Bulletins de l'Ilec

Adaptations commerciales - Numéro 467

25/09/2017

Industrie et distribution : les deux versants de la « grande conso » diffèrent par leurs structures de coûts, mais pour la seconde comme pour la première la pertinence de l’offre est une clé de la rentabilité. Entretien avec Jean-Daniel Pick, associé, EY

Quelles sont les immobilisations les plus coûteuses, celles des distributeurs ou celles de leurs fournisseurs ?
Jean-Daniel Pick : En règle générale, le métier de fabricant requiert plus de capital par unité de profit ou par unité de chiffre d’affaires, c’est un métier plus intensif en capital.

Y a-t-il des indicateurs pertinents pour comparer les rentabilités d’activités aussi différentes que la distribution et l’industrie ?
J.-D. P. : La meilleure métrique est celle du retour sur le capital engagé. La rentabilité exprimée en pourcentage du chiffre d’affaires est une mauvaise mesure, pour cette raison que le métier de fabricant est plus consommateur de capitaux.

Le fait pour un distributeur (Intermarché) d’avoir une activité industrielle en fait-il, du point de vue de la rentabilité des magasins, un modèle de distribution à part ?
J.-D. P. : C’est évidemment un modèle unique en France, et une caractéristique sur laquelle l’enseigne communique, pour construire une image différenciée. Il existe quelques autres exemples en Europe : Migros en Suisse, Morrison’s au Royaume-Uni.

Les exigences des actionnaires sont-elles identiques pour les fabricants et les distributeurs ?
J.-D. P. : Les sociétés cotées le sont sur un marché liquide et international. L’argent circule librement d’un pays ou d’un secteur à l’autre. Les exigences sont les mêmes.

Dans quelle mesure le crédit fournisseur, lié à la longueur des délais de paiements, contribue-t-il aux résultats de la grande distribution ?
J.-D. P. : C’est la principale raison pour laquelle le métier de distributeur requiert moins de capital engagé que le métier de fabricant, en particulier dans l’alimentaire : le consommateur paie comptant, les fournisseurs sont payés avec un délai.

Y a-t-il des signes que la course à la part de marché a porté préjudice aux résultats financiers d’une enseigne ?
J.-D. P. : La course à la part de marché de façon débridée, oui ; de ce fait, la guerre des prix en alimentaire a fait pression sur les profits de tous les distributeurs, et poussé à la consolidation des achats. Leclerc maintient une pression constante sur les prix, quitte à pincer ses marges, car ses adhérents ont dans l’ensemble des horizons de temps de retour sur investissement qui sont plus longs que ceux d’une société cotée. Ils développent un modèle économique dans lequel l’hypermarché sert de locomotive à une galerie marchande qu’ils possèdent généralement. C’est ainsi que se crée une valeur patrimoniale dans la durée. Cela donne des marges de manœuvre à court terme.

L’évolution récente de l’offre dans les hypermarchés, privilégiant l’alimentaire au détriment des rayons équipement, a-t-elle eu l’apparence d’un impact sur leur rentabilité ?
J.-D. P. : Le problème général est que le non-alimentaire des hypermarchés a été de plus en plus attaqué par les distributeurs spécialistes, dont les plus efficaces offrent le meilleur des deux mondes : des prix bas en entrée de gamme, et un bon niveau de service. Les hypermarchés ont donc vu leur marge se réduire en non-alimentaire globalement. Par ailleurs, les formats alimentaires de proximité ont gagné en attractivité (présence du frais, compétitivité en prix). C’est donc par nécessité que les hypermarchés ont renforcé l’attractivité de leur offre alimentaire, et ils ont bien fait.

L’essor puis le reflux du maxidiscompte doit-il plus aux évolutions réglementaires ou au comportement des consommateurs ?
J.-D. P. : C’est essentiellement dû à l’évolution de l’offre : des produits d’entrée de gamme très économiques ont été introduits en hypermarché ; le format supermarché a en règle générale amélioré sa compétitivité en prix ; les enseignes de maxidiscompte dont la proposition était uniquement centrée vers le prix bas ont décliné.

Le reflux du maxidiscompte suggère qu’il y a aujourd’hui moins d’acteurs du commerce en situation de privilégier délibérément une stratégie de rentabilité par le volume (rotation du capital)…
J.-D. P. : Il y a déclin global du maxidiscompte, mais qui masque des succès. Notamment de Lidl, qui a fait évoluer son concept pour incarner l’excellence du rapport qualité-prix en améliorant son offre (plus de produits frais) et en injectant quelques marques leaders pour accroître l’attractivité de l’enseigne.
 

Propos recueillis par J. W.-A.

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