Bulletins de l'Ilec

Un panorama des performances - Numéro 374

01/09/2006

La distribution européenne trouverait-elle son optimum économique avec des sociétés familiales, développant le discompte sur leur marché national ? Une étude, menée récemment pour l’Ilec par le Pr Simon Parienté, met en perspective les performances des acteurs du commerce, selon l’implantation, le format de référence et la stratégie financière. Synthèse.

Selon l’étude l’Europe de la distribution en 2005, réalisée par Simon Parienté, les sociétés locales à capital familial, comme l’espagnol Mercadona, le belge Colruyt et l’italien Esselunga, sont les meilleurs acteurs de la scène commerciale, par la rentabilité des capitaux investis. Quant au discompte, il demeure beaucoup plus créateur de valeur pour l’actionnaire que les sociétés exploitant des supermarchés et des hypermarchés. L’étude du Pr Parienté, qui en est à sa quatrième livraison depuis 2003, porte sur huit pays : l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie, les Pays-Bas et le Portugal. Avec un PIB de 9 000 milliards d’euros, des ventes de détail supérieures à 1 600 milliards d’euros et un nombre de grandes surfaces (hypermarchés, supermarchés et maxidiscomptes) de l’ordre de 60 000, l’échantillon retenu, qui couvre 340 millions d’habitants, représente bien l’Europe du commerce moderne. L’étude procède, dans une premier temps, à un tour d’horizon du contexte économique des pays sous revue. Elle rappelle que la France se distingue, dans l’univers de la grande distribution, par une proportion des dépenses alimentaires supérieure à celle des autres marchés nationaux (53 % , à l’opposé de 37 % aux Pays-Bas). L’économie espagnole est aujourd’hui la plus dynamique, tandis que le niveau de dépense par habitant, dans les points de vente du commerce moderne, est le plus élevé au Royaume-Uni. En termes de tissu commercial, l’Italie est le pays où la distribution est la moins concentrée. Dans le parc européen de magasins, le pourcentage de maxidiscomptes a augmenté d’environ 5 points, de 1998 à 2005, au détriment surtout du format supermarché. Parmi les hypermarchés, ce sont les surfaces de vente comprises entre 3 000 et 5 000 m2 qui affichent les meilleurs volumes de vente au mètre carré. 2 300 sociétés étudiées La deuxième partie de l’étude, consacrée à l’analyse financière des distributeurs européens, est fondée sur une information comptable très étendue. L’ensemble considéré, fort de 2 300 sociétés, représente 337 milliards d’euros de produits d’exploitation, soit un volume d’affaires qui dépasse la moitié des ventes du commerce moderne à dominante alimentaire des huit pays de l’échantillon. Après fusion des données comptables des sociétés constituant les groupements de commerçants indépendants, c’est une cinquantaine d’entités qui fait l’objet de l’étude financière, grâce à l’exploitation de plusieurs bases de données : M+M Planet Retail, CIES, ACNielsen, Stores, Linéaires.com, DVD Risk (Dun & Bradstreet), Amadeus, Datastream, sites internet des groupes, Détroyat Associés… Pour son analyse financière, le Pr Parienté distingue trois groupes d’acteurs, selon l’étendue géographique de leur activité : le premier réunit ceux qui ont adopté une stratégie résolument internationale de développement, comme le français Carrefour ; le deuxième regroupe des distributeurs présents dans un ou au plus deux pays, comme l’anglais Sainsbury ; le troisième, les entreprises à implantation locale, et dont le capital présente la particularité d’être sous contrôle familial. L’étude établit que les huit sociétés « locales » de l’échantillon, particulièrement Mercadona, Colruyt et Esselunga, rentabilisent mieux que les autres groupes d’acteurs les capitaux investis. L’auteur explique cette performance par deux types de raisons, qualitatives et dynamiques : d’un côté agit un taux de marge supérieur, dû à une gestion plus efficace des consommations intermédiaires ; de l’autre est à l’œuvre une meilleure rotation du capital (le ratio actif sur chiffre d’affaires est plus élevé). L’étude révèle également la bonne performance des filiales ibériques des français Carrefour et Auchan, spécialement du discompteur Dia. Elle met en exergue la moins bonne tenue des distributeurs exclusivement nationaux ou binationaux (hors locaux à capital familial), sur le plan du rendement des capitaux propres. « Endettez-vous… » Chez les acteurs locaux et les acteurs globaux, l’endettement, utilisé comme un levier, améliore singulièrement l’enrichissement des actionnaires, puisque la rentabilité des actifs dépasse de beaucoup le coût des capitaux empruntés. Autrement dit, il est plus intéressant pour un distributeur de s’endetter que d’émettre des actions : son banquier – qui est surtout son fournisseur, par le crédit interentreprises – lui coûte moins cher que son actionnaire. Par pays, le Portugal et la France s’avèrent avoir ainsi les meilleurs rendements des capitaux propres, grâce à des effets significatifs de levier. Les distributeurs portugais sont deux fois plus endettés que les espagnols. Si le britannique Tesco tient solidement sa place de numéro un européen par la capitalisation boursière, à l’inverse de Carrefour ou Ahold, qui ont vu la leur diminuer, le Royaume-Uni n’affiche plus, globalement, les bonnes performances des années précédentes. Au nombre des causes de ce déclin relatif, Simon Parienté recense l’affaiblissement managérial de Sainsbury et de Morrisons, et, dans une moindre mesure, les faux pas d’Asda, la filiale anglaise de Wal-Mart. La distribution française, souligne l’étude, se distingue par la structure défavorable de ses charges d’exploitation, avec des consommations intermédiaires élevées et des coûts salariaux faibles. Le total formé par le coût des marchandises et les charges externes laisse apparaître une différence défavorable de 5 points de chiffre d’affaires par rapport à Tesco. L’analyse des variables qui singularisent les acteurs du maxidiscompte par rapport aux hypermarchés établit qu’existe un écart favorable aux premiers, en termes de rotation du capital et de marge opérationnelle. Cependant, ils ont fait preuve en 2004-2005 d’une moindre dynamique des ventes que lors des exercices précédents. Et si l’on procède à une analyse de comptes agrégés, par circuits, il apparaît que la marge des hypermarchés n’est pas inférieure à celle du bloc des maxidiscompteurs. Les premiers signes de l’essoufflement du maxidiscompte européen, que tous les observateurs constatent en 2006, remontent, au vu des travaux de Simon Parienté, à 2004 et 2005.

La Rédaction

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à l'utiliser, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.