Tribunes

Énergie

Guerre en Ukraine : les actions de l’État pour limiter l’impact sur l’industrie

04/07/2022

Réduction des dépendances énergétiques, soutien aux trésoreries des exportateurs privés de débouchés du fait des sanctions, bouclier énergétique, aide aux investissements dans la décarbonation… : le « plan de résilience » gouvernemental contient diverses mesures intéressant les entreprises industrielles. Par Romain Bonenfant, chef du service de l’industrie à la Direction générale des entreprises.

La guerre d’agression russe en Ukraine et les sanctions prises par la France et ses partenaires à l’encontre de la Russie et de la Biélorussie ont des répercussions sur notre économie, en particulier sur l’industrie. L’approvisionnement des entreprises industrielles en matières premières agricoles, métaux et intrants chimiques, tout comme leurs approvisionnements énergétiques, sont perturbés. La limitation des relations commerciales avec la Russie affecte certaines entreprises exportatrices françaises. Si l’ensemble de l’économie est concernée, certains acteurs économiques sont particulièrement exposés – professionnels gros rouleurs, industries énergo-intensives, agriculteurs et pêcheurs. Parmi les filières industrielles, les impacts sont inégaux suivant les dépendances en matières premières stratégiques en provenance de Russie – comme le palladium utilisé dans l’industrie automobile ou le titane dans l’aéronautique.

Dès le début de l’intervention militaire russe, les services de l’État ont été mobilisés auprès des entreprises industrielles afin d’évaluer les conséquences de la guerre et des sanctions sur leurs activités, et concevoir des mesures adaptées pour les limiter, à différentes échelles de temps. L’objectif du plan de résilience économique et sociale annoncé le 16 mars dernier par le gouvernement est d’une part de construire une réponse ciblée sur les acteurs économiques les plus touchés, afin de protéger à court terme l’activité des entreprises comme le pouvoir d’achat des ménages, d’autre part d’accélérer la mise en œuvre de notre stratégie de réduction de nos dépendances, déjà engagée dans le cadre du plan de relance puis du plan d’investissement France 2030.

Protéger les ménages et les entreprises des conséquences immédiates du choc

Les ménages et entreprises sont affectés par les hausses des prix de l’énergie et par les perturbations des relations commerciales.

Pour les entreprises exportatrices concernées, un soutien accru à la recherche de nouveaux débouchés a été mis en place. Des accompagnements sectoriels spécifiques sont également mis en œuvre pour les filières les plus exposées aux fortes variations de prix des matières premières. Plus largement, de nouveaux soutiens en trésorerie ont été déployés pour les entreprises les plus directement dépendantes des débouchés russes, biélorusses et ukrainiens, afin d’éviter les faillites et les destructions d’emplois (prêts BPI de long terme, prêts garantis par l’État). En parallèle, des dispositifs d’accompagnement et d’information à l’intention des entreprises, mobilisant les réseaux consulaires, sont opérationnels depuis le début de la crise.

Le gouvernement a par ailleurs renforcé le bouclier tarifaire énergétique. La hausse des prix de l’énergie, qui avaient déjà fortement augmenté en 2021, est la première conséquence de la guerre en Ukraine. Tous les particuliers mais également les agriculteurs, les pêcheurs, les transporteurs routiers, les taxis et les acteurs des travaux publics peuvent bénéficier depuis avril d’une « remise carburants », qui constitue une aide directe à la pompe. En parallèle, les mesures du bouclier tarifaire mises en place précédemment continuent de s’appliquer, avec notamment le blocage des tarifs de l’électricité en 2021 et une hausse plafonnée à 4 % en 2022. Pour ce faire, le gouvernement a réduit de 95 % la taxe sur la consommation d’électricité et a augmenté de 20 TWh le plafond de l’électricité nucléaire vendue par EDF à un tarif réglementé (ARENH). Il a également acté la mise en place d’une aide pour soutenir les entreprises dont les dépenses de gaz et d’électricité représentent une part élevée des charges (cf. ci-après).

Aide aux entreprises grandes consommatrices de gaz et d’électricité

L’objectif de cette aide est de modérer les effets de la crise énergétique, de soutenir la compétitivité des entreprises et d’éviter les arrêts de production des sites les plus consommateurs de gaz et d’électricité.

Le dispositif cible les entreprises dont les achats de gaz et d’électricité atteignaient au moins 3 % de leur chiffre d’affaires en 2021 et qui connaissent un doublement de leur coût unitaire d’achat d’électricité ou de gaz (en €/MWh). Il compense une part des coûts éligibles, c’est-à-dire des surcoûts de dépenses de gaz ou d’électricité par rapport à 2021 au-delà de ce doublement.

Selon la situation de l’entreprise, l’aide aura les modalités suivantes :

  • Une aide égale à 30 % des coûts éligibles plafonnée à 2 M€, pour les entreprises subissant une baisse d’excédent brut d’exploitation (EBE) de 30 % par rapport à 2021.
  • Une aide égale à 50% des coûts éligibles plafonnée à 25 M€, pour les entreprises dont l’EBE est négatif et dont le montant des pertes est au plus égal à deux fois les coûts éligibles. L’aide est limitée à 80 % du montant des pertes.
  • Une aide égale à 70 % des coûts éligibles plafonnée à 50 M€, pour les entreprises qui respectent les mêmes critères que précédemment, et qui exercent dans un des secteurs les plus exposés à la concurrence internationale, listés en annexe de l’encadrement temporaire. L’aide est limitée à 80 % du montant de ces pertes.
  • Pour les entreprises qui font partie d’un groupe, le montant des plafonds d’aide sera évalué à l’échelle du groupe.

Le dispositif, opéré par la DGFiP, sera ouvert au cours de la deuxième quinzaine de juin :dépôt de demandes d’aide pour la première période éligible trimestrielle, mars-avril-mai.

Accélérer les actions structurelles pour réduire les dépendances stratégiques de l’industrie

La guerre en Ukraine amène à hiérarchiser et à accélérer les actions déjà engagées pour réduire nos dépendances industrielles, alimentaires et énergétiques.

Sécuriser nos approvisionnements en matières premières stratégiques

Si les importations en provenance de la Russie ne représentent que 2 % du total, l’impact de la crise sur les fournitures de certains intrants critiques est important, notamment sur le titane, le palladium ou le néon. Des task forces sectorielles associant pouvoirs publics et acteurs économiques ont été créées, et une coordination a été mise en place sous l’égide de Philippe Varin. Un travail de diagnostic et d’identification de pistes d’actions concrètes a été réalisé en lien avec les industriels les plus touchés.

Afin de faire émerger des projets industriels susceptibles de contribuer à la réduction de ces dépendances, trois nouveaux volets de l’appel à projets (AAP) « Solutions innovantes pour l’amélioration de la recyclabilité, le recyclage et la réincorporation des matériaux » ont été ouverts, ainsi qu’un appel à manifestation d’intérêt visant à réduire la dépendance de l’industrie française vis-à-vis de la Russie, de la Biélorussie ou de l’Ukraine en matière d’intrants critiques.

Renforcer notre souveraineté énergétique

L’ambition affichée par le plan de résilience économique et sociale est claire : sortir intégralement du gaz et du pétrole russe le plus tôt possible. Cela passe par une accélération de la transition énergétique dès l’hiver prochain (rénovation énergétique, électrification du parc automobile, etc.), et plus spécifiquement par des soutiens aux investissements de décarbonation, avec par exemple le lancement d’un appel à projets « Industrie Zéro Fossile » (cf. ci-après).

Appel à projets « Industrie Zéro Fossile »

La situation géopolitique a un impact à la fois sur le prix des combustibles ou intrants fossiles et éventuellement sur la continuité des approvisionnements nationaux. Cela est susceptible de nuire fortement aux entreprises consommatrices de ces ressources, mais aussi de se répercuter de proche en proche sur l’ensemble des chaînes de valeur, et d’affecter la rentabilité des entreprises de production et de commercialisation de biens de consommation. La décarbonation par une réduction rapide du recours aux fossiles a donc, dans cette crise, un enjeu direct de protection stratégique du tissu économique national.

C’est pour répondre à cet enjeu que l’appel à projets (AAP) « Industrie Zéro Fossile » (« IZF ») a été ouvert, pour 150 millions d’euros, avec priorité à la réduction du recours aux intrants et combustibles fossiles, et un calendrier de déploiement rapide de ces projets. L’AAP IZF s’articule autour de trois volets : la chaleur bas carbone (volet 1 - BCIAT), l’efficacité énergétique et la décarbonation des procédés (volet 2 - DECARBIND) pour les investissements les plus importants, et le déploiement rapide de la décarbonation de l’industrie pour les investissements plus restreints (volet 3 - DECARB-FLASH). Toutes les informations sur cet appel à projets sont disponibles sur le site de l’Ademe.

Les mesures du plan de résilience économique et sociale à destination de l’industrie s’inscrivent dans la continuité du plan de relance et du plan d’investissement France 2030, qui ont lancé des actions visant à renforcer notre autonomie stratégique dans la durée (développement des énergies renouvelables, biogaz, sécurisation des approvisionnements en métaux critiques, augmentation des moyens pour la production en France de l’alimentation animale, etc.). Ce sont des objectifs de long terme, parties intégrantes de la politique industrielle de l’État. Les mesures du plan de résilience devront s’adapter dans le temps, en fonction de l’évolution du conflit, notamment en cas de nouvelles sanctions ou contre-sanctions russes. Nourri des concertations et des remontées des représentants des filières professionnelles et des partenaires sociaux, il continuera d’associer dans sa mise en œuvre les parties prenantes concernées.

Romain Bonenfant, DGE

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