Vie des marques

Liebig, transition énergétique avancée

31/01/2023

Les salariés à l’honneur à l’usine avignonnaise du groupe GB Foods, un outil industriel pionnier en écologie industrielle des territoires, avec une boucle énergétique qui l’associe à l’incinérateur de déchets ménagers voisin. Entretien avec Omar Zitout, directeur de l’usine Liebig du Pontet, et Stéphane Bolard, directeur des ressources humaines, GB Foods France.

Liebig a fait savoir par communiqué de presse en décembre dernier que son usine du Pontet (Vaucluse) fêtait ses soixante ans ; pourquoi avoir voulu mettre en avant votre outil industriel ?

Omar Zitout : Depuis son implantation sur le site du Pontet, l’usine Liebig n’a cessé d’être témoin des plus grandes innovations de la marque. Plus de cent mille tonnes de soupes sont produites chaque année (60 000 tonnes de soupes liquides et l’équivalent de 40 000 tonnes de soupes déshydratées sous la marque Royco), contribuant à faire de Liebig le leader de la soupe toute prête en France. Devenue actrice majeure de l’emploi en agroalimentaire dans la région du grand Avignon, l’usine du Pontet célèbre ses soixante ans, il nous semblait important de mettre à l’honneur les salariés qui y travaillent tous les jours.

Que représente cette usine en termes d’emplois, directs et indirects ? Les recrutements y sont-ils surtout locaux ?

Stéphane Bolard : Plus de deux cents salariés travaillent quotidiennement sur le site du Pontet, qui participe activement à l’emploi agroalimentaire dans le grand Avignon et contribue au développement du tissu économique et social local. Nos principaux partenaires sont les agences d’intérim telles qu’Adéquat, le groupement d’employeurs [1] Res’sources, ainsi que l’université d’Avignon et le centre de formation pour la filière alimentaire Ifria Paca d’Avignon pour le recrutement d’alternants (conducteurs de ligne, techniciens de maintenance…). Les recrutements se font majoritairement dans le bassin PACA mais depuis quelques années notre site attire de nombreux talents venant de tout le territoire national.

Moins carbonés et plus exigeants en compétences

Les procédés industriels et lignes de production ont-ils connu des évolutions techniques majeures depuis soixante ans (robotisation, numérisation, etc.) ?

O. Z. : Les premières automatisations ont concerné les tâches pénibles et répétitives, responsables de nombreux maux : palettisation automatique et banderolage des palettes principalement. Puis la sécurisation des procédés s’est mise en place par le pilotage des lignes de façon centralisée, à commencer par les stérilisateurs, puis les cuves de cuisson de la soupe. Cela nous a permis de développer les compétences de nos pilotes et techniciens, en les maintenant formés au fil de l’évolution de nos équipements. Enfin, le développement des emballages a permis de fabriquer des soupes stérilisées en briques aseptiques, une évolution de la boîte de conserve. Aujourd’hui, les équipements de production se sont complexifiés, permettant notamment la baisse des consommations d’énergie, mais ils nécessitent des profils de techniciens de maintenance très qualifiés pour leur entretien et leur dépannage.

En quoi la présence du centre de recherche et développement dans l’usine est-elle un atout ?

O. Z. : La proximité du centre de R&D avec l’usine permet un accès direct à l’outil industriel, accélérant et rendant plus efficaces les phases d’industrialisation de tout nouveau développement produit. En utilisant des matières premières industrielles dès les phases amont des créations culinaires, les essais de R&D sont plus représentatifs du résultat final. Cette proximité renforce également les collaborations que la R&D crée avec l’encadrement et les techniciens de l’usine, autour de problématiques communes. Travaillant ainsi en équipes multifonctionnelles, avec une vision partagée et régulière sur le terrain des problèmes ou sujets de réflexion, nous sommes plus alignés sur l’objectif à atteindre. Cette mise en commun d’expertises a été à l’origine de solutions créatives et de dépôts de brevets.

Écologie industrielle de territoire

En quoi consiste le réseau énergétique entre l’usine et l’incinérateur de déchets ménagers voisin, mis en place en 2018 ? Était-ce une première pour l’opérateur Engie ?

O. Z. : Depuis 2018, un réseau vapeur relie l’incinérateur d’ordures ménagères des seize communes de l’agglomération d’Avignon au site de l’usine du Pontet et permet une réduction de 75 % des émissions de CO2 : c’est l’énergie de la vapeur produite par la combustion des déchets de deux cent mille habitants qui permet d’effacer sept mille tonnes de dioxyde de carbone. Ce projet figure parmi les premiers de l’économie circulaire territoriale proposés par Engie. Une partie de la chaleur obtenue par la combustion des déchets est livrée sous forme de vapeur au site du Pontet, où elle permet de chauffer les cuves de soupes. Ce n’était pas une première pour l’opérateur Engie, qui était déjà intervenu pour une usine du groupe Mars en Alsace [2].

Comment ce réseau a-t-il été rendu possible ? Du seul fait de la proximité des deux sites ? Quelle aurait été la distance entre eux qui l’aurait empêché ?

O. Z. : Il a été rendu possible d’une part par la volonté de limiter la dépendance à l’utilisation des énergies fossiles, et d’ainsi limiter l’impact environnemental du site, et d’autre part par la proximité : il n’y a que deux kilomètres de réseau.

L’installation de la tuyauterie entre l’incinérateur et l’usine a-t-elle posé des problèmes techniques, écologiques (zones protégées…) ?

O. Z. : La pose n’a posé aucun problème technique : la tuyauterie est enterrée à environ trois mètres de profondeur, l’isolation a été particulièrement étudiée pour réduire au maximum les pertes sur le réseau. La tuyauterie traverse un domaine classé, donc sa mise en place était soumise à autorisation par les autorités. Une étude a été faite pour vérifier son impact, qui est très faible.

90 % des besoins énergétiques

L’usine achète donc à l’opérateur Engie la vapeur de l’incinérateur, comment se répartit la responsabilité de part et d’autre vis-vis de l’opérateur, et dans quelle proportion l’incinérateur alimente-t-il les besoins énergétiques de l’usine ?

O. Z. : Engie achète la vapeur dite primaire à l’incinérateur et revend à GB Foods la vapeur secondaire qui est utilisée sur le site du Pontet. Tous les investissements ont été portés par Engie, qui assure l’entretien et l’exploitation pour une durée de quinze ans. En 2022, l’incinérateur a alimenté environ 90 % des besoins énergétiques de l’usine.

Comment la mise en place de ce réseau a-t-elle été financée ? Le bilan économique est-il positif après quatre ans ? Un prix d’achat est-il garanti sur plusieurs années ?

O. Z. : L’investissement a été porté par Engie qui a obtenu une aide de l’Ademe. Le bilan économique est positif, surtout dans le contexte énergétique actuel. Le prix est révisé selon une formule de révision prévue contractuellement.

Cette réalisation a-t-elle fait école auprès d’autres usines d’autres entreprises ou secteurs ?

O. Z. : D’autres projets sont à l’étude mais pas encore finalisés.

Avez-vous d’autres projets d’économie circulaire ? Que fait l’usine du Pontet de ses propres déchets ?

O. Z. : Nous travaillons activement sur d’autres projets concernant le traitement de nos déchets. En 2022, 95 % des déchets du Pontet ont été recyclés ou revalorisés.

Composante de la marque employeur

Les salariés de l’usine ont-ils été impliqués dans les décisions allant dans le sens de sa transition énergétique ?

O. Z. : Le site est certifié ISO 50001 (management de la performance énergétique), des communications et sensibilisations sont donc faites régulièrement auprès de l’ensemble des salariés.

Votre politique énergétique a-t-elle un effet attractif auprès des demandeurs d’emplois ?

S. B. : Le critère énergétique est l’une des composantes de notre démarche RSE, qui devient elle-même un critère important de choix d’une entreprise par les demandeurs d’emploi. Notre politique énergétique contribue donc fortement à la notoriété et à l’attractivité de notre marque employeur.

Des catégories de métiers sont-elles actuellement en tension à l’usine du Pontet ? Qu’est-ce qu’il manque à l’écosystème RH pour répondre à vos besoins de compétences et de main-d’œuvre ?

S. B. : Les métiers les plus en tension ces dernières années, au-delà de notre site, car il s’agit d’une pénurie à l’échelle nationale voire européenne, se situent dans le domaine technique, et dans celui des techniciens de maintenance en particulier. Mais aujourd’hui notre écosystème RH permet de répondre à l’intégralité de nos besoins !

[1] Sur les groupements d’employeurs, cf. le site du ministère du Travail.
[2] Cf. Bulletin de l’Ilec n° 448, avril 2015.  

Propos recueillis par Jean Watin-Augouard

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