Tribunes

Ademe, le vrac sous conditions

17/01/2022

Selon des études de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, la vente en vrac affiche des retombées environnementales globalement positives et des risques sanitaires maîtrisés. Sous réserve de bonnes pratiques dans l’ensemble de la chaîne de distribution jusqu’aux consommateurs. Par Christophe Marquet, animateur national, lutte contre le gaspillage, Ademe.

Cent millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013 et 1,2 milliards en 2019 ! Ces deux chiffres attestent la forte croissance de la vente en vrac sur le marché des produits de grande consommation et l’intérêt grandissant des consommateurs. Si l’épicerie sèche (céréales, biscuits, légumineuses) demeure prédominante – 58 % des foyers ayant recours au vrac achètent des fruits oléagineux (noix, noisettes, amandes…) –, les produits de droguerie-parfumerie-hygiène (DPH) y trouvent progressivement leur place.

À l’heure où s’impose la nécessité de mesurer les impacts environnementaux, l’Ademe a sélectionné dix scénarios pour le vrac, pour y comparer les produits avec les mêmes produits préemballés en grande distribution [1]. Ces scénarios, représentatifs des acteurs du secteur, des produits et des processus existants, couvrent l’alimentaire sec (amandes, riz, biscuits), des liquides (huile d’olive, vinaigre), le DPH (lessive et savon liquides), ainsi que les produits les plus vendus en vrac.

Pertinent pour les produits lourdement emballés en distribution classique

Le bilan environnemental du vrac est positif sous certaines conditions. Comme d’éviter les pertes de produits à toutes les étapes (amont, magasin et consommateurs) en cas de mauvaise gestion des rayons et des manipulations (lors des transvasements). Son impact environnemental sera d’autant plus faible que le rapport entre la masse d’emballage (dans toute la chaîne de distribution) et la dose de produit transporté l’est aussi, à matériaux équivalents. Le vrac est pertinent pour les produits lourdement emballés en distribution classique préemballée (flacon pompe à usage unique, par exemple). Ses impacts seront d’autant plus faibles que les emballages et conditionnements amont (fûts en métal, bidons en plastique) et des contenants d’achat sont très souvent réemployés. Enfin, pour les produits secs, les meubles et équipements de distribution en vrac ainsi que leur entretien ont un impact limité sur l’environnement.

Recommandations en matière environnementale

L’étude Panorama et évaluation environnementale du vrac en France montre que le vrac est pertinent sous certaines conditions, les principales étant de limiter la quantité de déchets d’emballage par produit tout au long de la chaîne de distribution, et pas uniquement en magasin, et de réduire au maximum les pertes de produits à chaque étape. Ces deux points sont les « arguments de vente » principaux du vrac, il est nécessaire de veiller à leur suivi à chaque étape, pour s’assurer du bénéfice environnemental du vrac.

Plus en détail, et afin de maximiser les bénéfices du vrac à toutes les étapes de la chaîne, l’Ademe recommande :

Aux fournisseurs de produits :
  • De mettre en place des conditionnements adaptés sans dégrader la protection du produit ;
  • D’optimiser le rapport entre masse d’emballage et masse transportée ;
  • D’encourager les critères de sélection et l’écoconception des emballages (masse, matière, réemploi) ;
  • D’éviter les « suremballages de conditionnement » pour le transport [2].
Aux fournisseurs de solutions :
  • De proposer des matériels robustes, faciles à manipuler et à entretenir ;
  • De réfléchir aux solutions d’ergonomie pour éviter les pertes au service et les surdosages ;
  • D’évaluer la pertinence environnementale des équipements de distribution.
Aux responsables de magasins :
  • De disposer d’un personnel spécialement attaché au vrac et formé, pour gérer les rayons et les stocks, entretenir les équipements et mettre en place les outils et procédures de contrôle et de prévention ;
  • De demander aux fournisseurs de limiter les emballages à l’amont ;
  • De faciliter l’acte d’achat du consommateur et s d’en limiter l’impact environnemental, en proposant des contenants de différents formats (optimisation masse et quantité) ;
  • D’encourager le consommateur à utiliser ses propres contenants réemployables ;
  • De proposer, avec leur fournisseur d’équipements de distribution, des solutions permettant l’utilisation de tous types de contenants et l’ajustement de la dose servie ;
  • D’assurer un suivi des stocks et la mise en œuvre de mesures de prévention (promotions, placement en rayon) pour une rotation optimale des produits limitant le gaspillage alimentaire.
Quant aux consommateurs de produits en vrac, charge à eux d’adopter de bonnes pratiques en magasin et à la maison :
  • Choix d’un contenant ajusté à la quantité voulue et au type de produit, réemployable et avec nettoyage renforcé pour l’achat de produits DPH ;
  • Optimisation du nombre de ses utilisations ;
  • Comportement responsable en magasin pour limiter les pertes de produits ;
  • Adaptation des quantités achetées et stockées à la maison en fonction de fréquence de consommation ; conservation des produits dans des contenants adaptés pour éviter tout gaspillage.

Revue des expositions aux risques

Dans son rapport Analyse et recommandations liées aux risques sanitaires de la distribution en vrac en France [3], l’Ademe s’est penchée sur les risques sanitaires pour les consommateurs, et sur les risques en santé et sécurité au travail pour les professionnels de la vente en vrac. L’étude porte sur les circuits d’achat en commerces spécialisés vrac et en grandes et moyennes surfaces (GMS), à partir du conditionnement et en passant par la préparation des produits jusqu’à la distribution en vrac. Elle s’appuie sur dix visites de sites à différentes étapes de la chaîne de distribution, ainsi que sur l’analyse de la réglementation. Elle a pour objectifs d’identifier les risques, d’analyser les exigences réglementaires pour identifier d’éventuels besoins de précisions ou d’ajouts, et d’émettre des recommandations en matière de gestion des risques.

Concernant les employés, des situations dangereuses liées à l’activité physique, à la chute d’objets, à l’utilisation de produits chimiques, à la chute de hauteur ou de plain-pied ont été observées. .Si des moyens de prévention ont été rapportés, on constate que les règles d’hygiène et sécurité ne sont pas appréhendées de la même manière selon les structures. Même si la distribution en préemballé n’a comparativement pas été étudiée ici, on peut formuler l’hypothèse que les situations dangereuses rencontrées sont les mêmes. La fréquence de l’occurrence de ces situations dans les deux types de distribution, qui permettrait une comparaison plus étayée, elle, n’est pas connue. Mais il reste que l’’exposition aux risques professionnels dans les points de vente en vrac peut être supérieure, notamment due à des manutentions et manipulations supplémentaires, ou à des contacts directs avec certains produits (rechargement de silos avec des conditionnements de gros volume, nettoyage régulier des équipements de distribution, service assisté au contact de produits de droguerie…).

Pour les consommateurs, les risques sanitaires peuvent provenir des produits vendus, qu’il s’agisse de DPH ou d’alimentaire, mais également des modes de distribution ou de leurs pratiques de consommation. Ils résultent du fait que les produits en vrac sont « exposants », car ils ne sont pas protégés par un emballage tout au long de leur cycle de vie. Ainsi, la maîtrise des risques n’est pas à la hauteur de celle de la distribution des préemballés et doit être précisée (formation, guide de suivi, procédures en atelier et en magasin...), notamment en fin de chaîne, aux étapes du stockage et de la distribution des produits dans les points de vente. Sur le plan réglementaire, les visites réalisées lors de l’étude montrent un niveau général d’application inférieur à celui des autres systèmes de distribution.

Recommandations en matière sanitaire

Afin de réduire les risques sanitaires, l’Ademe énonce une série de recommandations [4] à l’intention des acteurs.

Aux fournisseurs de produits :
  • Vigilance redoublée sur les conditions de stockage (lutte contre les nuisibles, hygrométrie et température de conservation, etc.) et de conditionnement ;
  • Adéquation des emballages et des conditionnements amont avec les étapes suivantes de stockage (herméticité, protection), de manutention et de manipulation lors du déconditionnement dans les points de vente.
Aux fournisseurs de solutions :
  • Des équipements limitant les manipulations ou transvasements (pompage ou distribution gravitaire) ;
  • Des équipements se prêtant facilement au nettoyage et à la manutention, et durables, pour limiter la casse et le risque de corps étrangers ;
  • Des ustensiles de service solidaires de l’équipement de distribution en rayon, pour éviter les contaminations croisées chimique ou allergènes ;
  • Des équipements de distribution et des contenants d’achat adaptés à chaque classe de produits (matériau en contact avec les denrées alimentaires, produits chimiques, etc.).
Aux responsables de magasins :
  • Formation du personnel aux particularités du vrac (hygiène, traçabilité, information du consommateur sur les produits, les contenants d’achat, etc.) ;
  • Ergonomie du lieu de travail et équipements de manutention adéquats au transport de gros volumes, et facilitant le remplissage et le nettoyage des silos ;
  • Différenciation des ustensiles et des équipements (forme, couleur), et contrôle ou sensibilisation en rayon sur les contenants d’achat utilisés selon le type de produit (droguerie-parfumerie-hygiène ou alimentaire) ;
  • Stockage amont et placement des produits dans les rayons organisés pour éviter les contaminations croisées et les migrations d’odeurs, les mauvaises manipulations (pelle du bac A dans le bac B) et les déversements accidentels (silo de poudre d’amande au-dessus du bac d’abricots secs) ;
  • Effort de traçabilité : étiquetage des produits ou des contenants selon la typologie et la réglementation en vigueur, suivi des lots de produits, etc.
Aux consommateurs :
  • Réemploi du même contenant pour le même produit (obligatoire pour les produits du DPH) ;
  • Propreté des contenants d’achat et bonne adéquation avec le produit acheté ;
  • Demande d’assistance au point de vente en cas de doute sur l’équipements de distribution ou les caractéristiques des produits ;
  • Comportement responsable en magasin pour contribuer à la propreté du rayon, éviter les contaminations croisées et déversements accidentels.
[1] L’étude Panorama et évaluation environnementale du vrac en France (octobre 2021) ne couvre pas les produits qui sont historiquement vendus en vrac – à savoir les fruits et légumes – ni les produits frais vendus à la coupe. Les conclusions obtenues sont spécifiques à chaque scénario et ne peuvent pas être généralisées à d’autres situations.
[2] Les « suremballages de conditionnement » sont par exemple les cartons ou films de palettisation (NdlR).
[3] Analyse et recommandations liées aux risques sanitaires de la distribution en vrac en France (novembre 2021).
[4] Liste exhaustive dans le rapport d’étude.

Christophe Marquet, Ademe

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