Bulletins de l'Ilec

Le maxidiscompte pour modèle financier - Numéro 374

01/09/2006

Entretien avec Guy Francheteau, analyste financier, cabinet Fideuram Wargny

Comment analysez-vous l’étude du Pr Parienté ? Quels en sont selon-vous les points majeurs ? Guy Francheteau : L’intérêt de l’étude tient non seulement à l’étendue de l’échantillon, mais également à la classification en trois groupes d’acteurs et à la comparaison de leurs performances. On découvre que de petites entités comme Mercadona ou Colruyt ont des niveaux de rentabilité très élevés, car ils disposent d’un réseau très dense dans leur pays. Ce qui leur vaut d’avoir des coûts logistiques plus faibles et un positionnement en prix très agressif. L’étude souligne également la bonne performance de l’enseigne Dia, qui se renouvelle avec de nouveaux concepts. Elle confirme la pertinence du modèle économique du maxidiscompte, qui, grâce à des frais de structure comprimés, affiche des marges opérationnelles élevées, même si les marges commerciales sont plus faibles. Elle confirme aussi la bonne résistance des indépendants, français et italiens, que certains jugeaient, trop hâtivement, en mauvaise posture. Leur regroupement, au sein de centrales d’achat, leur assure désormais des conditions d’achat comparables à celles des groupes intégrés. En matière de concentration, l’Italie est toujours la dernière, pour deux raisons : d’une part, le marché est déjà aux mains de groupes bien en place ; d’autre part, les autorisations d’ouvertures sont toujours délivrées au compte-gouttes. La meilleure façon de s’y développer est de procéder à des acquisitions, comme le font PPR (pour développer Conforama), Castorama et Auchan (avec La Rinascente). Signalons que depuis 2005, le retournement économique dans la péninsule fait souffrir Carrefour. Comment expliquer les difficultés de Sainsbury et les performances de Tesco ? G. F. : Le redressement de Sainsbury paraît aujourd’hui enclenché, mais la chaîne a souffert de ne pas avoir pris la juste mesure de la bataille de prix entre Tesco et Asda. Tesco demeure une machine redoutable, car très proche des besoins des clients, et qui innove constamment. Tous les Européens vont y puiser des idées de développement et de différenciation, en matière de mise en scène des produits, de nouveaux assortiments, et de nouveaux services. L’enseigne a véritablement un savoir-faire dans le commerce de proximité. Quel est le modèle le plus rentable et pour quelles raisons ? G. F. : Le modèle le plus rentable est celui qui supporte les frais de personnel et les frais de logistique les plus bas. On peut observer que la presque totalité des services à la coupe ont disparu, ainsi que les réserves, pour réduire les frais de stockage. Les sièges ont également fait des coupes sombres dans les services de marketing, devenus parfois pléthoriques. On se rapproche ainsi du modèle du maxidiscompte. Un impératif, dans la mesure où nous sommes engagés dans un mouvement déflationniste à long terme. Demain, le marché sera séparé en deux catégories distinctes : le discompte et le haut de gamme sélectif. L’hypermarché est-il encore un modèle viable ? G. F. : Contrairement aux idées reçues, l’hypermarché demeure pertinent, car le consommateur continue de trouver tout sous le même toit, avec un gain de temps évident, même si l’attente aux caisses pose toujours problème. Comment évoluent les résultats de la distribution française depuis la loi Dutreil ? G. F. : Contrairement aux craintes, et en attendant la publication des résultats semestriels, la tendance serait meilleure que prévu. Casino vient d’annoncer la couleur, en déclarant que ses marges remontent. N’oublions pas que, dans le courant de l’année 2005, les enseignes n’ont pas respecté le seuil de revente à perte. Si bien que la loi Dutreil les a conduites à relever les prix de certains produits en début d’année 2006, ce qui nous a amenés à observer une inflation sur les marques nationales. Mais la déflation s’est néanmoins poursuivie, du fait des marques de distributeurs. Quels sont les leviers de croissance pour demain ? G. F. : Au nombre des leviers de croissance, on peut suggérer le chantier des économies liées à l’optimisation des systèmes informatiques et de la logistique, qui est globalement encore loin des meilleures références en la matière que sont Aldi et Wal Mart. En matière de croissance externe, il ne faut pas se tromper d’adresse. Carrefour en a fait les frais. Il a quitté le Japon et a cédé ses supermarchés au Brésil. Dans les pays émergents, l’Europe centrale recèle des opportunités, ainsi que la Russie et l’Ukraine, nouvelles cibles d’Auchan. Demain, ce sera l’Inde, où Metro vient de s’implanter avec des magasins de payer-prendre, même si, pour l’heure, la loi freine le développement des formats traditionnels. Quant à la Chine, où la moitié du financement de la croissance est le fait des capitaux étrangers, méfions nous d’un possible bond en arrière à moyen terme, marqué par un repli sur soi.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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