Entretiens

Entreprises et territoires

Socx-Coca, trente ans de bouteille

24/10/2025

Comment rendre attractif une commune et y créer de la richesse de manière pérenne ? Dans le Nord, Socx accueille depuis plus de trente ans la plus grande usine française d’embouteillage de Coca-Cola. Entretien avec Alexandre Rommelaere, maire de Socx.

Enfant de Socx que vous habitez depuis quarante-six ans, vous avez connu l’arrivée de Coca-Cola, il y a trente ans, dans une commune alors dominée par l’agriculture. L’avez-vous vécue comme un choc industriel, économique, culturel ?

Alexandre Rommelaere : Un choc, non. Une opportunité, oui. Mon grand-père, Roger Drapie, maire de Bergues pendant quarante-cinq ans, fut avec d’autres personnes à l’origine de l’implantation de l’usine Coca-Cola à Socx. Initialement, une autre entreprise était prévue sur le site qui ne faisait pas l’unanimité. La mobilisation des habitants à l’époque et l’écoute des élus ont permis de trouver une solution qui convenait à tous : l’arrivée de Coca-Cola. Elle fut acceptée très facilement par l’ensemble de la population.

Coca-Cola investit de nouveau. Quels sont selon vous ses apports majeurs à votre collectivité ?

A. R : Aujourd’hui, les investissements de Coca-Cola ne portent pas sur le bâti mais sur le réaménagement de lignes de production, il n’y a donc pas d’effet économique pour la commune. Et les impôts de production ne concernent pas la commune ! Mais le bénéfice est réel compte tenu de la conjoncture actuelle, plutôt morose, car une entreprise moderne comme Coca-Cola, qui investit, rassure et donne une image positive du territoire, attractif, dynamique. Cela crée de l’emploi, soutient la consommation et crée de la richesse sur un territoire plus large que la seule ville de Socx.

Vous êtes maire de Socx depuis 2020. Quelle est votre politique pour favoriser vos relations avec les entreprises locales ?

A. R : Nous n’avons plus la capacité de proposer des terrains à d’autres entreprises. Pour autant, mon parcours professionnel – dans le bâtiment – facilite les relations avec les entreprises. Je comprends leur problématique, leurs besoins, on parle le même langage, ce qui facilite la résolution des problèmes rencontrés. Selon moi, l’engagement public donne du sens à la vie, comme peut le faire celui d’un patron envers ses salariés. La confiance limpide entre les acteurs est primordiale aussi bien au conseil municipal qu’avec les entreprises, dont Coca-Cola. Nous comptons une dizaine de petites entreprises qui n’ont pas la taille de Coca-Cola, telles que des sociétés de chaudronnerie, de dépannage de véhicules, mais qui participent du dynamisme de Socx. Pendant la période Covid, les associations présentes à Socx ont accepté de donner leurs subventions aux entreprises de la ville. Ainsi, en accord avec le conseil municipal et surtout la région, nous les avons accompagnées durant cette période difficile.

Plus que des acteurs qui investissent du foncier bâti

Les partenariats public-privé rencontrent-ils des obstacles ? Comment se partagent les rôles et pouvoirs entre la Ville, le Département et la Région ?

A. R. : La voirie relève du Département. La Région a un pouvoir économique. Cas concret d’une parfaite collaboration : celui de la boutique de sport Les Olympiades, enseigne trentenaire qui fut sommée de changer son nom par Paris 2024, le Comité d’organisation des Jeux olympiques et le Comité national olympique du sport français, les sociétés qui ont organisé les JO de Paris en 2024. Nous avons interpellé la Région Hauts-de-France, qui conjointement avec la commune de Socx, a accompagné économiquement l’enseigne, car un changement de dénomination sociale a un coût élevé. Quand les élus vont dans le même sens, travaillent ensemble, tout se fait dans l’ordre et les règles de l’art.

Recourez-vous à des dispositifs particuliers pour faciliter le dialogue avec les entreprises ? Vous êtes la première commune de France à passer la certification Mase¹ : de quoi s’agit-il ?

A. R. : Le Mase (Manuel d’amélioration sécurité entreprise) est un référentiel de système de management de la santé et de la sécurité au travail. C’est une certification fondée sur un management plutôt horizontal. L’objectif est l’amélioration permanente et continue des performances « sécurité santé environnement » des entreprises. Je me suis inspiré de mon parcours professionnel dans le BTP, dans le Dunkerquois, où beaucoup d’entreprises de l’industrie lourde, de la pétrochimie et d’autres donneurs d’ordres, voulant améliorer les conditions de travail dans leurs usines, ont instauré le Mase. Je pense que c’est une manière d’introduire les bonnes méthodes de l’entreprise dans une petite collectivité comme Socx. Mon objectif n’est pas la rentabilité mais l’efficacité. On peut ainsi impliquer et responsabiliser les employés de la commune.

Quels leviers pourraient être activés (au niveau local, régional, national et européen) pour renforcer les synergies entre une commune et les entreprises ?

A. R. : Peu de choses manquent. C’est essentiellement une question de personnes et d’intérêt qu’on y porte. Si on considère les entreprises qui sont sur notre territoire uniquement comme des acteurs qui viennent investir du foncier bâti et que l’on peut imposer en tant qu’élu, alors on se trompe de combat. Il faut tout au contraire les accompagner et que l’on comprenne, en tant qu’élu, les intérêts de l’entreprise. Il faut, me semble-t-il, ne pas faire à leur place. Il faut leur donner de la visibilité et faciliter leurs activités. Exemple qui a associé la Région, le Département, les parlementaires et la commune de Socx : Coca-Cola loue des entrepôts à moins de deux kilomètres de l’usine. Or un décret interdit le transport le week-end ! L’usine ne peut donc plus travailler le week-end ? Les élus régionaux, départementaux et nationaux ont regroupé leurs compétences et trouvé la solution avec les services de l’État. Donnons aux entreprises les moyens de travailler en respectant les règles et  le bon sens !

Au secours des ressources en eau

Que pensez-vous du concept de responsabilité territoriale des entreprises ?

A. R. : Exemple concret de responsabilité territoriale d’une entreprise comme Coca-Cola : elle participe localement à l’effort collectif, au-delà de son activité propre, en accompagnant des associations locales, des projets environnementaux sur le dunkerquois liés à l’eau, comme la remise en état d’une zone qui permettra de récupérer les eaux de surface importantes. Le projet Acclimo (Adaptation au changement climatique de l’Oostover)[ii], sur le site du Canal des Moëres, associe seize structures locales dont la Communauté urbaine de Dunkerque, la Préfecture du Nord, l’Agence de l’eau et Coca-Cola. L’objectif est de restaurer le canal afin de gérer la ressource en eau de surface pour préserver la biodiversité et assurer le maintien des activités agricoles. Ce projet doit rendre accessible au moins 300 000 mètres cubes d’eau.

Apportez-vous votre compétence à d’autres collectivités ?

A. R. : Il est difficile de dupliquer des modèles qui, chacun, ont leur singularité. Néanmoins, je suis à la disposition des élus du territoire pour des visites. Quand on travaille avec une confiance partagée pour des projets sérieux et qui ont du sens, le partenariat avec les entreprises est facile à mettre en œuvre. Ainsi, avec Coca-Cola, on sait ce que l’entreprise veut et comment elle fonctionne. Elle a des services très bien organisés, fiables, efficaces. Cela nous conduits à l’être également en tant que collectivité. À nous d’être aussi réactifs et efficaces auprès de nos concitoyens et des entreprises. Travailler avec des entreprises comme Coca-Cola nous aide à grandir, à gagner en efficacité et à nous améliorer quotidiennement.

La relation entreprise-collectivités vue par CCEP

Entretien avec Arnaud Lallemant, directeur du site de Socx.

Quelles sont vos attentes vis-à-vis des collectivités territoriales dans lesquelles vous êtes implantés ?

Arnaud Lallemant : Les collectivités locales – municipalités de Socx, Bergues et Bierne, Communauté urbaine de Dunkerque, Communauté de communes des Hauts-de-Flandre, la Région Hauts-de-France –- jouent un rôle clé dans la création d’un environnement propice à notre production locale. À notre échelle, nous avons pour ambition de renforcer notre ancrage local et de contribuer durablement à la vitalité économique du territoire. Cela passe par un dialogue constant et constructif autour de grands enjeux partagés : emploi et formation, transition environnementale, développement des infrastructures de transport, attractivité du bassin et des métiers industriels…

Avez-vous déjà mis en place des actions ou des partenariats avec une collectivité ?

A. L. : Dans les Hauts-de-France, plusieurs projets structurants illustrent notre engagement territorial et l’esprit de coopération qui nous lie aux acteurs publics locaux, ainsi qu’à l’ensemble de notre écosystème. L’association de préservation du canal des Moëres, dont nous sommes membre fondateur, vise à restaurer et à réalimenter en eau ce canal. Ce projet, porté dans une logique de coalition, réunit seize structures publiques et privées (dont la Communauté urbaine de Dunkerque, la Préfecture du Nord et l’Agence de l’eau), avec pour objectif de préserver la biodiversité, les milieux naturels, et d’assurer le maintien des usages.

Le Relais de la flamme olympique, en juillet 2024, a été une opportunité exceptionnelle pour notre site, sélectionné comme étape officielle dans le cadre du partenariat de Coca-Cola avec cet événement. Dès les premiers échanges avec les organisateurs, les forces de l’ordre et les officiels, nous avons souhaité associer l’ensemble des acteurs du territoire à cette célébration inédite. En collaboration avec les municipalités, nous avons fait en sorte que le Relais débute exceptionnellement sur la voie publique, à quelques centaines de mètres de notre usine. Notre objectif : faire de cette fête un moment partagé par tout le territoire et ses habitants, et toutes les entreprises des alentours. Grâce un travail collectif de plusieurs mois, plus de mille spectateurs ont pu participer à cet événement festif et fédérateur.

Plus généralement, notre équipe est engagée durablement dans plusieurs structures locales et participe régulièrement aux initiatives menées sur le territoire, notamment le programme Territoires d’industrie, piloté par la DGE et l’ANCT ; ainsi que la participation à la Fabuleuse Factory, un événement dunkerquois qui vise à faire découvrir l’industrie du futur, les innovations, les enjeux de la transition énergétique et les métiers industriels au grand public.

Rencontrez-vous difficultés dans vos échanges avec les collectivités ?

A. L. : Certains projets peuvent nécessiter des démarches administratives et techniques plus longues, propres à la nature industrielle de nos activités. Pour autant, nos relations avec les collectivités reposent sur une véritable proximité et un dialogue régulier. Leur réactivité et leur engagement contribuent à lever des freins et à maintenir un climat de confiance et de collaboration.

Quels types de partenariats ou de projets souhaiteriez-vous développer à l’avenir avec elles ?

A. L : Nous souhaitons renforcer nos partenariats autour de plusieurs axes, en continuité directe avec les projets déjà engagés. Notamment dans le cadre de l’emploi et de la formation, en accompagnant la montée en compétences de la main-d’œuvre locale et en valorisant les métiers industriels auprès des jeunes du territoire. Dans la transition environnementale, en poursuivant les initiatives liées à la gestion durable de l’eau, à la modernisation énergétique de nos équipements et à la réduction de nos émissions – notre trajectoire vers le Net Zéro à l’horizon 2040. Enfin, dans le développement économique local, en continuant à collaborer avec de nombreux fournisseurs, sous-traitants et partenaires implantés sur le territoire. Ainsi, Coca-Cola travaille avec 181 fournisseurs basés dans les Hauts-de-France, et notre activité soutient environ 8 500 emplois directs et indirects à travers la région.

1. Cf. https://certification-iso-45001.fr/mase.html.
2. Cf. https://www.cocacolaep.com/fr/news-and-stories/ccep-se-mobilise-pour-un-projet-de-realimentation-en-eaux-de-surface-pres-de-dunkerque/.

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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