Bulletins de l'Ilec

Logan, ou le neuf au prix de l’occasion - Numéro 364

01/06/2005

Logan ? Pour les férus de géographie, c’est le nom du point culminant du Canada, deuxième sommet de l’Amérique du Nord. Pour les autres, c’est le nom (créé par l’agence Nomen) d’un modèle révolutionnaire lancé par Renault en 2004. Révolutionnaire par le choix initial du marché : les pays en développement. À la fin des années 1990, l’industrie automobile mondiale est confrontée à de nouveaux enjeux commerciaux. Les trois principaux marchés, les États-Unis, l’Europe occidentale et le Japon, sont entrés dans une phase de renouvellement et présentent un potentiel de croissance limité. D’autres marchés émergent, où se trouve plus de 80 % de la population mondiale, qui n’a eu jusqu’alors qu’un accès restreint à l’automobile. Louis Schweitzer décide, en 1995, de réorienter les ventes de Renault en lançant une gamme de véhicules ultra-compétitifs à l’achat, économiques à l’usage, et entièrement conçus pour les marchés extérieurs à l’Europe occidentale. « ça ne marchera jamais », dit-on alors, jusqu’au Technocentre Renault. La Logan, fabriquée en Roumanie (1) depuis septembre 2004, est révolutionnaire par son prix : l’équivalent de 5 000 euros. Par comparaison, pour un véhicule neuf d’un prix moyen de 100 en France en 2002, le prix s’établissait à 92 en Espagne, 69 en Hongrie, 68 en République tchèque et 54 en Pologne. Des écarts qui soulignent l’importance du prix comme critère d’achat, dans les pays de commercialisation de la Logan. Révolutionnaire, la Logan l’est également par une ligne (2) dont la conception « à coût objectif » (introduite en 1992 pour la Twingo) a privilégié systématiquement le moindre coût des éléments de la carrosserie (ainsi, la faible courbure des vitrages minimise le coût de l’outillage employé). Elle l’est encore par les effets d’échelle dans la gamme, en particulier la standardisation des composants, qui ont permis d’optimiser la fiabilité et le coût de revient, ainsi que par le recours à la conception numérique pour le développement. Débarrassée du surperflu technique à l’origine de l’inflation des prix dans le secteur automobile, la Logan, facile à construire, est également facile à réparer. Révolutionnaire, enfin, la Logan l’est depuis que Renault a décidé, en septembre 2004 et à la demande des concessionnaires ouest-européens inquiets de la concurrence des importateurs non officiels, de la commercialiser en France, à partir du 9 juin 2005, puis en Espagne et en Allemagne, les 16 et 17 juin, sous la marque Dacia. Elle sera lancée entre octobre et janvier prochains dans cinq autres pays d’Europe occidentale : Belgique, Suisse, Pays-Bas, Italie et Autriche (3), proposée avec trois niveaux d’équipement, identiques sur tous ces marchés. Le prix de vente sera affiché à partir de 7 500 euros, un niveau plus élevé justifié par un équipement supérieur (Airbag, ABS...). Il variera principalement en fonction des taxes et des coûts de transport de chaque pays. L’industriel vise aussi bien la clientèle familiale, souvent mono-motorisée, celle en quête de simplicité, ainsi que les jeunes conducteurs pour qui le tarif est un critère fondamental lors de l’acquisition d’un premier véhicule. En proposant une voiture neuve au prix d’une occasion, Renault chamboule la pyramide des prix. Mais la marque au losange se fait discrète. Son nom n’apparaît pas sur les supports visuels de la campagne de communication (ni télé ni radio : presse régionale seulement avec pour slogan « Soyez logique, soyez Logan »). Le constructeur français se contente de l’inscription anglaise « Logan by Renault » à l’arrière du véhicule. La voiture arbore sur sa calandre le blason bleu de Dacia. Il est difficile de concilier sous la même marque entrée et haut de gamme. Renault joue la prudence, en tablant sur quinze cents voitures vendues sur le marché français en 2005. Le « créateur d’automobiles », qui vise un objectif annuel de plus d’un million de Logan vendues d’ici à 2010, n’est pas le seul constructeur à se pencher sur le sujet de l’offre premier prix. Peugeot, Citroën, Fiat et Toyota commercialisent, depuis juin 2005, quatre modèles d’entrée de gamme, la Peugeot 107, la Citroën C1, la Panda et la Toyota Aygo. Le constructeur allemand Volkswagen a présenté en avril, au salon de Leipzig, sa petite « Fox », un modèle à 8 950 euros qui lui permet d’entrer lui aussi sur le marché des automobiles à bas coût. Skoda, autre marque du constructeur allemand, prépare une version simplifiée de sa Fabia. Quant aux Chinois, ils s’apprêtent à lancer la Chery QQ, à 6 000 euros. La voiture ne serait-elle plus le symbole du statut social ? (1) Dans l’usine Dacia de Pitesti. La production a aussi commencé en Russie en avril 2005. Elle va se poursuivre au Maroc et en Colombie au second semestre 2005. Une troisième étape interviendra en 2006, avec l’industrialisation de la Logan en Iran, puis en Inde et au Brésil, en 2007. (2) Patrick Le Quément, directeur du design, a choisi un stylicien écossais. (3) Parallèlement, la commercialisation s’étendra à une trentaine de pays cette année, en Europe occidentale, centrale et orientale, en Afrique, au Moyen-Orient et en Amérique latine.

Jean Watin-Augouard

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