Bulletins de l'Ilec

Editorial

Ni la distance ni la taille - Numéro 432

01/12/2012

Cela n’a pas bouleversé le paysage de la grande consommation alimentaire, mais depuis trois à quatre ans la nébuleuse des « circuits courts » est entrée dans une nouvelle ère en France : non pas du fait d’un essor fracassant, mais de ce qu’elle a gagné en définition, en observations autorisées et en attentions publiques. De ces dernières, Yuna Chiffoleau donne ici un aperçu en observatrice et actrice, et rappelle le distinguo « circuits courts » et « proximité géographique ». Car la définition officielle (« mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire »), si contre-intuitif que cela paraisse, exclut de son périmètre toute notion de distance ou de poids au kilomètre, en même temps qu’elle limite le concept à l’alimentaire. En pratique, aux produits frais, supposant donc que le premier maillon nécessairement absent est le maillon industriel. C’est omettre que des objets artisanaux du cru se vendent sur les marchés, ou que certains produits manufacturés ont attendu le chaland dans des magasins d’usine ; mais la restriction du périmètre est nécessitée par l’engagement de politiques publiques. Elles sont diverses, de l’Etat aux collectivités locales, elles touchent à la formation comme à la maîtrise du foncier ou à l’édiction de « référentiels », et pour être « inégales », juge Denis Carel, responsable du premier réseau Amap lancé en France, se sont avérées indispensables.

Que pèsent les circuits courts ? La diversité de la mesure illustre celle de l’objet. Entre 6 et 12 % du budget alimentaire des ménages, note Jean-Baptiste Traversac, pour 3 à 20 % de ménages fréquentant les « réseaux alternatifs », et 17 à 56 % les marchés traditionnels, la variation étant fonction de la période considérée, ajoute Franck Rosenthal. Quant aux perspectives de développement, elles se jouent entre la tendance structurelle à la baisse du nombre des agriculteurs, que rappelle Jean-Baptiste Traversac, et le développement de « démarches entrepreneuriales » dont Jean-Louis Cazaubon et les chambres d’agriculture soulignent l’émergence, assise sur la demande des « locavores». Une demande dont la satisfaction est essentielle à « l’image qualité » des magasins, note Franck Rosenthal, ce qui explique assez que les grandes enseignes se soient aussi commises dans le circuit court. Là encore, l’image que l’intuition se forme d’un circuit court est un peu bousculée. Mais la définition qui fait foi n’impose nullement que le vendeur soit petit, dès lors qu’il est l’unique intermédiaire, et la grande distribution pourrait d’ailleurs malicieusement revendiquer l’appellation de circuit court, ou du moins raccourci : ne l’a-t-elle pas depuis toujours méritée en ayant supprimé les grossistes ?

François Ehrard

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