Vie des marques

Tereos, cap sur la fertirrigation

22/06/2023

Depuis sa création, le groupe Tereos place la sauvegarde de l​‌’eau au cœur de ses priorités environnementales. Les nouveaux enjeux le conduisent à privilégier une démarche volontariste de réduction. Entretien avec Samuel Dufay, directeur de la gestion des risques environnementaux, Tereos.

Le groupe Tereos est-il un gros consommateur d’eau en Europe ? Depuis quand considérez-vous l’eau comme une ressource à sauvegarder et à économiser ?

Samuel Dufay : De par notre activité, diversifiée (sucreries, distilleries et amidonneries) et européenne, nos besoins en eau sont assez significatifs et c’est pourquoi notre groupe s’est toujours préoccupé de la sauvegarde de l’eau, en mettant en œuvre toutes les solutions permettant de l’économiser, en la recyclant ou en la stockant.

La prise de conscience du défi climatique et de la raréfaction de l’eau nous conduit à aller plus loin dans notre démarche. Notre stratégie RSE se concrétise par le déploiement de plans d’action sur nos sites industriels qui nous permettent, chaque année ou à chaque campagne, de réduire notre consommation d’eau.

Craignez-vous une sécheresse cet été ?

S. D. : Les mesures des nappes phréatiques en sortie d’hiver étaient alarmantes, et les publications des prévisionnistes nous amènent à craindre une nouvelle sécheresse. Si ce n’est une certitude, c’est un risque que nous prenons en compte.

Quels usages faites-vous de l’eau, dans les usines et dans les champs ?

S. D. : Dans nos sucreries, les usages portent par exemple sur la transformation de l’eau en vapeur. Nous en avons également besoin pour le lavage des betteraves et pour refroidir nos équipements. La distillerie est aussi consommatrice d’eau : la préparation de la fermentation des substrats qui seront distillés, le traitement des émissions atmosphériques qui sortent de certains ateliers, comptent parmi les principaux usages.

Pour ce qui est de l’agriculture, nous avons la chance d’avoir une culture économe en eau, la betterave, mais aussi autonome, car elle va chercher elle-même l’eau profondément dans le sol avec sa racine. Le taux d’irrigation est de l’ordre de 4 % des surfaces de betterave en France.

Lavoirs en boucle fermée

Quelles sont vos sources de prélèvement ?

S. D. : Les rivières ou les nappes phréatiques selon les sites ou parfois les deux. Le site d’Origny, qui est situé le long de l’Oise, bénéficie d’une rivière de grosse capacité. Pour d’autres sites, des forages nous alimentent à partir des nappes phréatiques. À titre exceptionnel, nos besoins peuvent être couverts par le réseau d’adduction d’eau potable de la ville ou de la collectivité.

Concernant la gestion des effluents, quelles sont vos pratiques de recyclage de l’eau ?

S. D. : Jusqu’à présent les possibilités de recycler l’eau à la sortie de nos stations d’épuration étaient limitées sur le plan réglementaire. On ne pouvait pas réutiliser les effluents. Une évolution des textes nous laisse espérer des possibilités de recyclage de nos eaux traitées par nos stations d’épuration

Quels usages faites-vous de l’eau de lavage de la betterave et celle qui en est extraite ? Vers les usines et vers les champs ?

S. D. : Dans nos sucreries, une grande partie de l’eau est utilisée pour laver la betterave dans le lavoir. On fait décanter la terre dans des bassins et l’eau qui surnage retourne vers le lavoir. Celui-ci fonctionne donc en boucle fermée durant la campagne betteravière qui dure quatre mois. Par ailleurs, pour faire du sucre, il faut évaporer l’eau de la betterave, qui en contient 75 % . Notre levier principal de réduction de la consommation d’eau de nos sucreries consiste à recondenser cette vapeur et à la réutiliser en fabrication, ou à la stocker dans des bassins pour l’utiliser après la campagne sucrière.

Comment la sucrerie de Boiry-Sainte-Rictrude, au sud d’Arras, met-elle en place votre démarche de « circuit vertueux » ?

S. D. : Grâce aux efforts évoqués précédemment, dont la création de capacité de stockage supplémentaire pour les eaux condensées, cette sucrerie a divisé par quatre sa consommation d’eau en quatre ans. Ce n’est pas le seul site qui a connu de tels progrès. Notre sucrerie de Connantre a divisé par trois la quantité d’eau puisée dans la nappe phréatique entre 2018 et 2021, celle de Chevrières de 20 % , et nous ne comptons pas nous arrêter là.

Quel est l’objectif au niveau du groupe ?

S. D. : Concernant l’eau, notre feuille de route est en 2030 une réduction de notre consommation de 20 % par rapport à 2017.

Épargner les nappes phréatiques

Quelles sont les particularités de la pratique de fertirrigation ? Nécessite-t-elle des infrastructures spécifiques ?

S. D. : La fertirrigation nécessite non seulement des infrastructures spécifiques mais aussi des investissements importants. Nous y sommes attachés, car elle participe à l’accompagnement des agriculteurs sur nos territoires. Les eaux destinées à la fertirrigation sont d’abord nettoyées progressivement et naturellement dans de très grands bassins (plusieurs dizaines d’hectares). Quand la qualité obtenue est satisfaisante, les eaux sont renvoyées dans les champs, au bon moment pour irriguer des cultures – car comme je l’ai dit les betteraves sont rarement irriguées. Cela permet à nos coopérateurs, ou à d’autres agriculteurs de proximité, de ne plus utiliser l’eau des nappes phréatiques et d’avoir une eau plus accessible, y compris en période de sécheresse.

Autre avantage, l’eau est relativement tiède, ce qui permet de ne pas stresser les cultures. Enfin, cette eau contient des éléments nutritifs qui fertilisent. D’où le nom de fertirrigation (fertilisation-irrigation). Notre sucrerie de Boiry dispose d’un réseau de 80 km, le réseau de celle de Connantre est de 110 km ; ces réseaux de fertirrigation couvrent plusieurs dizaines de milliers d’hectares de cultures.

Employez-vous une technique spécifique de purification ?

S. D. : Nous avons recours dans nos procédés, en particulier dans l’amidonnerie, à des technologies avancées en matière de purification de traitement de l’eau. On trouve dans nos usines des unités dites d’osmose inverse ou d’ultrafiltration par membrane. Un autre axe de travail consiste à créer des plateformes d’économie circulaire en maximisant les synergies avec des installations industrielles voisines, comme nous avons su le déployer sur la plateforme industrielle de Nesle¹, dans la Somme, qui regroupe cinq usines dont celle de Tereos (amidonnerie de blé).

S’adapter site par site

Les salariés sont-ils associés à vos démarches ?

S. D. : Nous ne pourrions progresser sans l’investissement et l’engagement de tous. Le domaine de la consommation d’eau est similaire à celui de l’énergie : pour progresser il faut mener deux types d’actions, les unes structurelles, portant sur des investissements (création de bassins de stockage supplémentaires par exemple), les autres concernent l’attention que tous vont porter chaque jour, à éviter de surconsommer, à surveiller les compteurs. Nous avons également mis en place des démarches participatives pour recueillir des idées nouvelles – le programme « GOTA » (gestion, optimisation et traitement de l’eau), au Brésil, participe à cette démarche.

Etes-vous accompagné par des agences de l’eau locales ?

S. D. : Oui, et nous avons noué des partenariats très constructifs, sur le plan technique aussi bien que financier.

Sur tous les territoires où Tereos est implanté, les méthodes sont-elles identiques ou diffèrent-elles selon les contraintes locales ?

S. D. : D’un bassin versant à l’autre, et parfois même quand on n’est pas très éloigné géographiquement, des bassins auront une sensibilité plus ou moins forte à la sécheresse. Dans la région des Hauts-de-France, nous avons des situations très diverses, selon que l’on se situe dans le Pas-de-Calais ou dans l’Oise. Il faut donc adapter site par site.

Le président de la République a annoncé des plans de sobriété pour l’eau dans chaque secteur d’activité. Quelles mesures envisagez-vous en ce sens que vous n’auriez pas encore adoptées ?

S. D. : Nous n’avons pas attendu la mise en place de ces plans pour identifier toutes les possibilités de réduction de la consommation d’eau et déployer une démarche volontariste. La gestion d’une économie circulaire est au cœur de notre démarche. Nous avons défini plusieurs plans d’action que nous allons dérouler site par site pour atteindre nos objectifs. Nous souhaitons devenir plus résilients au risque de sécheresse. Nos principaux défis sont la réduction de la consommation d’eau annuelle de nos usines, et celle plus ponctuelle en cas d’épisode de sécheresse marqué : ce deuxième défi est plus complexe, car on ne peut décider des calendriers de la production ni de sa flexibilité. La réduction continue et pérenne de la consommation d’eau est à privilégier.

[1] Cf. http://zonedactivite.com/zone_d_activites/Pole-d-Activites-de-Nesle---Mesnil-Saint-Nicaise--i138.htm.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site. Si vous continuez à l'utiliser, nous considérerons que vous acceptez l'utilisation des cookies.