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Richard Panquiault à LSA : “Un panorama qui reste profondément antagoniste”

01/03/2022

Le point de vue de l’Ilec sur les dernières heures des négociations industrie-commerce 2022, tel que recueilli la veille du 1er mars.

Interrogé parmi d’autres responsables de fédérations par l’hebdo du commerce et de la grande consommation sur le cycle de négociations qui s’achève, Richard Panquiault, directeur général de l’Ilec, a apporté les réponses suivantes.

« Quelle analyse faites-vous de cru des négociations?

La loi Égalim 2 a pâti d’un alignement de planètes extraordinairement défavorable, avec une inflation de l’ensemble des coûts et intrants inédite dans ses proportions et son caractère absolument généralisé ; une inflation moyenne qui n’a fait qu’enfler depuis la date à laquelle les fournisseurs ont adressé leurs tarifs 2022 et qui se caractérise par le fait que les deux tiers des hausses auxquelles elle a conduit sont attribuables à d’autres coûts qu’à la matière première agricole qui est au cœur des nouveaux textes législatifs dits Égalim 2 ; situation que les enseignes ont utilisé pour nier massivement la nécessaire prise en compte de ces coûts dans la négociation.

Sur la forme, ces négociations traduisent un formidable constat d’échec. Elles auront et vont encore impliquer trois ministres, deux médiations, la DGCCRF, probablement le juge, dans le seul but de faire émerger un minimum de bon sens et de bonne foi dans des négociations qui se règlent partout ailleurs par le jeu naturel des acteurs économiques, y compris dans le contexte actuel de ces poussées inflationnistes considérables, connues de tous et malheureusement incontestables.

Sur le fond, à deux jours de l’échéance, il est encore légitime de craindre que ces négociations ne constituent la pire campagne jamais vue, avec l’écart le plus important jamais observé entre atterrissage et besoin économique des fournisseurs.

Ces négociations auront vu quelques beaux exemples de collaboration constructive ; il faut les saluer car ils sont source d’espoir et indiquent la voie à suivre, faite de transparence, de cohérence, de respect des personnes et des modèles ; mais il est aussi important de rester lucides et de ne pas en exagérer l’importance : ce ne sont que des exceptions dans un panorama qui reste profondément antagoniste et marqué par l’incompréhension et la défiance. Le verre n’est pas à moitié plein, il est aux trois quarts vides.

Quelles sont les leçons que vous en tirez?

De nombreuses dispositions d’Égalim 2 sont nouvelles, positives et structurantes ; compte tenu de la date tardive de leur promulgation, pas plus les enseignes que leurs fournisseurs n’ont eu le temps de se les approprier réellement, d’en réaliser pleinement les effets, de les intégrer dans les systèmes et les process ; les mois qui viennent devront permettre de dresser un premier bilan, de faire converger les interprétations des textes sous l’égide des pouvoirs publics, de passer d’une certaine forme d’improvisation à une approche plus systémique et mieux maîtrisée sur des sujets tels que les clauses d’indexation et de revoyure, les processus de certification/ attestation, la non-discrimination, l’individualisation de la valeur des services…

Les textes Égalim n’ont par ailleurs fait qu’exacerber les différences de traitement entre catégories dans l’univers des produits de grande consommation, élargissant le spectre des péréquations et aggravant la situation des fournisseurs opérant dans des catégories que la loi ne vise pas explicitement à protéger : le non alimentaire, ou l’alimentaire exclu d’Égalim. Il est urgent de revenir à un régime plus harmonisé des PGC.

Au-delà de ces dimensions techniques demeure l’indispensable et formidable mue culturelle qui ne s’est toujours pas manifestée après deux années de crise sanitaire, une flambée inflationniste historique et aujourd’hui des troubles géopolitiques majeurs.

Problème de transparence ? En partie sans doute, s’agissant par exemple de clauses d’indexation construites par les fournisseurs sur des indicateurs qui ne sont pas publics ; même si l’absence de transparence alléguée constitue souvent une formidable fausse barbe pour des enseignes par ailleurs donneuses d’ordres pour la fabrication de leurs propres marques.  

Le vrai problème est moins dans ce que les enseignes affirment ne pas savoir à cause de l’opacité de certains de leurs fournisseurs que dans ce qu’elles prétendent savoir mieux qu’eux-mêmes sur leurs propres besoins, en investissements de tous ordres et en marge. La réalité des hausses n’est en définitive souvent pas contestée : le blocage vient surtout du devoir qu’auraient les industriels de les financer intégralement et indéfiniment. Sans respect pour les modèles économiques des différents acteurs entre eux, il ne pourra pas y avoir de fonctionnement efficace et harmonieux dans la chaîne de valeur.

2022 aura au moins le mérite de briser pour certains le cycle déflationniste qui affecte les prix nets des marques nationales en France depuis près de neuf ans. Économiquement et psychologiquement, c’est un événement qui s’avérera peut être déterminant pour les années à venir. »

Ilec R.P. – LSA

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