Vie des marques

Exportateur de convivialité

24/03/2022

La politique commerciale ambitieuse et le poids du groupe Pernod Ricard à l’international reposent sur une grande attention à l’équilibre de ses relations avec ses partenaires, dont il promeut la culture et le savoir-faire. Entretien avec Alexandre Ricard, président-directeur général du groupe Pernod Ricard.

Que pèse Pernod Ricard dans la balance commerciale des vins et spiritueux ?

Alexandre Ricard : Avec près de 5 milliards d’euros exportés en 2021, le secteur des vins et spiritueux constitue un pilier de la balance commerciale française. C’est le deuxième exportateur à l’international. Nos principaux marchés sont les États-Unis et l’Asie, avec respectivement 44 et 29 % des exportations de spiritueux, puis l’Union européenne (27 % ). Pernod Ricard, numéro deux mondial de cette industrie, contribue significativement à la balance commerciale française puisque nous produisons et exportons le meilleur de nos terroirs, cognac et champagne en premier lieu.

Peut-on mesurer les retombées des exportations du groupe sur les créations d’emplois en France ?

A. R. : Non seulement notre secteur fait rayonner des savoir-faire français à l’étranger, mais il enrichit les territoires, en termes de dynamisme, d’attractivité et d’emplois. J’y insiste, réussir à l’international, c’est aussi créer de la richesse en France et pour la France. Le secteur des spiritueux soutient à lui seul cent mille emplois en France, de la production à la distribution. Selon une étude de la Commission européenne publiée en novembre 2021, les exportations des entreprises françaises hors de l’UE soutiennent 4quatre millions d’emplois français. Cela signifie que près de 14 % des emplois en France dépendent des exportations extracommunautaires.

Plateforme mondiale

Quels sont les pays où l’image de la France associée à l’histoire de vos marques (Martell, Ricard, Mumm, Perrier-Jouët, Lillet…) est un atout commercial ?

A. R. : Nous sommes fiers de nos racines et de jouer ce rôle d’ambassadeur de nos terroirs. Notre mission est non seulement de produire les meilleurs champagnes et cognacs, mais également, grâce à la force de notre réseau de distribution, de les proposer aux consommateurs à Paris, Dallas ou Hong-Kong. Partout où nous opérons dans le monde, notre dimension tricolore représente un atout, mais je citerai l’exemple de la Chine, où Martell est leader dans le segment particulièrement disputé des cognacs haut de gamme. Depuis plusieurs années nous développons des expériences autour de nos marques, et les consommateurs chinois se sont montrés particulièrement enthousiastes à l’ouverture de nos « ateliers Martell », où ils peuvent découvrir toute l’étendue de la gamme Martell, faire graver la bouteille de leur choix ou participer à des dégustations.

Que signifie concrètement votre projet de faire de votre groupe la première “platform company” tournée vers la convivialité ? La même demande de lien social est-elle partagée par tous vos consommateurs dans le monde ?

A. R. : Pernod Ricard a décidé d’étendre et d’accélérer sa transformation digitale de façon à exploiter tout le potentiel de son portefeuille. La technologie nous ouvre de nouvelles portes. Les progrès en matière d’outils numériques et d’analyse des données confèrent une nouvelle dimension à notre rôle de « créateurs de convivialité ». En se fixant l’objectif de devenir une “conviviality platform”, le groupe accélère sa transformation digitale. Grâce à la collecte et à l’analyse des données, nous pourrons proposer, sur chaque marché et en toute occasion, le bon produit au bon moment, au bon consommateur et au bon prix. C’est une évolution logique qui complète notre vision de la convivialité et constitue un avantage concurrentiel sur le long terme. Cette “conviviality platform” n’a pas vocation à remplacer les moments passés ensemble, mais à les enrichir.

Tradition de participation ou intéressement

Quelle est la part des salariés français dans l’ensemble de vos salariés ?

A. R. : Parmi les 18 500 répartis dans les soixante-treize filiales du groupe, plus de 2 500 sont en France. Nos sept marques françaises contribuent fortement au dynamisme des territoires ruraux, de la production à la distribution. L’engagement social est ancré dans l’ADN du groupe., Paul Ricard, mon grand-père et fondateur du groupe, a un précurseur en matière d’épargne salariale et d’actionnariat salarié en France. Fortes de cet héritage, toutes les entités françaises du groupe versent de la participation ou de l’intéressement à hauteur de 10 à 20 % du salaire brut annuel. Par ailleurs, 50 % de nos salariés sont actionnaires chez Pernod Ricard.

Votre politique de préservation des terroirs et de leur biodiversité fait-elle école dans les huit régions viticoles des divers pays où vous vous approvisionnez ?

A. R. : Tous nos produits tirent leur caractère du terroir dont ils sont issus. Dans le cadre de notre feuille de route RSE 2030, nous nous engageons à protéger chacun de nos terroirs et leur biodiversité, afin de continuer à offrir des produits de qualité pour les générations à venir. Pour maîtriser l’impact sur l’agriculture des 325 000 hectares de terres d’où proviennent nos ingrédients, nous développons des pratiques agricoles durables et régénératrices, mises en place dans toutes nos activités. En accompagnant nos producteurs dans cette transition, nous favorisons une démarche qui tient compte de l’écosystème agricole dans son intégralité, c’est-à-dire les terroirs, les sols, la faune, la flore et, naturellement, ceux qui travaillent la terre. Cette approche contribue à limiter le réchauffement climatique, à protéger la biosphère, à stimuler la biodiversité, à restaurer les sols et à améliorer les conditions de vie à travers le monde. Notre distillerie en Suède est déjà neutre en carbone, la vodka Absolut vendue aux États-Unis est sans doute moins carbonée que nombre de vodkas concurrentes locales.

Au service de la scène artistique française

En juillet 2020, la Fondation d’entreprise Ricard, créée il y a plus de vingt ans, est devenue la Fondation d’entreprise Pernod Ricard : un changement de dimension pour faire rayonner les projets artistiques ?

A. R. : Ce changement de nom marque l’ouverture d’un nouveau chapitre de l’histoire de la Fondation. Tout en restant l’héritière du mécénat pour l’art contemporain développé depuis plus de vingt ans par la société Ricard, elle a entamé un important virage international qui s’appuie sur les soixante-treize filiales du groupe. Je suis heureux que notre engagement constant aux côtés des jeunes créateurs soit désormais porté par une fondation à l’échelle de notre groupe. C’est la continuité d’une démarche engagée par mon grand-père, grand ami des arts et des artistes. À l’instar du groupe, notre mécénat d’entreprise se transforme pour porter plus haut, plus loin, plus fort notre ambition, sans jamais perdre son esprit originel. J’aimerais que la scène artistique française que nous continuerons de défendre et d’accompagner bénéficie de la dimension internationale du groupe Pernod Ricard, pour devenir ce que j’aime appeler la « scène internationale française ».

Le groupe accompagne-t-il des PME pour faciliter leur présence à l’international ? Et de quels secteurs ?

A. R. : L’association des PME et des ETI à notre stratégie internationale est naturelle pour Pernod Ricard. À Cognac, la maison Martell interagit avec mille deux cents partenaires en toute transparence et en toute confiance. Nous collaborons avec nos parties prenantes pour assurer la pérennité, la durabilité du terroir et l’excellence du produit cognac, dans l’esprit d’un partage d’expériences, de pratiques, de connaissance du terrain et du marché. Pour exporter, nous nous appuyons sur un tissu très dense de PME, en particulier avec nos fournisseurs viticulteurs. Malgré la crise, nous avons continué à soutenir les PME et ETI partenaires, notamment par la poursuite d’achats de raisins à Cognac et en Champagne, malgré la chute des ventes.

Savoir-faire et savoir-vivre

Quelle image de la France vos marques françaises représentent-elles : la convivialité, l’universalité, la qualité, un savoir-faire… ?

A. R. : Nos marques sont le fruit d’un ancrage dans leurs terroirs et d’un savoir-faire ancestral pouvant remonter à plusieurs centaines d’années, comme pour le cognac Martell, fondé en 1715, ou le champagne Perrier-Jouët, créé en 1811. Nos marques traversent les générations de consommateurs, à l’image des quatre-vingt-dix ans de Ricard et la célébration des cent cinquante ans de Lillet cette année. Les origines méridionales du « pastis » Ricard, créé à Marseille en 1932, constituent également un puissant vecteur d’images et d’émotions pour la clientèle française et étrangère. Nos marques incarnent donc à la fois le savoir-faire et le savoir-vivre à la française. Elles peuvent, en quelque sorte, être considérées comme des ambassadrices du patrimoine et du génie français. Elles résonnent aussi, bien sûr, avec la raison d’être de notre groupe, « Créateurs de convivialité », dont l’ambition est de transformer chaque interaction sociale en une expérience de partage, sincère et responsable, partout dans le monde. La convivialité est universelle.

Quelle est la place et le rôle de vos quarante-cinq « maisons » (sept en France) ou « Brand Homes » dans votre stratégie commerciale ?

A. R. : Nos « Maisons », toutes situées dans des cadres exceptionnels, jouent un rôle central dans notre démarche de convivialité. En ouvrant aux visiteurs nos distilleries, nos caves ou nos châteaux, nous partageons l’héritage, les traditions de nos marques. Je pense notamment à la Fondation Martell ou à l’ouverture du Mx Experience, la maison de l’anis, créée en 2021 par Pernod Ricard. Grâce aux expériences qu’elles offrent, comme la visite d’une cave ou la dégustation d’un spiritueux, elles constituent un cadre idéal pour la découverte de nos marques, leur histoire, leurs savoir-faire et, bien sûr, leurs qualités olfactives et gustatives.

Que dit le nom Pernod Ricard aux consommateurs étrangers ? Est-ce par le groupe ou par la marque que vous entrez dans un nouveau pays ?

A. R. : Ce sont avant tout les marques qui sont connues des consommateurs, en France et partout dans le monde. Il ne s’agit pas d’un phénomène propre à Pernod Ricard, car les consommateurs s’attachent aux marques, qu’ils apprécient et qui entrent dans leur vie. Ils ne s’’intéressent pas à leur propriétaire. Ils connaissent la vodka Absolut, le gin Beefeater, le whisky Ballantine’s ou le rhum Havana Club. Bien souvent, ils ignorent à qui ces marques appartiennent. Pernod Ricard est un ambassadeur de terroirs à travers le monde, nos marques en sont emblématiques et ont chacune leurs spécificités. Nous ne cherchons pas à les diluer au sein du groupe.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard et Antoine Quentin

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