Bulletins de l'Ilec

L’envol du prix ras - Numéro 364

01/06/2005

« Entrepreneur en série », ainsi se définit Stelios Haji-Ioannou, homme d’affaires britannique, d’origine chypriote et fondateur, en novembre 1995, de la compagnie aérienne à bas coûts easyJet. Sur fond de dérégulation du transport aérien et de développement du commerce électronique, easyJet est devenue, avec Ryanair, la principale compagnie à bas coûts en Europe et la deuxième en France. Elle compte aujourd’hui 3 600 employés, 200 lignes régulières, 70 aéroports desservis et 103 avions. Si la concurrence est de plus en plus vive, avec quarante-sept compagnies en Europe se proclamant à bas coûts ou à bas prix, au lieu de sept il y a encore trois ans, easyJet tire encore son épingle du jeu. Pour l’exercice clos le 30 septembre 2004, la compagnie britannique, bénéficiaire depuis sa création, a affiché une hausse du chiffre d’affaires de 17 % , à 1,09 milliard de livres (1,56 milliard d’euros), un résultat avant impôt en hausse de 21 % , à 62,2 millions de livres (88,66 millions d’euros) et un bénéfice net en hausse de 27 % , à 41 millions. En un an, le nombre de passagers, pour moitié des hommes d’affaires, a augmenté de 20 % , à 24,3 millions de sièges, et le taux de remplissage des avions est passé de 84,1 à 84,5 % . Preuve de sa vitalité, la société a commandé cent vingt Airbus et pris une option, libérée, sur cent vingt autres. Le modèle d’easyJet a été la société américaine Southwest, pionnière du secteur, créée en 1970 et imitée vingt ans après par Ryanair. Il repose sur un certain nombre de règles qui sont autant d’économies d’échelle : un seul type d’appareil, une seule classe tarifaire, des aéroports excentrés, des rotations rapides sur les tarmacs (vingt-cinq minutes environ entre atterrissage et décollage, contre deux heures passées par les autres transporteurs) et plus fréquentes (les avions partent plus tôt et rentrent plus tard), pas de toilettes pour les vols d’une ou deux heures, des avions reconfigurés pour accueillir davantage de sièges, pas de correspondance, pas de places attribuées ni de salon d’accueil, et bien entendu ni restauration ni presse offerte. A ce service minimal s’ajoute la polyvalence des salariés : hôtesses et stewards assurent eux-mêmes le nettoyage de l’avion. Enfin, plus le billet est commandé tôt, moins il est cher : les prix peuvent varier d’un à dix. « L’objectif est de faire des économies partout où on peut en faire. Née avec l’internet, easyJet est une compagnie moderne et souple qui économise les frais d’agence, la gestion et l’édition des billets, remplacés par un numéro de dossier », résume Stéphane Fargette, responsable des relations publiques. La marque peut ainsi tenir sa promesse, résumée dans le slogan « en donner au client pour son argent ». Avec pour règle d’or la sécurité : le taux d’incidents, de 0,7 ‰, est le plus bas aujourd’hui, identique à celui d’Air France. Jusqu’à présent focalisée sur l’ouverture de lignes au départ d’Orly, destinées aux principaux axes domestiques et européens, easyJet s’est heurtée au manque de créneaux horaires disponibles, à la résistance d’Air France et à la concurrence du TGV sur certains grands axes. Aidée par l’évolution du statut des aéroports régionaux et par le nouveau cadre juridique européen, qui autorise sous condition les aides des collectivités locales, la compagnie entend désormais privilégier les aéroports régionaux comme Marseille et Lyon. Ils préparent l’un et l’autre des terminaux à bas coûts et des liaisons province-Europe. Pour la première fois, à Mulhouse, la compagnie a demandé et obtenu un soutien financier des collectivités locales comme condition de son implantation. « L’avenir du ciel européen repose sur le développement des compagnies à bas coûts, car beaucoup de lignes sont encore à créer, et ces compagnies créent du trafic en attirant une clientèle qui, autrefois, ne voyageait pas », estime Stéphane Fargette. Reproduisant la recette mise au point par son modèle Richard Branson, le créateur de Virgin, Stelios Haji-Ioannou a décliné sa marque, depuis 1998, sous le couvert de la société ombrelle easyGroup, qui ne compte que trente salariés mais en recenserait dix mille si l’on incluait les sous-traitants. « La logique de Stelios est d’abord de vendre un produit, puis de le créer », explique Stéphane Fargette. Le modèle est aujourd’hui décliné en quinze activités (voir encadré) avec la même couleur orange, « une couleur Pantone qui permet d’imprimer les documents en une couleur, économie oblige ! ». Mais il a ses limites. EasyJet souffre du prix élevé du kérosène, easyCinema s’est heurté aux studios et aux producteurs, easyCar ferme progressivement toutes ses agences, easyInternetcafé a quitté la France et le cybercafé d’Oxford Street à Londres a baissé le rideau. L’heure serait aux franchises et aux licences de marque, un modèle qui permet d’engranger des redevances sans investir dans le capital de chacune des sociétés. Ainsi, easyCar abandonne la location de voitures pour se transformer en courtier, les mille magasins Boots vendent sous licence les produits easy4men. Parallèlement, souhaitant sortir de la spirale de la baisse des prix et de la banalisation du bas coût, easyJet a entrepris de communiquer autour d’un service qui la démarque. Au risque de passer du plus bas coût au coût médian ? « Tant que nous aurons la mentalité “low cost”, ce risque sera conjuré », assure Stéphane Fargette. UNE MARQUE OMBRELLE POUR QUINZE ACTIVITES La notoriété de la compagnie aérienne ne doit pas éclipser les autres avatars d’une formule souvent gagnante. Chez easy, le coût comprimé s’illustre en tous domaines. EasyInternetcafé (1999) compte 70 cybercafés dans neuf pays en Europe et à New York) ; easyCar (2000) propose dans 33 pays la location de voitures en ligne ; easyValue (2000) est un site européen de comparaison de prix ; easyMoney (2001) offre des services financiers en ligne réservés aux résidents du Royaume-Uni, en partenariat avec la banque Lloyds TSB ; easyCinema (2003) a ouvert un complexe de dix salles à Milton Keynes (Royaume-Uni), où officie également easyPizza (2004) ; easyJob (2004) est un site de recherche d’emploi ; easyMusic (2004) propose le téléchargement en ligne ; easy4men (2004) diffuse des produits d’hygiène ; easyBus (2004) est une compagnie de minibus Mercedes ; un easyHotel (2005) a ouvert ses portes à Londres ; easyMobile (2005) vend en ligne des cartes SIM et des minutes de communication, en partenariat avec T-Mobile, le quatrième opérateur mobile du Royaume-Uni ; easyWatch (2005) vend des montres sur la Toile ; enfin, easyCruise (2005) propose une croisière en Méditerranée, sur le bateau easyCruiseOne.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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