ « achats malins » ? Quels sont les produits les plus touchés par le « bas coût » ? Proposez-vous des produits d’entrée de gamme ? P. M.-D. : On peut observer en effet un recours croissant des consommateurs à des produits de bas prix, qui leur donnent accès à moindre coût à de nouveaux usages et à de nouvelles techniques. Cela est renforcé par la multiplicité des offres, qui permet souvent au consommateur d’éviter de devoir arbitrer entre des catégories, et de s’équiper rapidement avec tous les nouveaux produits (l’accélération des courbes de pénétration des nouveautés dans les ménages est éloquente). En outre, la stagnation du pouvoir d’achat incite fortement à la prudence dans les dépenses de produits de loisir. Tout cela peut constituer un piège, une bombe à retardement pour le consommateur, qui se constitue un parc surdimensionné de produits qui finiront rapidement par tomber en panne, sans recours possible auprès des non-marques, et qu’il lui faudra remplacer sans en avoir le budget. Ce qui l’amènera à restreindre ses dépenses, voire à se passer d’un produit dont il a déjà eu l’usage, d’où un sentiment de régression et de paupérisation. Le maxidiscompte est-il seulement synonyme de prix bas ? Ne signifie-t-il pas également produits simples et pratiques, comme l’atteste la nouvelle signature de Philips, « Sense and simplicity » ? P. M.-D. : Attention à ne pas faire de confusion entre simplicité et dépouillement ! La technologie devient de plus en plus complexe, et les différentes fonctions des produits de l’électronique grand public sont là pour en faciliter l’usage, fournir de plus en plus de service et de qualité. Dans notre signature, la simplicité va de pair avec l’avance technique. Toute la valeur ajoutée vient de la réflexion sur l’ergonomie du produit et sur l’aspect intuitif de l’usage des fonctions. Le défi est de rendre simple l’utilisation de produits et de techniques complexes, pas de commercialiser des produits « sous-spécifiés ». Le prix est-il encore constitutif de la valeur d’un produit ? Baisser les prix, est-ce casser la valeur ? P. M.-D. : Les produits de l’électronique grand public se suffisent souvent à eux mêmes. Une fois acquis, ils permettent de jouir sans frais supplémentaires de différents services. Ainsi, la valeur se crée essentiellement par le prix de vente, qui doit couvrir les frais de fabrication, de commercialisation, de droits d’auteur, de recyclage, mais aussi de recherche et développement, la conception des produits de demain. L’alliance avec le sud-coréen LG, au sein de LG-Philips LCD, est-elle de nature à permettre au groupe de mieux affronter la concurrence des produits à bas coûts ? P. M.-D. : Compte tenu du contexte extrêmement concurrentiel et mondialisé de l’électronique grand public, qui entraîne une forte érosion des prix et l’accélération du renouvellement des gammes, les alliances paraissent de plus en plus indispensables. L’alliance avec LG nous permet de nous positionner comme un champion de la fabrication d’écrans LCD, et d’affronter dans de meilleures conditions la concurrence. Il convient cependant de surveiller en permanence le marché global des dalles de télés à écran plat, en constante évolution.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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